mercredi 7 novembre 2007

mercredi 27 juin 2007

le vol du Météore



















PROLOGUE




Espionage is a serious businessrealy serious !!!




A tous les escrocs, bandits, truands, gangsters, forbans, fripouilles, hors-la-loi, mafiosi, criminels, malfaiteurs, pirates, vauriens, saboteurs, canailles, débauchés, gibiers de potence, loubards, arsouilles, coquins, affranchis, malfrats, coupes jarrets, détrousseurs, pillards, vandales, iconoclastes, brigands, scélérats, larrons, terreurs, sacripants, malandrins, desperados, bons à rien, apaches, chenapans, gredins, voyous et autres voleurs d’idées.




Début décembre 1993, Lausanne, 00H30.Fuyant précipitamment la clarté électrique des réverbères, dans un épais brouillard à couper au couteau, Zoltan Sonic s’engagea hâtivement dans l’antre sombre d’une sinueuse ruelle isolée sur les hauteurs de la ville. Glacé jusqu’aux os par l’humidité hivernale de cette nuit épouvantable, à bout de souffle après une interminable course effrénée, il reprit sa respiration et jeta brièvement un coup d’oeil sur le cadran de sa montre. Eprouvé par une heure de poursuite infernale, il tentait vainement d’échapper à l'acharnement de ces deux maudits véhicules, qui le pistaient sans relâche à travers la cité. Alors qu’il pensait enfin avoir disparu dans les ténèbres, la rue s’illumina d’un coup de leurs phares éblouissants. Pris en tenaille par les chasseurs obstinés, finalement piégé à sa gauche comme à sa droite, l’unique option était de sauter dans le ravin surplombant Lausanne ; où alors, cette fois-ci il serait pris.S'élançant instinctivement dans le vide, après une cabriole de quelques mètres, il dévala une pente abrupte, charriant avec lui, terre, sable et gravats. Au pied du ravin, après avoir secoué ses vêtements pour en retirer la poussière, puis s’être débarrassé des petits cailloux rentrés dans ses chaussures pendant sa chute, il parvint à se dérober en se réfugiant dans une taverne. Au fond du troquet, autour de quelques chopes de bières, dans une lourde atmosphère embuée et viciée par le tabac, plusieurs groupes de joueurs quinquagénaires pariaient leur argent au rami poker. S’approchant près du comptoir, Zoltan s’adressa au barman et lui commanda un café, qu’à peine servi, il avala aussitôt d’une seule gorgée. Quelle sale histoire ! Tout en remarquant qu’un peu de marc était resté sur le bord de la tasse, il se remémora les deux dernières semaines passées.C’était à Paris, qu’il avait répondu à cette petite annonce du « Figaro » qui proposait du travail à l’étranger. Ayant pris rendez-vous dans un centre d’affaires près de l’Opéra, il avait rencontré un certain Michaël Simoun. Ce dernier, fort séduit par son talent inné de persuasion, lui offrit immédiatement un poste de commercial. Zoltan devrait vendre des gravures holographiques en porte à porte. En contrepartie, il toucherait trente trois pour cent de commission journalière nette, sur le chiffre d’affaire qu’il réussirait à réaliser quotidiennement. Ce qui d’après Simoun, représentait le salaire mirobolant de mille francs suisse par jour ; une véritable petite fortune. Important d’Angleterre les fameuses « héliogravures », il expliqua vaguement que celles-ci étaient spécialement fabriquées pour lui à Londres, par un procédé d’exploitation unique utilisant le laser. Ayant reçu sur place, l’argent pour couvrir les frais de transport, Zoltan accepta la proposition et dès le lendemain, il embarqua dans un « TGV » en direction du pays des Helvètes.La veille, de son côté, Simoun fit le voyage en avion. Après avoir récupéré Zoltan à la gare de Genève, il l’emmena aussitôt à l’hôtel, mais lui laissa à peine le temps de déposer son sac de voyage dans sa chambre. Installée dans la salle de restaurant, toute l’équipe au grand complet attendait impatiemment leur arrivée autour d’un apéritif. Après avoir bu un dry martini, Simoun s’éclipsa pour retrouver sa femme chez lui. Lors du dîner, Nicolas, son responsable de secteur, exposa à Zoltan sa mission en détail. Le lendemain matin, dès neuf heures, le commando arriva sur un secteur pavillonnaire. Toutes les quarante-cinq minutes, Nicolas récupérait chaque vendeur à l’endroit ou il l’avait laissé. Ces pauses fréquentes permettaient de réassortir régulièrement tous les tableaux vendus. Les responsables d’équipe de Simoun jouissaient de la prérogative de conduire de véritables limousines de luxe, de gigantesques « 4x4 », ou même de somptueux « monospaces », avec sièges en cuir et vitres fumées. Privilégiant exclusivement la location de courte durée, ce système très pratique les autorisait à alterner régulièrement tout les différents modèles proposés, préservant ainsi la discrétion pour circuler incognito dans le petit pays. En vendeur chevronné, Zoltan rapportait un chiffre d’affaire quotidien de plus de trois mille francs suisses. La rémunération se faisait chaque soir à la remise de la recette. Ne s’occupant que de ses propres affaires, en quinze jours, il parvint à réunir une somme considérable. Après le travail, les vendeurs dînaient ensemble au restaurant et parfois même, ils sortaient en boite de nuit pour se changer les idées et faire la fête jusqu’au petit matin. Le week-end en général, ils skiaient à « Verbier », une station suisse de renom.Cette situation semblait idéale, pourtant Zoltan s’aperçut très vite que Simoun en authentique despote, était en réalité un véritable tyran avec ses employés. Sa femme Charlotte elle-même, n’échappait pas à la règle. Bien que très belle, son mari n’hésitait pas à la tromper ouvertement avec Laurence, l’une des chefs d’équipe. Son organisation quasi mafieuse, se trouvait être une véritable secte commerciale. Presque personne dans sa société, ne possédait de contrat de travail. Alors qu’embauchés au noir, ses vendeurs se trouvaient constamment sur les routes de Suisse, personne n’avait évidement ouvert de compte en banque. C’était le patron qui gardait l’argent de tout le monde dans son coffre. Il rabaissait sans cesse son personnel et quelquefois même, il n’hésitait pas à décrocher un coup de poing sur les employés pour affirmer son autorité. Zoltan qui ne lui accordait que très peu de confiance, préférait garder tout son argent dans son portefeuille. Il avait remarqué que la plupart de ses collègues étaient de jeunes paumés d’à peine dix-huit ans, en général tous recrutés en France. Lors ce qu’à bout de souffle, ces malheureux n’arrivaient plus à vendre suffisamment, Simoun n’hésitait pas à les abandonner au coin d’une route et bien entendu il conservait toutes leurs économies. Comme ils n’avaient pas de permis de travail, ils ne pouvaient évidemment se plaindre à personne. De plus, ils étaient trop jeunes et trop inexpérimentés pour s’attaquer à cet esclavagiste. De nationalité Suisse, Simoun, fort bien protégé par son argent, usait régulièrement de corruption, en disposant d’un vaste réseau d’influence. Ce week-end, tous les vendeurs étaient invités, dans la plus prestigieuse boite de nuit de Lausanne. Comme à l’ordinaire, le patron était odieux, n’hésitant pas à embrasser sa maîtresse devant sa femme. Pour ne pas se rabaisser au niveau de sa rivale, Charlotte n’extériorisait pas son amertume. Elle proposa discrètement à Zoltan de l’accompagner fumer un joint dans les toilettes. Superbe rousse d’un mètre soixante cinq, Charlotte était vêtue ce soir-là d’une belle robe noire, courte et légèrement transparente. Excédée par ces humiliations conjugales, brûlante de désir, elle se colla âprement contre Zoltan, puis soulevant sa cuisse droite, elle l’obligea quasiment à la prendre debout contre le mur. L’irruption de Simoun dans les toilettes, le fit écumer de rage. Fou de jalousie, il bondit sur son rival, ameutant immédiatement toute son équipe à la poursuite de ce dernier. Zoltan réussit pourtant à se dégager et à s’enfuir, mais Simoun voulait absolument sa peau, afin d’en faire un exemple et ne pas perdre la face auprès de ses employés. Et voilà comment Zoltan s’était empêtré dans cette situation critique.Quittant le bar à l’intérieur duquel il avait trouvé momentanément refuge, il se dirigea vers le centre de Lausanne. De son côté, toujours à ses trousses, Simoun patrouillait sans relâche à bord de son « 4X4 ». Rasant les murs de la ville, Zoltan réussit tout de même à rejoindre la gare, mais en s’apercevant que le « Voyager » de Nicolas l’y attendait déjà, il se retrancha aussitôt dans un night-club, ou il passa le reste de la nuit enfin en sécurité. Au petit matin, tout le centre ville grouillait de monde. Sachant bien que Simoun enverrait son sinistre comité d’accueil, Zoltan décida d’abandonner ses vêtements restés à l’hôtel. Sans états d’âme, il sauta dans le premier train pour Genève ou il pouvait embarquer dans un « TGV » en direction de Lyon.Dans le train à grande vitesse qui le ramenait en France, Zoltan était installé près d'une ravissante jeune femme brune. Lors du contrôle des billets, celle-ci présenta son passeport au contrôleur, lui expliquant qu'elle était arrivé en retard à la gare et qu'elle n'avait pas eu le temps d'acheter un billet de peur de rater le train. Remarquant qu'elle était un peu gênée d'avoir pris une amende, Zoltan la rassura par un sourire complice et pour la mettre définitivement à l'aise, il lui proposa de faire connaissance autour d'un bon café. Nora lui raconta qu'elle s’était enfuie de Genève à cause de son ex-petit ami qui avait voulu la mettre sur le trottoir. Momentanément sans argent, elle ne savait pas vraiment où aller le temps de se faire oublier. Zoltan qui pensait passer les fêtes de fin d'année en famille, proposa à Nora de l'accompagner à Clermont-Ferrand. Sans hésiter, elle accepta de le suivre, se mettant ainsi à l'abri pour un temps. A Lyon, ils montèrent dans un « corail » en direction de la capitale Auvergnate. A destination, un taxi les emmena chez Rico, un ami de Zoltan. C'étaient de vieux copains qui longtemps n'avaient vécus que pour l’aventure. Dix ans auparavant, ils avaient fait ensemble le tour d’Europe en auto-stop, Rico allant même jusqu’en Crête, ou il gagna un peu d’argent en cueillant des olives. Après être rentrés séparément en France, tout deux cherchèrent à nouveau du travail à Nice ou ils restèrent deux ans. Ensuite, ils s’étaient encore perdus de vue, car Zoltan avait décidé de visiter l’Australie, pour à son retour, définitivement partir s’installer à Paris. Rico quand a lui, se pacsa et à présent, il vivait avec sa compagne et ses deux enfants, dans la maison que ses parents lui avaient laissés, avant de quitter la France pour retourner vivre au Portugal. Rico installa ses invités dans la chambre d’ami. Après avoir pris une bonne douche, Zoltan lui demanda de le conduire chez sa mère, qui possédait une villa dans le même quartier.Quelques jours plus tard, c'était à la veille de Noël que manifestement terrorisé, l'oncle de Zoltan téléphona d'Autriche pour demander désespérément de l’aide à sa soeur. Il lui annonça l’horrible nouvelle de la mort de leur frère aîné Vlad, assassiné chez-lui deux semaines auparavant, par des criminels de guerre venus l’expulser de sa maison. Comme il refusait courageusement de céder à cette injustice, ces derniers l’avaient tabassé à mort. Agonisant à terre dans une mare de son propre sang, Vlad fut simplement achevé d’une balle dans la tête. Afin de ne pas lui aussi subir le même sort et sauver sa peau, Joz abandonna sa maison ainsi que tout ses biens, pour fuir la terrible guerre de Croatie. Il avait quitté précipitamment Vukovar, sa pauvre ville martyrisée qui agonisait sous les bombardements, en réussissant à traverser Dieu sait comment la frontière Autrichienne, pour se retrouver seul, sans argent et sans passeport à la gare de Vienne. Voisine de la Yougoslavie, l’Autriche était en ses temps troubles, infestée d'espions. La vie de Joz étant gravement menacée, Zoltan devait absolument aller le chercher sans perdre un seul instant. Afin de réaliser ce périple, sa mère lui confia les clefs de sa Peugeot « 505 » diesel. Etant une question de vie ou de mort pour l'oncle de Zoltan, Rico, casanier depuis trop longtemps, n'aurait pour rien au monde raté cette occasion de nouvelle aventure. Il annonça sans hésiter à sa femme que cette année, elle passerait le réveillon sans lui, car ce soir même il prendrait la route avec son ami. Nora qui désirait rester près de Zoltan, venait également. Après avoir fait le plein d’essence, Rico pris le volant en premier.11H59, le soir de noël, sortie de Grenoble.N'ayant pas d'autres options pour franchir les routes enneigées des Alpes, les grosses berlines à propulsions, Mercedes et autres BMW s'étaient toutes arrêtées sur le bas côté, afin d'équiper leurs pneus avec des chaînes. La Peugeot utilisant quand à elle un système de traction avant, entama sans déraper la longue montée glissante. Après la frontière, Zoltan relaya Rico à la conduite. Il n’avait pas imaginé revenir aussi vite en Suisse et ne pouvait s’empêcher de songer à cette crapule de Simoun en traversant Lausanne. Il roula toute la nuit sans stopper une seule fois et avait déjà atteint Zurich au petit matin. Il faisait encore nuit quand il s'arrêta enfin devant l’entrée de l'hôtel « Intercontinental » où il réveilla Rico et Nora en leur proposant un luxueux petit déjeuner. Après avoir confié les clefs de la « 505 » au voiturier de l'hôtel, tous trois rejoignirent la somptueuse salle à manger baroque. Zoltan appela le garçon et lui commanda du café noir, des viennoiseries, du jus d'orange pressé, ainsi que des oeufs au bacon. Après s'être tous bien restaurés, ils pouvaient à nouveau reprendre leur périple, pour traverser péniblement la frontière Autrichienne au petit jour. La neige verglacée et le brouillard rendant la conduite très périlleuse, il était quasiment impossible de rouler au-dessus de 60 Km/h. La bonne vitesse à adopter pour rester sur la route en toute sécurité se situait entre 40 et 50 Km/h. Néanmoins, par excès de prudence, quelques piètres conducteurs exagérément terrorisés par le mauvais temps persistant, bloquaient dangereusement toute la colonne en roulant à vingt à l'heure. Après trois têtes à queues, heureusement sans conséquence, provoqués par ses premiers dépassements complètement incontrôlés, Zoltan maîtrisa rapidement ce difficile exercice sur neige. Se débarrassant alors des traînards, il réussit à augmenter significativement la moyenne de sa vitesse de croisière. Au bout de deux heures, rejoignant péniblement l'autoroute qui par chance avait été salée pendant la nuit, il passa de nouveau le volant à Rico et s’assoupit en fermant les yeux. Sur le coup de midi, l’équipe enfin arrivée à Vienne, débarqua dans l'ambiance surréaliste du centre-ville. Des voitures se faisaient la course à chaque coin de rue. Observant qu’une fusillade avait éclaté au loin, Zoltan demanda à Rico de se dépêcher de trouver la gare. Après l'avoir enfin dénichée, puis s’être garés sur le parking, Zoltan se mit à chercher son oncle. Dans sa mémoire, il se rappelait un grand gaillard solide et costaud, mais lorsqu'il entendit quelqu'un appeler faiblement son nom dans la foule, il ne vit qu'un pauvre bougre rachitique, mal rasé et habillé presque comme un clochard. En le regardant de plus près, il reconnut enfin son oncle Joz. Après l'avoir embrassé et présenté à ses amis, Zoltan téléphona immédiatement à sa mère pour la rassurer. Comme son oncle n’avait rien mangé depuis plusieurs jours, ils cherchèrent ensemble un restaurant, oubliant même que c'était le jour de Noël; mais l'air autrichien étant relativement malsain pour Joz qui ne s'exprimait qu'en Serbo-croate, ils quittèrent aussitôt la ville et reprirent la route pour la France vers quinze heures. Joz n'ayant pas de passeport, il leur fallait traverser les frontières de préférence la nuit afin d'éviter les contrôles des douanes. Pour le retour, ils prirent un itinéraire différent, traversant le Liechtenstein et l'Allemagne, pour gagner la France par Strasbourg. Presque à bout de souffle, avec une fuite dans la durite, la vaillante « 505 » chauffait dangereusement et pratiquement tout les dix kilomètres, il fallait remettre de l'eau dans le radiateur pour ne pas casser le joint de culasse. Après Lyon, ils choisirent de prendre la route nationale, plus discrète en cas de grosse panne et plus pratique pour leurs arrêts fréquents. C'est finalement le 26 décembre à six heures du matin, qu'ils terminèrent ce périlleux voyage en arrivant sains et saufs à bon port, tous complètement extenués, mais réellement satisfaits d'avoir pu faire aboutir cette épuisante aventure par un dénouement heureux. Il leur fallut douze heures de sommeil réparateur pour récupérer de leur fatigue. La mère de Zoltan avait préparé un grand repas de Noël et pour les remercier de l’immense service rendu à son frère Joz, elle invita Rico, sa famille, ainsi que Nora à la fête. Autour de la joyeuse tablée, chacun racontait à son tour les péripéties de ce voyage éclair. Seul Joz, visiblement traumatisé, n’arrivait pas à se détendre et parlait sans arrêt des horreurs de la guerre. Puis vint le réveillon du nouvel an que Zoltan fêta chez Rico. Après un début de soirée arrosé, ils commencèrent l'année 1994 dans une boite de nuit de Clermont, autour de plusieurs bouteilles de champagne.Les fêtes de fin d’année étant terminées, après avoir embrassé tout le monde, Nora et Zoltan montèrent dans un train à destination de la capitale. Presque cinq heures plus tard, ils étaient descendus gare de Lyon, pour rejoindre le quartier des Halles en métro. Ayant rapidement trouvé une chambre dans un hôtel près de Châtelet, Nora renoua immédiatement le contact avec ses anciennes relations. Elle avait repris son ancien travail dans un « peep-show » de la rue Saint-Denis, où elle exécutait derrière une glace, les désirs des voyeurs qui payaient pour se rincer l'oeil. Le principe était de suggérer aux « pigeons » que s’ils mettaient le prix fort, ils pourraient alors avoir une relation sexuelle avec elle. Naturellement, une fois leur carte visa débitée de plusieurs centaines, voire milliers de francs, ils n’obtenaient aucune autre faveur de sa part, restant toujours derrière la glace la queue entre les jambes. La prostitution étant d’ailleurs un délit, ils ne pouvaient même pas se plaindre à qui que ce soit. Nora racontait à Zoltan que le comble était que ne comprenant toujours pas l'arnaque, certains de ces idiots revenaient se faire plumer de nouveau. Chaque nuit de ce travail singulier lui rapportant environ trois mille francs, elle réservait à Zoltan un tiers de cette somme, afin qu'il puisse payer l'hôtel et qu'il lui reste un peu d’argent de poche. Zoltan ayant finalement découvert que Nora couchait régulièrement avec son patron, n’accepta pas cette situation pour lui-même dégradante et préféra la quitter définitivement. Hystérique à l'idée de le perdre, elle hurlait en pleurant, tout en le frappant de toute sa colère. Lui ne voulut pas répliquer et disparut simplement de sa vie en quittant l'hôtel ainsi que le quartier.Zoltan ne savait vraiment plus ce qu'il avait envie de faire. Avant de partir travailler en Suisse, il partageait l’appartement de Nicole. Mais celle-ci ayant trouvé un nouvel amant, lui avait demandé de libérer les lieux. C’était en partie pour cette raison, qu’il était allé travailler en Suisse. Le mois de janvier s’annonçait glacial et n’ayant plus du tout l’intention de passer l’hiver à Paris, il rêvait déjà du soleil des tropiques. De sa récente mésaventure, fort heureusement, il lui restait encore l’argent qu’il avait pu mettre de côté en travaillant pour Simoun, soit presque dix mille francs suisses. Souhaitant changer d'air et oublier Nora au plus vite, il était décidé à prendre le premier vol disponible pour les Antilles.Chapitre I. La fuite en avant.Océan Atlantique, trois jours plus tard, midi.En repensant après coup à Simoun, Zoltan se disait qu’il avait eu beaucoup de chance de s’en être sorti à si bon compte. Il aurait pu y laisser la vie. Comme personne ne savait qu’il travaillait en Suisse, ce dangereux truand aurait pu le tuer froidement, sans réellement risquer d’être arrêté par la police. A présent, confortablement installé dans ce gros avion aseptisé, il se dirigeait irrésistiblement vers la Guadeloupe. Il avait pourtant réservé en seconde classe, mais sa place ayant été attribuée par erreur à un autre passager, pour le dédommager, la compagnie l’avait placé en première lors de l’embarquement. Une hôtesse de l’air s’approcha de lui.- Désirez-vous un apéritif, Monsieur ?- Bonne idée ! Je voudrais un whisky coca, s’il vous plaît !- Je vous sers tout de suite, Monsieur !Devant lui était assise une jeune femme sublime. Zoltan ne pu résister au plaisir de l’aborder.- Bonjour mademoiselle ! Pourrions-nous je vous prie discuter un peu ensemble ? Je trouve que le vol est vraiment long !- Avec plaisir! Venez donc vous asseoir à coté de moi !Nathalie était une superbe parisienne qui s’était exilée en Guadeloupe. Elle avait épousé un politicien local influent. Ayant sympathisé avec Zoltan, elle lui donna son numéro de téléphone afin qu’il puisse venir à une grande soirée organisée prochainement par son mari. Arrivé au terminal de l’aéroport de Pointe-à-Pitre, Zoltan chercha d’abord un pied à terre pour déposer ses bagages. Afin d’être certain de trouver un logement, il fonça directement à l’hôtel « Arawak » pour y louer un studio au mois, puis les formalités de location remplies, il sortit dîner au restaurant dans le centre ville. Traversant le « Carénage », un quartier bidonville ultra chaud en plein centre de la capitale Guadeloupéenne, il observa les séquelles du cyclone « Hugo ». Au bord de la route, des marchands ambulants vendaient du poulet boucané, une spécialité locale qu’ils cuisinaient sur des tonneaux métalliques transformés en barbecue de fortune. Plus loin, un petit garagiste louait des véhicules à des prix dérisoires. Pour cent francs par jour, celui-ci proposait de vieilles Peugeot « 104 Z ». Zoltan avait payé un mois de location d’avance, ce qui lui donnerait l’opportunité d’explorer l’île de fond en comble. Tout d’abord, il visita la « Pointe du château », certainement la plage la plus grande et la plus sauvage de toute la Guadeloupe. Au large, il apercevait la Désirade, une île autrefois utilisée comme refuge par les pirates au long cours. En visitant la ville du Moule, un « Rasta » dealer de Marijuana, lui présenta Francky Vincent, le pape du « Zouk » Antillais. Après un bref passage à St Jacques, Zoltan se dirigea vers « les Abymes », puis traversa ensuite l’immense zone industrielle de Pointe à pitre et s’engagea en direction des chutes du Carbet. Celles-ci avaient donné à la Guadeloupe le nom de « Karutera », Ce qui voulait dire en créole, « Pays des eaux magnifiques ». Zoltan avait garé la « 104 », puis il s’aventura dans un sentier touristique, grimpant à cent vingt mètres de hauteur. Il se serait bien baigné dans le lagon au pied de « la cascade aux écrevisses », mais un indigène l’avait prévenu que cette eau était infectée de parasites. En continuant son expédition, il arriva bientôt au pied du volcan de la Soufrière. La nuit était tombée et le groupe « Poukoutan’n » jouait de la musique « Gwo ka ». En créole « Gros quart ». C’était en fait un gros quart de tonneau utilisé pour les salaisons, à partir duquel était fabriqué un grand tambour à main. Le « Ka » ! Musique traditionnelle Guadeloupéenne, le « Gwo ka » honorait le « Lewoz », la grande soirée sportive célébrée par la communauté des coupeurs de cannes. Prenant ses racines dans un rite religieux ancestral, celui-ci avait été importé autrefois par les esclaves Africains. Accompagnés de maracas et de tambourins, le morceau qu’ils interprétaient s’intitulait « La Guadeloupe en dérive ». Zoltan avait passé la nuit près de l’énorme feu qui avait été allumé pour l’occasion. Au petit matin, il rejoignit la « Basse Terre » et après avoir pris un grand café en ville, il remonta sur la « Pointe noire ». Le site portait bien son nom, car ses plages étaient composées de sable noir, aussi fin que de la poussière. Zoltan s’endormit épuisé sous un palmier. Il ne se réveilla que vers treize heures. Dédiant l’après-midi à la conduite, il était rentré à son hôtel en début de soirée et après s’être douché, il descendit dîner au restaurant de l’ « Arawak ». Il se commanda une énorme salade qu’il arrosa avec un bourgogne aligoté. A la table voisine était installée une ravissante jeune femme brune. Comme apparemment, elle dînait seule, Zoltan lui proposa sa compagnie. Elle accepta.Véronique était une brillante avocate de vingt neuf ans qui travaillait pour un grand cabinet parisien. Elle avait pris une semaine de vacances et elle était bien décidée à ne pas la passer seule. Bien qu’ayant un fiancé avec lequel elle devait se marier un mois plus tard, elle proposa à Zoltan de l’accompagner dans sa chambre ; histoire d’enterrer sa vie de jeune fille. Après tout, si loin de Paris, elle se disait qu’une petite escapade amoureuse n’était pas vraiment une infidélité. « Sea, sex and sun ». Zoltan passa donc plusieurs jours et bien sur, plusieurs nuits avec elle. Après une semaine de pur plaisir charnel, Véronique quitta Zoltan sans véritable regret, retournant à Paris pour retrouver son travail et sa vie de couple. De son côté, Zoltan avait téléphoné à Nathalie.- Zoltan ! Alors ! Raconte ! Comment se passe ton séjour ?- Bien, pour l’instant ! J’ai passé la semaine avec une charmante avocate ! Je viens tout juste de l’accompagner à l’aéroport !- Ha ! Ha ! Tu n’as pas dû t’ennuyer !- En fait ! Non ! Elle voulait enterrer sa vie de jeune fille !- En plus ! Celles-là sont les meilleures ! Tu l’as bien rodée ?- Tu peux le dire ! Je t’avoue que cette semaine, je n’ai pas beaucoup dormi !- Son futur mari doit s’impatienter !- Je crois qu’il va d’abord devoir attendre qu’elle se repose de ses vacances !- Ha ! Ha ! Ha ! Les cornes doivent lui pousser ! Au fait ! Tu as bien fait d’appeler ! C’est ce soir qu’aura lieu la grande soirée !- Je sais ! J’avais noté la date !- Il faut que tu sois là à vingt heures ! Tu as l’adresse ?- Oui ! Oui ! Tu m’as tout expliqué dans l’avion !- OK ! On se retrouve là-bas, alors !- Ca roule ! A tout à l’heure !Lors de la grande soirée mondaine, organisée par le mari de Nathalie, Zoltan rencontra Françoise, une riche « Béké » célibataire de quarante ans. Propriétaire d’une société de textile que lui avaient légués ses parents, son entreprise ne fabriquait exclusivement que des vêtements traditionnels pour enfants, réalisés uniquement avec du véritable madras lyonnais. Elle importait spécialement le tissu de métropole, puis elle revendait ensuite ses propres créations aux boutiques locales. Elle proposa à Zoltan d’écouler en porte à porte, ce qui lui restait du stock de son ancienne collection, en lui avançant les articles à cinquante francs pièce. Tout ce qu’il gagnerait au-delà de ce palier serait du pur bénéfice pour lui. Or, Françoise avait omis de préciser qu’en début de saison, elle avait vendu aux hypermarchés de Guadeloupe, ces mêmes articles au tiers de la somme qu’elle lui proposait aujourd’hui, c’est à dire, seize francs hors taxe. Bien sûr, beaucoup de gens avaient déjà vu tout au long de l’année, la collection soldée en rayon à vingt cinq francs pièce. Zoltan s’en était aperçu également, alors qu’il faisait ses courses à l’hyper, car il en restait encore quelques uns dans les bacs. Il savait désormais, que vendre ces produits au-delà de vingt-cinq francs l’unité, n’était pas raisonnable, pour ne pas dire quasiment impossible. Pourtant, en un peu moins d’une semaine, il avait réussi à écouler en porte à porte, tous les vêtements cinquante francs pièce, ce qui était déjà une performance. Pensant encore pouvoir s’arranger avec elle, il rapporta à Françoise, près de vingt mille francs de chiffre d’affaire. Lui gardant malgré tout un capital confiance, il lui remit l’argent, mais au moment d’être payé, elle ne lui donna aucune commission, prétextant qu’il n’avait pas vendu les vêtements assez chers. Cette arnaqueuse ne voulait rien savoir à propos de la différence de tarif qu’elle pratiquait entre lui et les hypermarchés ! Sans se démonter, elle osa soutenir à Zoltan, qu’il était normal qu’il paye davantage pour ce produit, car en il en écoulait une quantité très inférieure à celle qui se vendait dans les hypermarchés. C’était bien évidemment un mensonge éhonté, car tous les vêtements vendus par Zoltan ne représentaient en réalité pour elle qu’une plus-value. Par cette pirouette ridicule, elle voulait éviter de lui payer son dû et ainsi garder tout l’argent pour elle. En réalité, elle lui devait la différence de seize à cinquante, c'est-à-dire trente quatre francs par article ; à savoir soixante six pour cent du chiffre réalisé ; soit au total presque quatorze mille francs. Même sûrement plus encore. Car comment donc cette profiteuse pouvait-elle prétendre lui vendre plus cher, un article dépassé ? Il faisait déjà partie de l’ancienne collection. Elle aurait normalement dû le solder encore bien au-delà de seize francs. Françoise prenait vraiment Zoltan pour un crétin. Bouillonnant intérieurement de prendre sa revanche sur cette malhonnêteté flagrante, Zoltan, qui avait cerné la personnalité de Françoise, fit mine de se résigner en se soumettant tout d'abord à cette décision inique. Il chargea à fond la « 104 », mais cette fois-ci, elle n’eut plus jamais de nouvelles ; ni de Zoltan, ni du stock de vêtements. Pour se dédommager de son travail, il s’était payé lui-même avec la camelote. Françoise avait eu les yeux plus gros que le ventre. A ses dépens, elle comprit trop tard que Zoltan était beaucoup moins idiot qu’elle ne le pensait. Blessée dans son orgueil, elle envoya son homme de main à sa recherche, pour le démolir et ainsi se venger de lui. Mais lors ce que le pachyderme retrouva Zoltan, il ne put que proférer de sérieuses menaces à son encontre, car ce dernier était entouré par trop de témoins. Si avant la fin de semaine, il ne rapportait pas à Françoise le stock ou bien l’argent, il finirait dans un caniveau. Nullement impressionné, Zoltan ne changea rien à sa décision. Il téléphona en outre à Nathalie, pour lui raconter ce qui s’était passé avec Françoise et lui faire part des menaces de mort qu’il avait reçu par l’intermédiaire de son sbire. Nathalie ne fut pas réellement surprise par ce que lui raconta Zoltan.- Elle ne changera donc jamais ! Tout travail mérite un salaire ! Question de principe ! Je pensais vraiment qu’elle respecterait le fait que ce soit moi qui vous ai présentés ! A présent, je me sens responsable de ce qui t’arrive ! Elle sait pourtant que tu es mon ami ! Qu’est ce que c’est que cette façon de menacer les gens ? Cette fois, elle a complètement pété les plombs ! Ne t’inquiètes pas ! Je vais immédiatement prévenir mon mari ! Je te garantis qu’elle va s’en rappeler !- Voyons ! Ce n’est pas ta faute, si cette bonne femme a complètement disjoncté ! A mon avis, elle est seulement motivée par l’avidité. Elle se prend pour la femme de « Scarface » ! Ne t’inquiètes pas ! On se tient au courant !- Fais quand même attention à toi !En Guadeloupe, les rencontres se faisant très facilement, Zoltan fit la connaissance de Michel, le fils aîné d’une riche famille Libanaise, propriétaire d’un restaurant « fast-food » de la « Marina », ainsi que de plusieurs boutiques réputées de Pointe-à-Pitre. Estimant lui aussi, que Zoltan avait agi dans son droit, il lui avait offert protection et travail. A présent dans le cercle du clan des Libanais, Zoltan était vraiment devenu intouchable.Le point d’eau potable le plus proche se trouvait sur le port, à six cent mètres du « fast-food », qui n’avait ni eau potable, ni électricité. En échange d’un sandwich et d’une bière, un jeune clochard marseillais, échoué ici depuis un an et ayant élu domicile sur un banc public, se chargeait chaque jour de la corvée d’eau, à l’aide d’une brouette lestée d’énormes jerricans. Il portait à son poignet droit, un bandage noir de crasse, qu’il n’avait pas changé depuis deux mois. Jambes croisées tel un aristocrate, après son unique effort quotidien, la brave cloche dégustait tranquillement son déjeuner. Après avoir rempli d’essence le réservoir du générateur électrique qui fonctionnait vingt quatre heures sur vingt quatre, Zoltan réassortissait en boisson les frigidaires, préparait la pâte à crêpe sucrée et salée, coupait la salade, les tomates et les oignons, dans de grands bacs en plastique prévus à cet effet, dégraissait la viande et la faisait tremper deux heures dans de la moutarde forte, mélangeant les fines tranches de veau avec de nombreuses épices aromatiques, spécialement importées du Liban, puis il l’embrochait sur le pic de la rôtissoire, qui tournait doucement grâce à son petit moteur électrique, faisait la vaisselle, nettoyait les tables et les chaises, balayait le sol et enfin faisait le service et encaissait l’argent. Devenu naturellement responsable du restaurant de Michel, travaillant quatorze heures par jour, son salaire ne suivait pourtant pas vraiment. Quand il faisait le calcul, il gagnait à peine trente francs de l’heure. C’était du vol. Alors, il décida de se servir dans la caisse en se payant lui-même. Il s’octroya un salaire journalier de mille francs, ce qui représentait à peine dix pour cent du chiffre d’affaire. A présent, c’était honnête, se disait-il !- « Eh bien ! Décidément, ces Guadeloupéens sont d’incorrigibles radins invétérés! »Tous les matins, pour se mettre en forme, Zoltan avait pris l’habitude de nager jusqu’à « l’îlot du Gosier », sur lequel une petite barque à moteur faisant la navette, emmenait les visiteurs plusieurs fois par jour. A une distance de plus de mille mètres et avec un fort courant dérivant, peu de personnes tenaient la distance. Une jolie jeune femme, pourtant, réussissait quotidiennement cette performance. Sylvie était une institutrice divorcée. La semaine que Zoltan avait passée avec Véronique ayant dangereusement amputé ses réserves d’argent, il fut contraint à contre cœur, de renoncer à son studio de l’hôtel « Arawak ». Certainement par complicité athlétique, Sylvie lui proposa en échange d’un loyer de deux mille francs par mois, de partager sa grande maison au « Gosier ». Cela restait une bonne affaire, car en Guadeloupe, les loyers sont bien plus élevés qu’à Paris. Sylvie vivant avec ses deux enfants, d’un commun accord, ils décidèrent de ne pas avoir de rapports sexuels et de rester simplement amis.Délaissant son travail et ne venant au restaurant que pour récupérer l’argent, Michel se doutait bien que Zoltan se servait régulièrement dans la caisse, mais il laissait faire, sachant paradoxalement que celui-ci était sous-payé ! L’un dans l’autre, il restait quand même gagnant, ne pouvant d’autre part rien faire contre ce dernier, car tous les Libanais respectaient Zoltan qui travaillait énormément. De plus, Michel ne pouvait pas surveiller le restaurant, car il préférait sortir faire la fête avec ses amis, dépensant tous les soirs des fortunes en « Crack », une drogue locale à base de Cocaïne. Chauffé dans une cuillère avec de l’ammoniaque ou du bicarbonate et très prisé en Guadeloupe, le caillou de « Crack » se fume à l’aide d’un doseur de pastis en verre, ou bien dans une petite pipe métallique. Euphorisant généralement les esprits, la réaction chimique exacerbe en outre les capacités sexuelles. Les caractères de nature violente, deviennent agressifs, voire très dangereux et sont prêts à faire n’importe quoi pour en avoir toujours plus. Les esprits faibles de nature deviennent quant à eux de vraies loques.Etant lassé par les réflexions répétées et son attitude croissante de mépris, Zoltan ne souhaitait plus rester dans l’entourage malsain de Michel. Pendant son service, il avait rencontré Hans, un pécheur Allemand qui repartait prochainement en haute mer et qui lui proposa de l’accompagner lors de sa prochaine expédition. « Rustine », le bateau sur lequel Hans travaillait, était un chalut de dix mètres de long. Zoltan fut présenté à Charlie, capitaine du vaisseau, métis de père Italien, de mère Antillaise et formé en Bretagne au métier de pêcheur. Charlie mesurait près de deux mètres de haut et il portait un revolver au ceinturon. Comme il avait besoin d’urgence d’un quatrième marin, il accepta Zoltan à son bord. Le navire avait quitté la « Marina » à dix sept heures. Il s’engageait dans la rivière salée qui séparait la basse terre de la grande terre. Après avoir contourné la barrière de corail, « Rustine » filait maintenant à près de douze nœud, prenant d’abord le cap de St Martin, pour se diriger ensuite vers le grand large des Bermudes. A bord, les conditions de vie étaient spartiates. La nourriture, composée essentiellement de soupe de racines de manioc, était améliorée de poissons pêchés pendant la journée et d’un peu de rhum. La nuit, complètement extenué, Zoltan n’avait aucun mal à trouver le sommeil malgré la promiscuité et les ronflements. Les quatre minuscules couchettes du bateau permettaient aux marins de rester dix jours en mer. A l’aide de ses jumelles, Charlie essayait de repérer des oiseaux, car ceux-ci faisaient partie d’une micro chaîne alimentaire. Trouver des oiseaux en pleine mer, signifiait en général qu’un bout de corde, ou un morceau de bois n’étaient pas très loin. Ceux-ci colonisés par le plancton, annonçaient les bancs de poissons. En haute mer, tous les êtres vivants recherchent de la nourriture. Le plancton est mangé par les petits poissons. Ces derniers sont mangés par les poissons de taille moyenne, qui sont eux-mêmes mangés par les gros poissons. En bout de chaîne, à bord du chalut, les marins pêchaient à la traîne. Le système consistait à traîner un morceau de chair pour attraper un premier poisson. Lors ce que cela mordait, il fallait complètement stopper le navire et sans sortir le poisson hors de l’eau, ramener celui-ci près de la coque du bateau. Pensant que celui-ci avait peut être trouvé un peu de nourriture, les autres poissons du banc venaient retrouver leur congénère. Ensuite, il ne restait plus qu’à jeter des appâts dans l’eau, harponner le plus de poissons possible et les hisser à bord. Le travail sur le bateau était très dur. Le lever se faisait à quatre heures et le coucher à vingt deux heures. La vie à bord ressemblait aux travaux forcés d’une prison, dont les barreaux étaient de l’eau à perte de vue. De toute son existence, jamais Zoltan n’avait connu un métier aussi éprouvant. C’était vraiment pénible. Un matin, Hans avait reçu un coup de poing de Charlie, car une dorade s’était décrochée de sa ligne, laissant filer tout le banc. Mais l’après-midi il rattrapa son erreur et le capitaine retrouva sa bonne humeur. En une semaine, « Rustine » avait emmagasiné dans ses cales, près de quatre cent cinquante dorades d’environs dix kilos chacune. Celles-ci se vendraient au port, cinq cent francs pièce. Alors que Zoltan ramenait un thon de cinq kilos à bord, un énorme requin blanc s’était jeté hors de l’eau. Il était plus gros que le bateau. On le différenciait de la baleine à son aileron vertical. « Rustine » avait failli chavirer. Les marins s’agrippaient à ce qu’ils pouvaient pour ne pas tomber à l’eau.- Attention !- Accrochez-vous !- Merde ! Il est énorme !- Lui aussi, il fait partie de la micro chaîne alimentaire ?- Oui ! Il se nourrit du plancton, mais il est inoffensif pour l’homme !- Celui-là fait au moins quinze mètres !Le requin baleine ne réapparut plus. Par superstition, le capitaine avait décidé que la pêche était terminée. Après avoir mis le cap sur la « Marina », Charlie avait proposé à Zoltan de tenir la barre, ce qui n’était pas une tache facile, car avec le tangage, il fallait sans cesse redresser le bateau. Avec ses deux moteurs diesels, « Rustine » filait de nouveau à près de douze noeuds. Le chalut se trouvait à plus de trois cent miles au large et il lui faudrait encore deux jours pour rentrer au port. Lorsque Zoltan posa le pied sur la terre ferme, le sol semblait chavirer de gauche à droite. En dix jours de mer, son cerveau s’était habitué au tangage et il lui fallut presque deux jours pour se réadapter. Cette expérience en mer avait été vraiment unique. Elle l’avait endurci plus que jamais.Chapitre II. La sixième voie.Pour fêter son retour sur la terre ferme, Zoltan choisit de passer la soirée au « Paradise » de St Anne, sans doute la meilleure boite de toute la Guadeloupe. La piste de danse, donnant sur une terrasse extérieure avec piscine, composait une ambiance géniale. Zoltan savait que les plus belles vendeuses de la plage de St Anne, viendraient toutes s’éclater dans cet endroit après leur travail. En se dirigeant vers l’entrée, il croisa un Antillais, qui s’était installé avec sa glacière devant la boite de nuit, pour vendre du « ti punch », un cocktail local à base de Rhum et de citron. Zoltan échangea amicalement quelques mots avec le jeune « black ». Ce dernier lui apprit qu'il était étudiant à l'école de commerce et qu'il se faisait un peu d'argent de poche de cette manière pour survivre. Le patron du « Paradise », « Métro » blanc, était arrivé en Guadeloupe deux ans auparavant avec toutes ses économies. Bien décidé à faire fortune, il tenait son commerce d'une poigne de fer, avec la mentalité française. Son videur l’avait prévenu qu’un individu, tentait de vendre de l’alcool devant la boite. Furieux, il sortit en courant et il donna un coup de pied dans la glacière du jeune Antillais sans réellement réfléchir aux conséquences de son geste. Ensuite, il retourna tranquillement à l’intérieur, afin de servir ses clients. La réaction ne se fit pas attendre. A peine un quart d’heure plus tard, un géant noir se présenta au bar. Il cherchait le tôlier de la boite, bien déterminé à en découdre avec lui et venger son ami sur le champ. - Arwha, p’tit mâle ! Cé twa ka shooté la glacièr’ ?- Ton ami n’a pas le droit de vendre du Rhum à mes clients !Le géant ne voulut pas en entendre davantage. En moins d’une seconde, il attrapa une bouteille qui se trouvait sur le comptoir, la cassa contre son bord et l’enfonça dans la figure du pauvre diable. Pendant que le malheureux était emmené d’urgence à l’hôpital de « Boissard », tous les amis du géant étaient venus lui prêter main forte. Equipés de jerricans d’essence, ils mirent le feu à la boite. Le « Paradise » brûlait comme un feu de paille. Au matin, il n’en restait plus rien. Zoltan n’en croyait pas ses yeux. En une nuit, le fabuleux « Paradise » avait été détruit à cause d’une glacière ! Les videurs de la boite de nuit n’avaient rien pu, ni voulu faire pour l’en empêcher. Quelques gendarmes étaient bien venus sur les lieux, mais par crainte de représailles, personne ne donna l’identité des agresseurs. Après avoir été recousu, son propriétaire fut prudemment rapatrié en Métropole. L'affaire quant à elle fut classée sans suite.Son appétit aiguisé par cette longue nuit mouvementée, Zoltan décida de manger un morceau à la « Marina ». A cette heure tardive, il pensait déguster un « chawarma » chez Michel, car c'était le rendez-vous nocturne incontournable des guadeloupéens, pour se remplir l'estomac à peu de frais. Alors que de bon cœur, Zoltan avalait une première bouchée de viande, discrètement, un ami libanais qui se trouvait là, lui conseilla fortement de se débarrasser du sandwich. Sammy avait entendu Michel comploter dans sa langue maternelle. Avec sang-froid, celui-ci bien déterminé à se venger de sa démission, avait lâchement empoisonné le « kebab » de Zoltan, qui courut sans tarder au pub le plus proche, afin d’y boire un litre de lait, un anti-poison de fortune. Effectivement, quelques minutes plus tard, il s’enferma une demi-heure dans les toilettes, souffrant d’une diarrhée mémorable.- « Foutue soirée ! »Il était environ trois heures du matin, quand Zoltan gara sa voiture sur le parking de la plage de St Anne. Allongé sur le sable, il s’immergea dans la contemplation de la lune et des étoiles qui éclairaient le ciel. A peine eut-il fermé les yeux, qu’il fit un rêve étrange. Il rêvait qu’il dormait sur cette plage, mais tout en rêvant, il restait conscient. Alors, rêvait-il vraiment ? Il n’aurait pu l’affirmer complètement. Zoltan maîtrisait totalement sa perception. Il flottait au dessus des cocotiers. Il se voyait allongé le dos contre le sable, quelques mètres plus bas. Son esprit avait-il quitté son corps ? En tout cas, il était aussi conscient que lorsqu’il était éveillé. Il se retrouvait bel et bien au-dessus de lui-même, mais debout et légèrement penché vers l’avant, dans le sens inverse et opposé. Il ne sentait plus le sol, pourtant, il ressentait parfaitement chacun de ses membres. De plus, il les voyait clairement au-dessous de lui, mais surtout, il était conscient de les voir. Une question fondamentale obsédait néanmoins Zoltan. S’il restait conscient dans son rêve qui lui semblait réellement réel ; à l’inverse, la réalité était-elle réellement réelle ?- « Comment est-ce possible ! » « Je me vois ! » « Je suis couché sur la plage ! » « Et pourtant, mon esprit est séparé de mon corps ! » « Je vole ! » « Je décide de quelle direction je vais prendre ! » « Puis-je aller sur ma droite ? » « Je le peux ! » « Sur ma gauche ? » « Egalement ! » « Qu’est ce qu’il m’arrive ? » « Est-ce ça la mort ? » « Ce doit être le poison ! » « J’ai peur d’être mort ! »Tétanisé, Zoltan écarquilla ses yeux. Il s’était brusquement réveillé et il pouvait sentir le sable chaud sous son corps. A nouveau sur la terre ferme, il regardait les cocotiers, mais cette foi ci, du dessous; ceux-là même, au-dessus desquels il s’était trouvé un instant auparavant. A présent, il pouvait voir leurs pieds enracinés dans le sol. Que lui arrivait-il donc ? Prenant conscience qu’il n’était pas mort et qu’il pouvait revenir dans son corps, il avait refermé ses yeux instinctivement et il s’était retrouvé instantanément éjecté hors de celui-ci. Sans comprendre ce qu’il lui arrivait, il se voyait à nouveau, au-dessus de lui-même.- « Ca recommence ! » « Merde ! » « C’est complètement invraisemblable ! » « Alors ! » « C’est vrai ! » « L’âme existe donc bel et bien ! »Zoltan voyait clairement sa voiture garée sur le parking de la plage. Un petit immeuble se dressait juste à côté. Comme magnétisé par celui-ci, tel un fantôme, il traversa son mur et se retrouva instantanément à l’intérieur d’un appartement dont la pièce principale était occupée par trois esprits installés dans le salon. Un homme et deux femmes. Tandis que tels des chats faisant une sieste profonde, un couple s'enlaçait sur le sofa, la femme seule se prélassait, trônant sur un énorme fauteuil en cuir sombre. Alors que Zoltan traversait la pièce, elle enlaça son bras autour du sien. Détail sans importance, c'est seulement à ce moment précis qu'il prit conscience de sa propre nudité. Il réalisa que la pudeur du monde physique, était un complexe artificiellement créé par la société, pour mieux asservir l'apparence des castes. Son âme, dépourvue de toute laideur, ayant pourtant gardée la forme exacte de son corps, n'était visible qu’avec les yeux de son esprit. En repoussant poliment les tendres avances de la belle, la femme relâcha doucement sa main. Irrésistiblement, il se dirigeait vers la chambre qui se trouvait au fond de l’appartement. Dans celle-ci, une troisième femme était allongée sur un lit à baldaquins. Apparemment, elle s'était volontairement retirée et patiemment, elle l’attendait pour lui faire l’amour. En pensant l’un à l’autre, ils s’échangeaient des impressions, se livrant à des plaisirs métaphysiques. La mémoire subconsciente de leurs sens étant intacte, leurs âmes conservaient le parfait souvenir de leurs corps. En parfaite osmose et sans retenue, ils se comprenaient hors de toute limite. Zoltan réalisa enfin, que la jouissance était inhérente à l’âme, alors que l’amour, bien chimérique, ne provoquait que l’altération destructrice, subordonnée par les relations égoïstes entre les êtres. Les liens du coeur provoquant les pires souffrances, l’éternité n’a nul besoin de servitude. Lors ce qu’il quitta sa partenaire, elle ne chercha pas à le retenir. Zoltan traversa à nouveau le mur de l’immeuble et après avoir survolé le parking ou était garée sa voiture, il retourna à son corps charnel. Celui-ci était toujours allongé sur la plage, à côté des cocotiers.- « Mon corps est toujours là ! » « Couché sur le sable ! » « J’essaie d’aller plus haut ! » « Je ne peux pas ! » « Quelque chose me retiens ! » « Je ne peux pas aller à plus de dix mètres du sol ! » « Je veux aller plus loin ! » « Je l’exige ! »En comprimant la volonté de son esprit, Zoltan perdit totalement le contrôle de ses décisions. Il était aspiré à la vitesse de la lumière, dans un voyage ou il n’avait plus aucun pouvoir décision. Il devenait le spectateur conscient d’un autre lui-même, qui appartenait à un autre univers. Dans ce monde, c’était la guerre. Tout autour de lui, la mort et la désolation régnaient en maîtres. Depuis des millénaires, des anges se livraient une bataille sanglante. Bien qu’ils n’avaient pas d’ailes, ceux-ci avaient le pouvoir de voler. Demi-dieux, en utilisant leur volonté, ils arrivaient à matérialiser leurs pensées. La guerre avait commencée à cause d’un archange qui s’était rebellé. Il ne voulait plus servir son maître tout puissant. Assoiffé de liberté, il ambitionnait d’utiliser à son profit personnel, les miraculeux pouvoirs, dont il était investi par son créateur. Dans sa désertion, celui-ci avait entraîné plusieurs légions félonnes. Pour les punir de leur désobéissance, leur maître les avait ainsi condamné, à errer éternellement dans ce monde, qui leur servait de prison. Leur enfer serait de ne jamais plus connaître les beautés de l’univers infini. Bien que les anges séquestrés conservaient tous leurs pouvoirs, ils étaient cloués au sol par une force mystérieuse. C’était comme une sorte de plafond invisible, qui les empêchait de décoller. Afin de se soustraire à cette maudite attraction, ces derniers avaient matérialisés d’immenses minarets, grâce auxquels ils espéraient grimper jusqu’au ciel et ainsi échapper à la gravitation. Mais des légions fidèles au maître, les repoussaient inlassablement vers leur geôle éternelle. De violents combats avaient lieux dans les étages supérieurs des tours. Insensibles au mystère qui retenait au sol leurs adversaires, les geôliers gardaient le dessus, prenant les prisonniers à revers. L’un de ses semblables, étant blessé sur le flanc et ne pouvant plus bouger, Zoltan évita les flèches qui arrivaient de toutes parts et le souleva dans l’éther pour le déposer à l’abri, au sommet d’un beffroi. Aux étages inférieurs, la bataille faisait rage, mais le voyage était déjà fini. Aussitôt, Zoltan fut aspiré par l’infini. Le retour dura à peine plus d’une seconde et il se retrouva instantanément réveillé par la cohue de la plage. Instinctivement, il regarda sa montre.- C’est incroyable ! Irrationnel ! Etait-ce un rêve ? Pourtant ! Cela semblait si réel !Il n’était partit que quelques minutes dans ce monde en guerre et il était déjà dix heures du matin. Son esprit n’avait jamais été aussi clair. Même quand on dort inconsciemment, la nuit semble longue; mais cette nuit n’avait duré que quelques instants. Pourtant il s’était écoulé sept heures. Du moins six heures trente. Car il se souvenait encore fort bien de ce qui était arrivé dans l’immeuble. Il pouvait consciemment le mesurer à une demi-heure. C’était comme s’il avait rechargé toutes ses batteries à bloc. Zoltan courut à sa voiture, pour saisir le bloc note qui se trouvait dans la boite à gants. Il fallait absolument qu’il écrive. C’était plus fort que lui. Une force invisible dirigeait sa main. D’un trait de crayon, il rédigeât une suite d’alexandrins. Poème qu’il intitula :
Le vol du météore
Je n’étais qu’un enfant alors, mais à mesure
Que le Soleil levant, rendait ma raison mûre,
Comme des rayons d’or sur la Lune semés,
Je remplissais en moi les sillons consumés.
En écoutant la voix qui ne me parlait pas,
Je frayai le chemin qu’emprunteraient mes pas.
Dans un silence fou, apercevant son dais,
J’apostrophais Dieu, mais nul ne répondait !
Je n’aurais pas laissé une seule seconde,
A ces moments perdus dont se meure le monde.
J’avais brûlé mon sang, à ce feu de mon cœur,
Sacrifiant le jour, cherchant une lueur.
Je ne sais quel instant profond de vérité ?
M’emmenait d’une idée vers ce lieu lacté !
Etait-ce un souvenir aveugle de l’amour,
Qui pour un tel effort justifia le tour ?
Etait-ce qu’exaltant mon âme jusqu’au culte,
Je craignis que le sol ne lui fût une insulte ?
Au prix de ce bonheur, que mille fois je meure !
Car je vis mille fois en de pareilles heures !
Les heures que pourtant demandait le séjour,
Sur des nuages blancs, chevauchant le contour,
Assaillirent mes flancs en un large soupir !
Je compris qu’à présent j’allais m’épanouir !
Par un fil dans les yeux, épousant les ténèbres,
Mon nombril se rivât au fond de mes vertèbres
Et des deux bords du temps, inspira ma pensée,
De ces liens du corps enfin débarrassée.
Emportés par le vent, je percevais les ondes,
Couvrant l’éternité d’interminables rondes ;
Mes ailes de lumière en séant à mon âme,
Eclipsaient à mes sens le néant qui se pâme.
A l’arrêt temporel, d’éden redescendu,
Avec un sentiment de paradis perdu,
A présent, le passé de telles destinées,
Marie mon souvenir aux images innées.
Parfois, se retrouvant en terrain imprévu,
Un seul coup d’oeil connaît ce qu’il n’a jamais vu
Et dans la certitude ou le réveil le plonge,
Invisible des yeux, l’ut visité en songe !
Qand le chant sidéral, haï de la ténèbre,
Au pays de l'azur et des rêves d'orphée,
Prédéstine l'aurore à ce héros célébre,
Cet Y échéant de son sein le trophée.
L'artifice funèbre éblouis du matin,
Ecoute en ces lieux l'ode mélodieuse,
Déchirant en lambeaux sa robe de satin,
Pour aller célébrer la voix silencieuse.
Ainsi l'étoile acouche un jour emerveillé,
Du temps prenant sa part, à la vie amoureux,
De sa belle maîtresse au joug ensoleillé,
Ephemère rosée sur le sol vaporeux.
Longtemps pourtant la fleur apres que le déluge,
Enhivré et lassé de ce vin et d'amour,
Oubliant d'investir un semblant de refuge,
Echape la pensée vétue de ce velours.
Zoltan lisait et relisait le texte qu’il venait de composer. Encore tout imprégné de la magie de cette nuit, la réalité lui semblait à présent différente. C’était comme s’il avait ouvert une sorte de brèche entre deux dimensions parallèles et mystérieusement contradictoires. Il était sonné. Il fallait qu’il rentre à Paris. Sa décision était prise. Après avoir rendu la Peugeot au garage de location, il s’acheta un billet de retour pour la métropole. La Guadeloupe lui avait livré son secret.Chapitre III. Le préludeAvril 1994, vingt deux heures, rue St Denis, café de la Lune, Paris.Installé confortablement à une table située près de la vitrine, Zoltan terminait tranquillement son café noir. Tout en fumant une cigarette, il regardait machinalement les gens qui s'agitaient, vaquant à leurs occupations. En France, l’hiver n'avait pas encore terminé son cycle. Les rues de Paris étaient submergées par l’humidité et le vent glacial. Afin de ne pas mourir de froid, quelques clochards cherchant un peu de chaleur, étaient couchés à même le trottoir, sur des cartons posés contre les grilles d’aération du métro. Loin de la chaleur du paradis tropical, Zoltan avait loué une chambre à l'« Hôtel du nouveau monde ». Bien moins chic que l’« Arawak », celui-ci était tout proche de Strasbourg St Denis, la nuit, un quartier très chaud, mais pas pour les mêmes raisons qu'en Guadeloupe. Sa chambre miteuse lui coûtait deux cent francs par jour, mais au moins disposait-il d’une baignoire personnelle et même d’un petit poste de télévision. Le lendemain, Zoltan remontait la rue St Denis et se dirigeait en direction des quais de seine. Ayant l’intention d’acheter un stock de gravures aux bouquinistes, il projetait ensuite de le revendre, à des particuliers en porte à porte. En chemin, il fut racolé par une superbe fille de joie d’un mètre quatre vingt cinq, qui réussit sans peine à retenir son attention. Elle portait un body noir transparent, qui laissait entrapparaître des seins magnifiques, tandis qu'un très court short rouge, mettait ses longues jambes en valeur. Attachés en queue de cheval, de longs cheveux blonds se faufilaient, sous le clip de l'attache arrière d'une casquette, elle-même assortie à son short. Zoltan remarquait pour la première fois, que cette « pin-up » tapinait dans le quartier. Tel le loup dans les « cartoons » de Tex Avery, il ne la lâchait plus du regard. Elle s'adressa à lui.- Tu veux monter ?- C’est combien ?- Pour toi, trois cent francs !- Ok ! Ca marche !- Suis-moi !Accompagnant la jeune femme dans le vieil immeuble délabré, Zoltan observa qu'une forte odeur de moisissure se propageait insidieusement tout le long du couloir étroit. Empruntant les escaliers sinueux, il croisa un autre client qui repartait la mine dépitée. Manifestement, il ne semblait pas satisfait de la prestation qu'il avait payée. Le problème avec les prostituées, c’est qu’elles sont toujours bien plus charmantes lorsqu'elles racolent. Une fois qu’elles ont empochées leur argent, elles ont du mal à cimenter leur vente. Zoltan tenta cette expérience sordide, pour essayer de comprendre ce qui se passait dans la tête de la prostituée, tentant de mesurer ses souffrances, pour satisfaire sa propre soif insatiable de connaissances singulières. Une fois dans la chambre, elle se déshabilla pendant que Zoltan se lavait dans le lavabo.- Il faut que tu me payes avant de commencer ! Que veux-tu faire exactement ? Je pratique tout, sauf la sodomie !- Ecoutes, je te donne cinq cent francs, mais appliques-toi, s'il te plait ! Pour l'instant, avec les prostituées, je n'ai encore jamais eu de satisfaction ! En général, une fois qu'elles ont encaissées l'argent, elle font ça à la va-vite et avec mépris, pour se débarrasser au plus vite !- Tu as l'air plutôt sympa toi et en tout cas, au moins tu n'es pas radin ! Viens, approches-toi, je te promet qu'avec moi, tu ne sera pas déçu !Avant de commencer la relation sexuelle, ils parlèrent pendant vingt bonnes minutes. Comme la collègue de Lola, cognait déjà à la porte pour lui faire libérer la chambre, cette dernière lui demanda de revenir dans un moment.- Tu ne vas pas avoir d'histoire à cause de moi, au moins ?- Ne t'inquiètes pas pour ça ! D'ailleurs, qu'ils aillent tous se faire voir !- Pourquoi tu fais ce métier, au juste ? Tu pourrais être mannequin sans problème !- Tu sais, ma vie est un peu compliquée !Après avoir achevé l'acte, Zoltan redescendit seul dans la rue. Le lendemain, Zoltan était venu revoir Lola, mais sa collègue lui raconta que celle-ci était partie travailler à Marseille. Zoltan ne la revit jamais.Jour après jour, Zoltan écumait toutes les banlieues de Paris et il se débrouillait plutôt bien. Après tout, ce travail n’était pas vraiment différent de celui qu’il faisait en Suisse. Chaque jour, les gravures qu’il revendait, lui rapportaient environ deux mille Francs. Evidemment, puisqu’il était sans domicile fixe, il ne déclarait rien aux impôts. Alors finalement, il avait plutôt la belle vie. Il était libre, il mangeait tous les jours au restaurant et s’il dépensait son argent sans compter, c’était par ce qu’il savait que dès le lendemain, il pourrait gagner la même chose en ne travaillant que quelques heures. Chaque dimanche, Zoltan avait pour rituel d’aller porte de Clignancourt, pour déjeuner au « Baryton ». Toute la faune Parisienne s’y donnait rendez-vous autour de quelques assiettes de saucisses frites arrosées de bonnes bières. Tous venaient voir les groupes, jouer dans des concerts de « Rock » et « Rythme & Blues ». Le marché aux « puces » était certainement de loin, l’endroit que Zoltan préférait à Paris. Bien qu’il n’était qu’un « SDF », il avait le sentiment de vivre bien mieux que la majorité des gens. Demeurant à l’hôtel depuis plus d’un an, Zoltan visita entièrement à plusieurs reprises chaque ville, de la petite à la grande couronne de Paris.Redoutable technique commerciale, la vente dite à l’Italienne, consiste à délibérément tenir impeccablement plié dans la main, l’argent de la recette, qui doit toujours être sorti au premier contact avec les clients, ceci afin de détourner stratégiquement leur attention. Instinctivement obnubilés par les espèces, Zoltan donnait à chacun d’eux, l’illusion de ne pas encore avoir eu le temps de les ranger dans sa poche, puisque venant tout juste de réaliser la vente précédente. Volontairement, il suggérait de la sorte à sa clientèle, une lassitude que celle-ci devait impérativement s’imaginer chez lui-même inconsciente. La comédie du geste de ranger les billets, jouée avec une pointe de fatigue subconsciemment blasée, dépeint la répétition automatique, sensée être quasi-systématique et provoque ainsi stratégiquement, un effet d’émulation chez l’acheteur, qui remarque immédiatement avec envie la liasse du coin de l’œil, avant que cette dernière ne disparaisse fatidiquement, dans la poche du vendeur semblant lui-même être ainsi surpris. Observant de la sorte que tous leurs voisins avaient aussi achetés une gravure, les badauds ne voulaient pas eux-mêmes être en reste. Si les autres pouvaient le faire, alors eux aussi. Ils n’étaient quand même pas moins riches que leurs voisins de palier. Pour ne pas paraître ni minable, ni ridicule, leur orgueil les poussait à s’en offrir une également, assouvissant de cette manière collective leur ego, plutôt que de réellement avoir voulu aider un sans domicile fixe à payer sa chambre d’hôtel. Dépourvus de volonté, ils faisaient comme le voisin. Pour cette raison, évitant soigneusement les pièces de monnaie, Zoltan sortait toujours deux ou trois billets de banque à la main quand il commençait une journée, car l’argent attirant l’argent, il avait remarqué que la première vente était toujours plus difficile lors ce qu’il n’avait pas de billet pour montrer l’exemple. De toute façon, se disait-il, un bon vendeur est-il quelqu’un qui ne vendrait que ce dont le client aurait réellement besoin, ou bien pourrait-il vendre du sable à des bédouins au beau milieu du Sahara, ou de la glace à des esquimaux au beau milieu de la banquise ? Et Jésus n’a t’il pas dit « A celui qui a quelque chose dans la main, il sera donné et à celui qui n’a rien sera enlevé même le peu qu’il a. »- Qu’est ce que c’est ?- Bonjour Monsieur ! Je suis sans domicile fixe et je vends des gravures pour payer ma chambre d’hôtel !- Ca ne m’intéresse pas !- Soyez chics ! Je n’ai pas de travail ! C’est mieux de faire ça que de faire des conneries !- Ca c’est sur ! C’est combien, votre bazar ?- Vous pouvez donner la somme que vous voulez ! Soyez généreux !- Je ne sais pas ce qu’il faut vous donner, moi !- Vos voisins ont tous donnés cent francs !- Allez ! Je vais vous en prendre une ! Vous avez de la monnaie ?- Oui ! Bien sur, Monsieur !Chaque jour, Zoltan découvrait des milliers de manière de vivre différentes. Il rencontrait des vieillards abandonnés par leur familles, à qui les seuls vendeurs en porte à porte rendaient encore visite. Il connut des riches, des pauvres hères, des gens célèbres, des misérables, des crapules, des personnes au bord du suicide. A Clamart, il avait sauvé de justesse, une vieille femme qui voulait se tuer au gaz; des égoïstes; des généreux... Zoltan fut agressé plusieurs fois sur son lieu de travail. Dans une cité de la Courneuve, un individu l’avait attaqué avec une batte de base-ball; à Sarcelles, un autre le visait avec un fusil; à Aubervilliers, une femme se mit à tirer dans l’escalier avec un revolver; à Villejuif, une vingtaine d’adolescents armés de couteaux et de machettes, le poursuivirent dans toute la cité; à la gare de Nanterre, Zoltan se retrouva au beau milieu d’une fusillade qui avait éclatée brusquement entre deux dangereuses bandes de « dealers » rivales. Heureusement, il y eut aussi de bons moments; quelques femmes se sentant seules.Ce matin, quittant sa chambre d’hôtel, Zoltan réalisa que c’était le premier Mai. La journée était très ensoleillée. Une armée de vendeurs de muguet envahissait déjà la capitale et le tout Paris était embouteillé par les défilés. Il rentra dans le métro à la station des Halles, puis en suivant la ligne n°4, il se dirigea vers la porte d’Orléans. Après être descendu au terminus, il rejoignit à pied le centre de Montrouge. En arpentant les pavillons, le hasard lui fit rencontrer Slobodan Rokovic, un architecte de renom, président d’une association politique et culturelle d’amitié Franco Serbe. Zoltan étant un compatriote, celui-ci qui possédait, rue de Tolbiac un deux pièces vide, accepta naturellement de lui louer son appartement. Il permit ainsi le retour de Zoltan à la vie civile, en lui donnant une adresse officielle. Après avoir signé son bail, Zoltan installa l’électricité et le téléphone à son nom. Il se procura enfin quelques vieux meubles, afin de garnir son appartement.Aujourd’hui, Zoltan s’était réveillé chez lui et il prépara son petit déjeuner dans sa cuisine. C’était une sensation agréable que de fermer enfin à clef la porte de chez soi. Il se dirigeait comme d’habitude sur les quais de seine pour acheter quelques gravures aux Bouquinistes, en se disant que maintenant qu’il avait une adresse, il trouverait peut-être enfin un travail stable et bien rémunéré. Mais en y réfléchissant, il savait que très peu de sociétés lui offriraient un salaire équivalent à ce qu’il gagnait avec le « porte à porte ». De plus, il perdrait irrémédiablement sa liberté de mouvements. Cette fois-ci, Zoltan décida de travailler à Massy Palaiseau. Il s’engagea machinalement dans les sous-sols du « RER » et comme d’habitude, il acheta un billet au distributeur automatique. Sans aucune raison apparente, le portillon automatique d’accès au quai, refusait obstinément de s’ouvrir. Alors qu’agacé, Zoltan réclamait un autre billet au guichet, la station Saint-michel fut entièrement secouée par une terrible déflagration. Une bombe venait d’exploser sur le quai qu’il s’apprêtait à rejoindre ! C’était un attentat terroriste ! A présent, une épaisse fumée noire s’échappait de la gare. Apeurés, les pauvres gens courraient de tous côtés le visage en sang. Ils hurlaient dans les couloirs en cherchant désespérément la sortie. C’était la panique. Lorsque Zoltan retourna enfin à l’air libre, les sirènes retentissaient dans tout le quartier Latin. La police avait déjà bouclée le secteur et la brasserie « Le Départ », fut transformée par les pompiers en antenne médicale d’urgence. Ces derniers accueillaient les premiers blessés, ainsi que plusieurs morts. Zoltan se disait que son billet défectueux lui avait probablement sauvé la vie !Zoltan décida de prendre une journée de repos. Pour se changer les idées, il flâna dans quelques boutiques du quartier de l'« Odéon ». Ensuite, tout en dégustant un double express, il entreprit de consacrer la fin de ce sinistre après-midi, à parcourir tous les journaux à la terrasse d'un café. A l'instar de « France-soir » et du « Monde », qui faisaient leur tirage l'après-midi et qui déjà titraient à la une, l'attentat sanglant de Saint-michel; tout les titres des premières pages étaient exclusivement consacrées à la guerre en Yougoslavie. L'état autoproclamé de Croatie était réduit à une peau de chagrin. En quelques semaines, la redoutable armée fédérale Yougoslave avait réduit la milice croate à néant. Elle occupait tout les territoires de « krajna » ou vivaient depuis toujours une majorité de Serbes, ceci afin de les protéger des massacres, perpétrés contre eux par les séparatistes extrémistes. Le soir, Zoltan reçu la visite de son ami Rokovic à son appartement.- Dobro vece Zoltane ! Doso sam te viditi, zato sto obavezno mi trebas sutra ! ( Bonsoir Zoltan ! Je suis venu te voir, car j'ai absolument besoin de toi demain ! )- Sto brate ? ( Pourquoi frère ? )- Trebamo ici zastitit Yougoslovenski kulturni centar od manifestacije ! ( Nous devons aller protéger le centre culturel Yougoslave d'une manifestation ! ) Cuo sam da manifestanti zele razbiti vitrinu i unistiti sve umetnicke slike ! ( J'ai entendu dire que les manifestants souhaitent casser la vitrine et détruire toutes les oeuvres d'art ! )- Nema problema ! U koliko sati trebamo biti tamo ? ( Pas de probème ! A quelle heure doit-on être là-bas ? )- U deset u jutru ! ( A dix heure du matin ! ) Francuska policija nam je rekla da ce biti tu, ali nikad se nezna ! ( La police Française nous a dit qu'elle serait présente, mais on ne sait jamais !- Dobro ! Vidimo se tamo sutra u jutru ! ( Bon ! On se voit là-bas demain matin ! )- Tako ! Trebacemo se samo paziti od provokacije ! Ma ! Bice sve u redu ! ( On fait comme ça ! On devra seulement faire attention aux provocations ! Bah ! Tout sera en ordre ! )- Prijatno ! ( Agréablement ! )- Lako noc ! ( Bonne nuit ! )Le lendemain, ils se retrouvèrent devant le centre culturel Yougoslave situé juste en face du centre « Beaubourg ». Deux autocars remplis de « CRS » protégeaient la vitrine. Le quartier était quadrillé par les « RG » et la « DST ». Très vite, la manifestation devint violente. Zoltan et Rokovic protégés par la police, reçurent des menaces verbales de la part d'individus cagoulés.- Bande de sales fachos, on vous a pris en photo ! On se retrouvera dans la rue ! On vous fera la peau !- Va te faire mettre ! C'est toi, le facho ! Ici, c'est un centre culturel ! Tu penses qu'il faut éliminer tous les Serbes, hein ?- Ouhai ! Faut tous vous crever !A cet instant, une centaine de Serbes, tous vêtus de noir et armés de battes de base-ball, déboulèrent de nulle part et foncèrent tout droit sur les excités. Après seulement quelques instants, ils avaient déjà tellement tabassés les manifestants, que ceux-ci prirent la fuite et la manifestation fut dispersée sans délai.- Tako im trebalo! Pederi ! ( Il leur fallait bien ça ! A ces pédés ! ) Tu la ramènes moins ta gueule, maintenant !- Vidi nasi decaci ! kako su izmlatili ! ( Regardes nos garçons ! Comment ils les ont tabassés ! ) Dodi Zoltane ! Ajmo unutra popiti sljivovicu ! ( Viens, Zoltan ! Allons boire une gnole à l'intérieur !Rokovic invita Zoltan à l'intérieur du centre culturel. Il lui présenta le directeur, ainsi que plusieurs artistes, restés pour veiller sur les oeuvres d'art. Zoltan aperçut au fond de la salle, une très belle jeune femme brune qui s'appelait Anita Fisher. Ils s’étaient regardés longuement, mais ils ne s'adressèrent pas la parole. Après avoir bu un verre, Zoltan se sépara de son ami pour reprendre son travail.Afin d’éviter à l’avenir le « RER », Zoltan arrêta définitivement de travailler en banlieue. Il n’avait plus besoin de prendre le métro car il travaillerait désormais dans le centre de Paris. Il ne vendait plus de gravures. Il se présentait en tant que comédien, accostant les gens tout en leur parlant avec des rimes; chaque après-midi, récitant aux passants les vers en Alexandrins, qu’il composait chaque soir en rentrant chez lui. Les Parisiens amusés, appréciaient la récréation. Ils le récompensaient en général avec quelques pièces de dix Francs ou même des billets de banque. Zoltan sélectionnait toujours les plus beaux quartiers pour faire la manche. Il gagnait entre trois cent Francs et cinq cent Francs de l’heure. De plus, il faisait ainsi l’économie de la marchandise, ce qui représentait tout de même dix mille Francs par mois. Zoltan avait fait le calcul. Avec tout l’argent qu’il dépensait dans les gravures, il aurait pu se payer une très belle voiture neuve. Il en était arrivé à la conclusion finale : Vendre du vent était beaucoup plus rentable que de vendre quelque chose de concret. Les Bouquinistes Parisiens avaient certainement perdus un de leurs meilleurs client.Chapitre IV. La proposition.Mai 1996, dix huit heures, rue St Antoine. Paris.Alors qu’il écumait la rue St Antoine, Zoltan avait fait par hasard la rencontre de Bob. Ce dernier était épaté par son culot et sa mise en scène.- Holà, monseigneur ! Savez-vous très cher, qu’afin de vous plaire et de vous distraire d’ailleurs ? Je m’en vais vous conter ces quelques vers de Molière ! Ils me viennent du cœur !- Que veux-tu, mon brave ?- Je voudrais un don d’Ecus, de Ducats ou de Piastres, monseigneur ! Favorisez donc les astres de mon noble labeur !- Ca ne va pas, la tête ?- Ah, si ! Un tel refus me mettrait en courroux intérieur ! Par ailleurs ! Mes fonds de poches sont bien dépourvus de sous, il m’est venu sur le coup, de vous en faire reproche, Monseigneur !- Petit malin ! Tu te démerdes bien ! Par jour, tu te fais combien ?- Coquin ! Mon secret tu ne perceras point ! Mais toi, vice-versa, que fais-tu de ta vie de Casanova ?- Du cinéma ! Je travaille dans une agence de « casting » !Casting : Sélection des mannequins ou modèles, pour les défilés et les photographies de mode. Attribution des rôles dans le cinéma, le théâtre, etc.- Engage-moi ! Chez-moi, j’ai un smoking !- Eh bien, justement ! Mon patron cherche un « booker » ! Tu pourrais faire l’affaire ! Tiens ! Voilà, je te note l’adresse ! Viens absolument me voir demain, je te présenterai à lui !Booker : Employé d’agence chargé d’engager les mannequins.Le lendemain, Zoltan rencontra Schubert, le patron de « Clap 2000 ». Il ne savait pas quelle serait la nature exacte de son travail. Schubert lui expliqua qu’il devrait faire du « booking » et qu’il serait rémunéré dix-huit pour cent sur chaque inscription réalisée. Zoltan s’aperçut que « Clap 2000 » travaillait à l’opposée des grandes agences de mannequins. Pourtant, la définition que donnait Schubert au terme de booking, n’était paradoxalement pas réellement fausse.Booking : Engagement d’un Artiste. Inscription d’un abonné. Enregistrement d’une commande.Zoltan devait donc « booker » les clients. Les prestations proposées comprenaient une séance de « shoot » avec le photographe de l’agence. Une fois que le « Press-book » était réalisé, le directeur de casting leur confectionnait des « composits ». Et enfin, chaque mois pendant un an, il leur fournissait une liste des castings disponibles par rapport à leur profil.Shoot : Prise de vue photographique.Press-book : Album du mannequin, composé des photo de presse réalisés pour les publicités. Il est principalement destiné aux directeurs de castings, afin de leurs présenter les différentes parutions et leur donner une idée sur la photogénique du candidat. N’ayant pas encore de photos de presse, le mannequin débutant se confectionne lui-même un Press-book auprès d’un ou de plusieurs photographes professionnels. Suivant leur notoriété, le prix des photos peut varier entre cinq cent et trois mille Francs. Afin d’embellir leur propre Press-book, les photographes débutants peuvent réaliser des photos gratuitement, lors de séances test. Les comédiens et les figurants ont quand à eux un press-book composé de photos noir et blanc. Les stars du cinéma quand à elles n’ont pas besoin de Press-book !Composit : CV du mannequin. Il est composé généralement des meilleures photos du modèle, de ses mensurations, de son prénom et de son numéro de téléphone. Le mannequin montre les photos de son Press-book au directeur de casting, mais il lui donne un composite. Les comédiens quand à eux n’ont pas de composites. Lors des castings, l’usage veut qu’ils laissent une photo de format 13X18. Les nombreux clients de Schubert étaient principalement attirés par petites annonces. Celles-ci leur proposaient de participer à des tournages. Lors de l’entretien, il fallait convaincre ces derniers de s’inscrire et de payer la cotisation. Grâce à l’agence, ils seraient présentés sur les tournages. Ils pourraient devenir figurants et pourquoi pas un jour des comédiens. Zoltan avait été engagé séance tenante. Depuis le début, il faisait un excellent chiffre d’affaire. Il devint vite le meilleur vendeur de l’agence et dès le premier mois, il gagna vingt huit mille francs de salaire. Mais malgré cela, il n’arrivait pas à trouver sa place dans la société. Laurence, la responsable de l’agence, ne pouvait pas le sentir en pâture. Elle refusait l’idée de perdre son leadership. De toute façon, elle n’aimait pas les hommes ! C’était une lesbienne complexée qui vivait avec une bookeuse de l’agence. Au fond, Zoltan ne lui en voulait pas. Il la plaignait, car il savait qu’elle était atteinte d’une sclérose en plaque. Laurence faisait tout pour lui rendre la vie impossible et au bout du deuxième mois, il avait préféré démissionner de son poste. Il était parti travailler à l’agence « Prime casting », qui appartenait à Bertrand Pozzini, un concurrent direct de Schubert. Avisé, Pozzini lui avait immédiatement proposé le poste de directeur de casting dans son agence. Zoltan avait eu de la chance de trouver un nouveau travail, car Rokovic lui avait annoncé qu’il avait vendu le deux pièces de la rue de Tolbiac. Il fallait déménager dans le mois. Comme il devait tout de suite trouver un autre appartement, Pozzini lui proposa de lui sous-louer le grand studio qu’il occupait dans le quinzième, avant de retourner vivre avec sa femme. Il lui avait même laissé quelques vieux meubles et toutes ses plantes en prime.Zoltan avait équipé son studio d’un ordinateur, car il souhaitait s’initier à l’informatique. Son professionnalisme lui permit de s’introduire dans le milieu du spectacle et en quelques mois, il travaillait avec la plupart des maisons de productions. Schubert était furieux après lui, car ses agences perdaient de plus en plus de clients. Néanmoins, Zoltan et Bob continuaient de se voir régulièrement. Avec le temps, ils étaient devenus des amis proches. Après leur journée de travail, ils se retrouvaient quasiment tous les soirs au Café des Philosophes. Comme d’habitude, ils s’étaient installés en terrasse et après avoir mangés une assiette, ils se préparaient à sortir. Ils avaient décidés d’aller au « Queen », la nouvelle boite de nuit branchée de Paris. Après avoir traversés à pied la place de la Bastille, ils attendaient leur tour à la station de taxi. Ils prirent place dans une grosse Mercedes blanche et voilà qu’ils étaient déjà rue du faubourg St Antoine. Le taxi longeait à présent l’immense rue de Rivoli. Il traversa la place du Châtelet, puis il passa devant le musée du Louvre. Il se retrouva enfin sur la Concorde, l’une des plus belles places de la capitale. Celle-ci reliant elle-même la plus belle avenue du monde : les Champs Elysées ! Arrivés devant le « Queen », Bob sortit de l’argent de son porte feuille et paya le taxi. Tout deux, longèrent ensuite l’immense foule de badauds disciplinés, parqués devant la porte. Peu d’entre eux étaient autorisés à entrer dans la boite. Bob alla voir le RP.RP : Relation publique.- Salut Mike !- Salut Bob ! Vous êtes deux ?- Oui, je te présente Zoltan !- Entrez ! Bonne soirée les gars !La boite de nuit était remplie entièrement de Drag Queens travestis, d’homosexuels, de lesbiennes et autres bisexuels du « ghetto » Parisien. Seuls les hétéros de la « jet-set » avaient le droit de s'infiltrer à l’intérieur ! Après avoir descendus l’immense escalier, ils s’installèrent au premier bar, en face duquel se trouvait le carré « VIP ».VIP : Very important people.Des jeunes femmes superbes dansaient sur les tables en remontant leurs robes jusqu’au ventre. L’une d’entre elle ne portait pas de culotte ! Elle s’exhibait devant Zoltan, en lui montrant sans aucune honte son sexe qu’elle caressait lascivement du bout des doigts !- Babylone, tu déconnes !- Qu’est ce que tu bois Bob ?- Un gin tonic !- T’en as pas marre de travailler pour Schubert ?- Il paie bien !- Oui, je sais ! Mais tu as vu l’argent que tu lui fais gagner ! Tu pourrais monter une agence et tout garder pour toi !- Zoltan ! Schubert a des relations et dans ce milieu, il vaut mieux en avoir pour éviter les problèmes !- Allez ! Tu as peur de quoi ? Viens, on monte une agence et moi je me charge des problèmes !- Schubert nous mettrait immédiatement des battons dans les roues !- On s’en fout de Schubert ! Il fait partie de la préhistoire ! L’avenir, c’est nous ! Laisses-moi être dans l’ombre ! Pendant que tu t’occuperas des commerciaux, je me chargerais de trouver les castings et les tournages ! Schubert ne sait même pas qu’une agence de casting peut vraiment travailler avec des productions ! Cela ne l’intéresse pas du tout de faire tourner ses adhérents ! Depuis que je vous ai quitté, je suis invité partout sur les plateaux des télés ! J’ai les numéros de portables de tous les directeurs de casting ! Tu sais que ça leur coûte bien moins cher de taper dans mon fichier ! Les agences de mannequins leurs réclament trop d’argent !- Justement ! Avec elles aussi on aurait des problèmes !- Quels problèmes ? Qu’ils aillent au Diable ! Eux aussi, je les emmerde ! Ces connards se prennent pour des Dieux ! Ils s’imaginent qu’ils sont les seuls, à avoir le droit de travailler dans ce milieu ! Ils veulent le monopole, mais ils refusent d’engager tout les gens qui ne font pas partie de leur circuit ! Nous, on les accepte ces gens-là !- Mais on leur demande de l’argent !- C’est vrai ! Mais on ne leurs prends pas de pourcentage sur leurs cachet ! En outre, les agences de mannequins ponctionnent jusqu'à quatre-vingt dix pour cent de commission, sur le travail du mannequin ! Ceux sont eux les voleurs !- Arêtes ! Tu sais bien qu’elles ne prennent des pourcentages que sur les gens qu’elles font travailler !- Oui ! Mais elles ne prennent aucun risque ! Ce sont toujours les même qui travaillent dans le « show-biz » ! Monsieur tout le monde, lui, n’a pas le droit de faire de la télé ou du cinéma ! Et pourquoi tout le monde n’aurait pas les mêmes chances de réussir ?- Par ce que tout le monde ne peut pas réussir à être une star !- Mais nous, on leur donne une chance, au moins !- Allez ! Laisses tomber ! On va danser !Déjà, sur la piste de danse, les Drags Queens mettaient l’ambiance. L’hypnotique « techno house » mélangeait tous les « clubbers » dans un rythme diaboliquement frénétique. Bob avait sorti des petites pilules de sa poche.- Qu’est ce que c’est ?- Du « lexomil » ! Je viens d’avoir une crise d’angoisse !- Ca va aller ?- Viens ! On va boire un autre verre !Une dizaine de verres de Gin tonic et quelques demi pilules de lexomil plus tard, les deux amis se décidaient à rentrer. Après avoir récupérés leurs affaires au vestiaire, ils montèrent dans un taxi. Celui-ci déposa Bob à la Bastille.- Bonne nuit Bob ! On se voit demain soir !- Ok ! Tu veux de l’argent pour le taxi ?- Non ! Laisses tomber ! Allez ! Ciao !- Ciao !Les agences pour lesquelles ils travaillaient tout deux, étaient des agences payantes. Celles-ci recrutaient indifféremment tous les candidats, qui ne correspondaient ni aux critères de sélection des grandes agences de mannequins, ni à ceux des prestigieuses agences artistiques. Leur clientèle était également composée de tout ceux et celles, qui n’avaient pas les moyens de se payer des cours de théâtre dans les prestigieuses écoles. Des chanteurs, des danseurs, des sosies, des clowns, des magiciens ou tout simplement des paumés qui rêvaient de réussite. Tous ceux qui ambitionnaient de devenir comédiens, ou qui voulaient simplement faire un peu de figuration. Malheureusement, toutes ces agences étaient souvent tenues par des personnes peu scrupuleuses, qui ne voyaient là qu’un bon moyen, de faire de l’argent facilement. Zoltan avait travaillé un mois pour Schubert, mais à la différence de Bob qui s’en fichait complètement, il souhaitait réellement trouver des tournages à ses adhérents. Ayant eu une explication avec Schubert, il préféra démissionner quand celui-ci lui avoua, que ça ne l’intéressait pas du tout de trouver des tournages pour les clients de son fichier. En réalité, Schubert ne voulait surtout pas la guerre. Ni avec les grandes agences de mannequins, ni avec les agences artistiques. En contrepartie de gains colossaux, il était résigné à subir constamment les critiques de la presse, quitte passer pour un escroc ! D’ailleurs, il s’en moquait complètement, car toutes ses sociétés étaient tenues par des gérants de paille. Grâce à elles, Schubert se mettait tranquillement dans la poche, soixante dix pour cent de leur chiffre d’affaire non déclaré, alors qu’il ne payait les charges sociales que d’un employé sur quatre. C’étaient ses gérants qui prenaient tous les risques. Ses agences avaient une durée de vie d’un an et demi. Quand l’une d’entre elles était « grillée », il fermait celle-ci, tout simplement. Il la mettait en dépôt de bilan, ce qui lui évitait de faire son premier exercice comptable. Puis il en ouvrait tranquillement une autre à la place et réemployait son ancien gérant, en tant que simple booker. La recette lui rapportait des millions. Zoltan n’avait pas la même vision stratégique des affaires. Il savait que derrière leur façade d’agences modèles, beaucoup d’agences de mannequins cachaient en fait des réseaux de prostitution et bien sur de drogue. Leur respectabilité était assise sur un réseau de notables, qui étaient bien content de pouvoir puiser dans ce vivier. Enormément de mannequins acceptaient les nombreux cadeaux offerts par ces derniers. En effet, un mannequin débutant doit toujours rembourser tous les frais de l’agence qui l’emploie. Les billets d’avion, les books photos, les hôtels ainsi que leurs appartements ne sont qu’avancés sur leurs futurs salaires. Bien souvent, alors qu’ils rapportent des millions de Francs à leurs agences, les mannequins débutants ne gagnent que quelque milliers de francs par mois. Alors, lors ce que les « scouts » des agences invitent les novices à une soirée, il est d’usage de se faire de bonnes relations. Dans les magazines « people », les photos montrent toujours des jeunes modèles entourés par les personnalités. En fait, ce que le public ne voit jamais, c’est comment finit la soirée ! Bien entendu, de nombreux avantages récompensent les volontaires ! Tandis que des sanctions, voire même des exclusions définitives, punissent les récalcitrants ! Les agences de mannequins ne touchent en théorie aucun pourcentage sur ce genre de transactions, mais elles profitent des précieux services, dispensés par leurs précieux protecteurs. Zoltan connaissait bien une centaine de mannequins professionnels. Certaines approchaient la trentaine et avaient réussi à se sortir du réseau. Elles ne travaillaient plus qu’en « free-lance ». C’est à dire sans passer par les agences de mannequins. En travaillant de cette manière marginale, les mannequins indépendants gagnaient davantage tout en faisant économiser de l’argent aux clients ! Parfois, quand celles-ci rencontraient un mannequin d’agence trop jeune et trop naïve, elles lui expliquaient toutes les ficelles du métier. Une amie de Zoltan lui raconta qu’un jour, elle avait recueillie un jeune mannequin de seize ans, recrutée dans un pays de l’est. Elle était sortie à une soirée ou elle avait été droguée, avant de se retrouver dans un lit avec un vieillard ! Elle s’était enfuie de la soirée et son agence l’avait virée le lendemain ! Elle devait sur l'heure évacuer l’appartement, qu’elle partageait avec cinq autres filles et elle se retrouva sans argent, dans une ville qu’elle ne connaissait pas ! L’idée de Zoltan était de mettre un gros coup de pied dans la fourmilière. Si des clients acceptaient de travailler avec les mannequins « free-lance », alors, il était possible de renverser le cours des choses ! Pour réussir à battre les agences de mannequins, il fallait utiliser le système payant des agences de casting, mais trouver réellement des castings et des tournages aux adhérents ! Si le système de Zoltan fonctionnait, alors il pourrait prendre des parts de marché aux agences de mannequins, tout en coulant les agences de casting véreuses.Scout : Agent recruteur chargé de repérer les mannequins débutants.People : Célébrités.Mannequin free-lance : Mannequin travaillant en direct pour ses clients en trouvant lui-même ses contrats sans passer par une agence.Chapitre V. La décision.Juillet 1997, vingt deux heures, place de la Bastille, café des Phares. ParisDeux ans déjà, que Zoltan avait été introduit dans le sulfureux milieu du casting. Il ne travaillait plus chez Pozzini, car par décision du Tribunal, ce dernier fut contrains de fermer son agence. Bob venait également de quitter Schubert, car celui-ci ne le payait plus.- Bob ! Tu es demandé au téléphone !- Allo !- Salut Bob, c’est moi ! Alors ? Tu as quitté Schubert ?- Ouais ! Mais il ne m’a pas payé mon dernier mois !- Qu’est ce que tu vas faire ?- J’ai envie de monter une école de séduction ! Tu es ou ?- Pas loin, rue de la roquette !- Tu t’amènes ?- Je suis là dans un quart d’heure !- A tout de suite !Un quart d’heure après, Zoltan retrouva Bob qui prenait tranquillement un verre en terrasse.- Salut Bob !- Hé ! Zoltan !- Bon ! Vas-y, racontes !- Rien ! J’ai donné ma démission !- Schubert ne va jamais te payer ! C’est quoi cette histoire d’école de séduction ?- Comme tu le sais, je suis un grand séducteur ! J’ai envie d’en faire profiter les autres ! Tous ceux qui n’ont pas de succès auprès des filles !- Tu crois que ça va marcher ?- Zoltan ! Tu sais que ça fait longtemps, que j’ai envie de créer une école de séduction à Paris ! Maintenant, j’en ai l’occasion !- Dis-moi ! Comment cela se passe, pour ton appartement ?- Mes parents l’on vendu !- Tu vas dormir ou alors ?- Ma concierge m’a prêté sa chambre de bonne !- Tu as une douche ?- Même pas !- Pourquoi tu ne te remets pas avec Alexandra ?- Elle est à Londres jusqu'à la fin du mois !- A son retour, demandes-lui de partager son appart ! De toute façon, tu ne peux pas rester dans cette situation ! Schubert te dois encore combien d’argent ?- Vingt cinq mille !- Ecoute ! Pour créer ton école, il va te falloir un ordinateur ! Chez moi, j’ai tout le matériel informatique ! Il va également falloir trouver des modèles pour les statuts de la société !- Regarde cette petite annonce ! C’est une société qui propose des domiciliations et des conseils juridiques ! Pour deux mille francs, ils te créent ta boîte clef en mains et en plus, ils ont des bureaux qu’ils louent au mois !- Comment on va trouver les cinquante mille pour le capital social ?- Pas besoin ! Avec cinq milles francs, on crée une « SARL » à capital variable de cinquante mille Francs et une fois que l’on fait de l’argent, on débloque le reste du capital !- Il ne nous reste plus qu’à trouver une banque et ouvrir un compte !- Tu vois ! Le problème, c’est que je suis interdit bancaire ! Je suis fiché à la banque de France !- Pas moi ! Je serais le gérant ! Il nous faut un nom pour la société !- Comment on va l’appeler ?- Pourquoi pas « Bob Zoltan » !- « Bob Zoltan » ?- Ca sonne bien ! Tu ne trouves pas ?- Si ! Ca fait macho !- C’est bien, pour une école de séduction !- Qu’est ce que tu veux boire ?- Un gin tonic !- Alain ! Sers-nous deux gins tonics !Alain le frère du patron du café, était ami depuis longtemps avec les deux compères. Il venait juste de rentrer du Brésil et de reprendre son poste de barman après six mois d’absence. Bob attendait Natacha, un jeune mannequin tchèque qui arriva avec Nathalie, son agent. Comédienne ratée, cette dernière avait la trentaine passée, était réellement portée sur l’alcool et de surcroît, complètement nymphomane. En fin de soirée, elle avait vidée à elle seule, deux bouteilles entières de vin blanc. Ivre morte, Nathalie attira Bob dans les toilettes du café. Après trente minutes, Alain, cogna à la porte. Comme il n’avait aucune réponse, il débloqua la serrure à l’aide de son passe. A l’intérieur, il avait trouvé Nathalie et Bob complètement nus, en position de levrette.- Hé, bien ! On s’amuse grave, ici !- Putain ! Vas-y, Alain ! Fermes-moi cette porte !- On peut participer ?- Entre ou sors ! Mais fermes la porte !- Ha ! Ha ! Ha ! Viens nous rejoindre Alain !- Attendez ! Je prends des capotes dans le distributeur !Alain les rejoignit sans se faire prier. Nathalie avait complètement disjonctée. Carrément malsaine, elle s’envoyait en l’air avec deux garçons à la fois, dans ces toilettes sales. En réalité, elle connaissait bien la sensibilité de Natacha. Elle voulait lui montrer que Bob ne la méritait pas, désirant garder l’emprise totale sur sa protégée. Lors ce qu’ils se montrèrent enfin, Natacha se mit à hurler sur eux. Elle gifla Bob, puis elle quitta le café les yeux pleins de larmes. Nathalie courut rejoindre son amie et elles partirent ensemble.- Quelle chienne, cette Nathalie !- Mon pauvre Bob ! Tu es complètement taré ! Tout le monde raconte que cette fille a chopée le « SIDA » et que maintenant, elle le refile à tout le monde !- Tu déconnes ! Tu me fais marcher, là ?- Je te le jure ! C’est ce qui se raconte ! A ta place, demain, j’irais faire un test !- C’est pas possible ! Je crois bien qu’avant n’arrive Alain, je n’avais pas mis de capotes !- Tu es un crétin ! Et toi Alain t’as mis un chapeau ?- Tu m’étonnes ! J’ai donné une capote à Bob, mais il avait déjà trempé dedans !- Qu’est ce que j’ai fait ? Merde ! Oh, merde !- C’est comme d’habitude ! Tu ne réfléchis qu’avec tes hormones ! J’espère pour toi que tu n’as rien attrapé ! C’a serait vraiment con !Cette soirée sordide s’était terminée dans une atmosphère sinistre. L’alcool aidant, Bob qui étais déjà de nature angoissée, se mit à délirer. Il avait sorti de sa poche ses pilules de lexomil et il s’en envoya deux d’un coup. A présent, il pleurait. Complètement paniqué à l’idée d’avoir une maladie.- Je vais mourir ! Vous entendez ? Je vais mourir ! Je suis foutu ! C’est fini pour moi !- Mais non ! Allez ! Calmes-toi ! Alain ! Peux-tu le monter chez toi ? Ce soir, je le vois mal aller dormir dans sa sinistre chambre de bonne ! Il est complètement pété ! Il a besoin de se reposer !- Tiens ! Voilà les clefs ! Montes le toi-même ! Tu n’as qu’à rester aussi, je vous retrouve dans une demi-heure !Alain avait un grand studio au dernier étage, juste au-dessus du café. Bob s’écroula sur le lit. Le lendemain, sur le coup de dix heures, Zoltan réveilla Bob.- Allez ! Debout ! On a du travail !- Il y a des croissants ?- Oui ! Alain nous en a ramené ! Tu veux du café ?- Je veux bien ! Merde ! Qu’est ce que Je suis allé faire, hier ? Je vais tout de suite aller faire un test de dépistage !- Tu feras ça cette après-midi ! Ce matin, on a plus urgent ! On doit d’abord aller au centre d’affaires, pour démarrer la société !Après le petit déjeuner, ils prirent le métro à Bastille. Puis ils suivirent la ligne n°1 et ils étaient descendus à la station Concorde. Après être passé sous les arcades de la rue de Rivoli et s’engageant dans la rue de Castiglione, ils apercevaient devant eux l’immense colonne de la place Vendôme.- Sympa le quartier !- Déjà ! Il y a dix ans, je travaillais rue Saint Honoré ! Je vendais des costumes Italiens, dans une des boutiques du carré d’or ! Il est ou ce centre d’affaires ?- Rue de la Paix ! C’est là !- Regardes ! Tu as vu l’entrée ? C’est du marbre !- Hé ! L’ascenseur est en verre !- Terrible !C’est vrai que cette adresse était magique. Ils devaient absolument démarrer leur société dans ce quartier. Bob sonna à la porte d’entrée. La responsable commerciale du centre d’affaires s’appelait Martine. Elle leur avait demandé de revenir en fin d’après-midi pour ouvrir leur dossier. Bob en profita pour aller faire son test de dépistage, dans un laboratoire d’analyses. Ensuite, il appela Nathalie.- Allô ! Nat ! Salut, c’est Bob !- Bob ! Excuses-moi pour hier soir ! J'étais complètement saoule ! Baiser avec deux mecs dans les chiottes, c’était vraiment un « bad trip » !- Dis-moi, Nat ! Je voulais te demander un truc ! Question santé, tu es OK ?- Sale con ! Et toi tu es OK ?Vexée, Nathalie raccrocha la ligne, au nez de Bob.- Laisse tomber, Bob ! Tu verras bien les résultats de ton test !- Je ne suis pas du tout rassuré !Chapitre VI. Le premier pas.A dix-sept heures, Bob et Zoltan retournèrent voir Martine pour remplir les papiers. Après avoir signé les formalités d’inscription, il leur fallait absolument trouver une banque pour déposer le capital social. Mais à Paris, avec une société à capital variable, ce n’est pas facile d’ouvrir un compte. Toutes les banques refusaient de prendre le risque. Il ne restait plus qu’à démarcher la poste. Après ce nouveau refus, les vraies remises en question commencèrent.- Bob ! Si on ne trouve pas une banque pour déposer notre capital, on n’aura jamais notre « K BIS » ! Viens ! On demande à parler au directeur !- Laisses tomber, Zoltan ! Tu vois bien que ce n’est pas la peine !- Laisses-moi quand même essayer !- Bonjour Messieurs ! Que puis-je faire pour vous ?- Nous ouvrir un compte !- J’ai entendu tout à l’heure, que vous aviez l’intention d’ouvrir une « SARL» à capital variable ! Aucune banque ne vous ouvrira de compte courant, vous savez !- Alors, expliquez-moi ! Pourquoi donc la Chambre de Commerce, autorise ce genre de sociétés ?- Elle les autorise ! Mais tout le monde sait que ces sociétés ne sont pas viables ! Vous partez sans capital ! Ensuite, c’est toujours la banque qui se retrouve avec les dettes !- Monsieur ! L’activité que nous exerçons ne demande aucun investissement de départ ! Notre travail est de la pure prestation de service !- Et ou allez-vous avoir vos bureaux ?- Dans un centre d’affaire !- Ha ! Ha ! Ils rêvent ! Messieurs ! Même si je prends votre argent en dépôt, la décision finale ne se prend pas ici ! Je peux vous parier qu’à la caisse centrale de la Poste, on refusera de vous ouvrir ce compte !- Il faut combien de temps pour la réponse ?- Quinze jours ! Mais de toute façon, je les connais ! Jamais ils n’accepteront une société à capital variable !- Monsieur le Directeur ! Ecoutez ! Prenez en dépôt nos cinq mille francs ! Pendant ce temps, même si la caisse centrale refuse de nous ouvrir le compte, avec votre récépissé, nous pourrons obtenir notre « K BIS » auprès de la chambre de commerce ! Ensuite, tant pis si la réponse est négative, vous nous rendrez simplement notre argent ! Mais au moins, nous pourrons commencer notre activité !- D’accord ! Si ça peut vous faire plaisir !- Merci beaucoup, Monsieur ! C’est le seul moyen pour nous de démarrer notre activité !Bob et Zoltan ne se doutaient pas qu’ils étaient en train de créer ce genre de société, que plus tard tout le monde appellerait communément « Start-up ». Le Directeur de la poste avait accepté la demande de Zoltan. Il prit en dépôt leur cinq mille Francs et ainsi, ils purent obtenir leur autorisation de commerce.- Qu’est ce qu’on va faire, sans compte en banque ?- On verra bien plus tard !Sans attendre la réponse de la poste, Bob et Zoltan s’étaient mis sérieusement au travail. Ils avaient composés les contrats, les reçus, les factures et les prospectus publicitaires. Puis après avoir imprimés ces derniers, ils allèrent distribuer les tracts dans la rue. Les automobiles, les boites au lettres, les passants, tous recevaient un tract. Les appels arrivaient, mais les rendez-vous pris ne se concrétisaient pas. Pour attirer davantage de clients, Bob engagea Sophie, une de ses maîtresses, qui était une « pin-up » blonde au décolleté plongeant et aux seins siliconés. Grâce à sa voix sensuelle, elle réussit à attirer quelques clients en rendez-vous, mais pas suffisamment pour payer les charges. Alors qu’il retournait à l’agence, après avoir distribué des tracts dans la rue, Zoltan retrouva Bob effondré dans le bureau. Le pauvre pleurait car il avait reçu les résultats de son test. Il était positif au « HIV ». La terre entière s’était écroulée sous ses pieds.- C’est la fin ! Je vais crever !- Qu’est ce qui se passe ici ?- j’ai le « SIDA » ! Je vais mourir !- Non ! J’y crois pas ! Tu me fais marcher ! Ce n’est pas possible !- Regardes par toi-même le courrier que j’ai reçu !- Merde ! C’est mauvais ! Allez ! Viens ! On arrête de travailler ! On va aller se boire un verre ! D’accord ?- J’ai trente ans, putain ! Je suis trop jeune pour mourir !- On va te soigner ! Maintenant, il existe des très bons médicaments ! Merde ! Quand même ! C’est pas possible ! Je ne peux pas croire ça !Trois jours d’angoisse plus tard, Bob reçu une autre lettre du laboratoire d’analyse. Le laboratoire s’excusait, car il avaient fait une erreur lors du dépistage et en réalité, le test s’avérait être négatif.- Les sales cons ! Ils m’ont fait vieillir de dix ans ! Je vais les traîner en justice !- Et bien ! Tu peux dire que tu as eu chaud aux fesses !- Tu te rends compte ce que ces salauds m’ont fait vivre ?- Je préfère que ça finisse comme ça ! Tu m’as vraiment fait peur !- C’est moi qui vraiment eu la peur de ma vie, tu veux dire ! A présent, je peux te dire que cette histoire m’a définitivement vacciné ! Je jure de ne jamais plus baiser sans capotes !- Enfin ! Tout est bien qui finit bien !Une chose est sure, Bob n’a plus jamais couché avec une fille sans préservatifs. Il avait acheté une boite de cinquante et il ne s’en séparait plus. Peu à peu, le temps s’écoulait mais les contrats n’arrivaient pas. Il fallait pourtant payer les charges. Bob reprenait à nouveau du lexomil, car ses crises d’angoisse étaient de plus en plus fréquentes. Après avoir fini son travail, il allait directement dormir dans sa sinistre chambre de bonne. Il se morfondait ainsi pendant des heures, ne voyant aucune issue positive à la situation. Heureusement pour lui, Alexandra était rentrée de Londres et il se remit avec elle, partageant son studio dans le Marais. Au moins pouvait-il dormir dans un endroit convenable. Cependant, un après-midi, alors qu’il devait récupérer un dossier chez lui, Bob surprit Alexandra avec une certaine Julie. Elles étaient complètement nues dans le lit. Bob qui était bien loin de s’imaginer qu’Alexandra puisse être bisexuelle, lui demanda des explications. Mais celle-ci lui annonça qu’il devrait partir à la fin du mois et se chercher un nouveau logement. Elle avait dénoncée le bail et elle partait vivre définitivement à Londres avec Julie. Après ce choc, Bob allait en plus se retrouver à la rue. Il ne pourrait même pas habiter chez Zoltan, car celui-ci devait également libérer le studio que lui sous-louait son ex patron Pozzini. Dans trois semaines, ils allaient se retrouver tout les deux, dans la même situation. Ils n’avaient même plus assez d’argent pour manger. Alors, pour survivre, après avoir terminé leurs heures de bureau, ils vendaient aux touristes des cartes postales de Paris. Inquiet, Zoltan ne se voyait vraiment pas recommencer à faire la manche. Il fallait à tout prix qu’il trouve un moyen de faire rentrer de l’argent dans la société. Il ne voyait que le casting.- Bob ! Il faut réagir !- Ca ne marche pas ! Qu’est ce qu’on va faire ?- Ecoute ! Une école de séduction, ce n’est pas dans la mentalité des Français, c’est un concept Américain ! Les Français sont trop orgueilleux pour accepter des cours de drague !- Pourtant, j’y crois à ce concept !- On va faire ce que l’on sait faire ! Du casting !- On est foutu ! On va se retrouver à la rue !- Bob ! Ressaisis-toi !Bob était sonné. Il se réfugia de nouveau dans ses pilules. Se prenant la tête entre ses mains, il restait ainsi à se lamenter pendant des heures.Chapitre VII. Le départ.Zoltan n’en démordait pas. Il s’était renseigné auprès de Martine, pour savoir si les statuts de leur société les autorisaient à faire du casting. Celle-ci lui affirmait qu’il n’y avait aucun problème, car le centre d’affaire avait bien fait son travail. L’objet social de leur société, permettait à l’agence d’exercer toutes activités commerciales. C’était parfait. Zoltan n’avait plus qu’une idée en tête. Rentrer immédiatement chez lui. Devant son ordinateur, il rédigeât lui-même les nouveaux contrats de casting, les factures, les reçus, ainsi qu'une nouvelle publicité. Il avait travaillé toute la nuit. Exténué, il se couchât vers cinq heures du matin. Mais à neuf heures, il arriva normalement au bureau. Il était hors de question de dormir. Zoltan souhaitait imprimer immédiatement les nouveaux tracts. Il avait passé un accord avec l’imprimeur. Lors ce que ceux-ci furent enfin prêts, il en distribua lui-même immédiatement près de deux mille dans le quartier. De retour au bureau, il lui fallait à présent chercher un photographe. Il contacta Pascal Bareaud, qui travaillait déjà avec toutes les agences de Schubert. Ensuite, il avait appelé les sociétés de production afin de trouver un maximum de tournages. Zoltan passait en revue tous les numéros de son agenda. Pendant qu’il téléphonait, il reçut la visite de Zed, un ami d’enfance qu’il avait quasiment vu naître à Clermont-Ferrand. Chacun connaissait respectivement la famille de l’autre. Zoltan avait déjà fait les quatre cent coups avec Rico, le frère aîné de Zed qui aux dernières nouvelles, avait eu déjà cinq enfants avec sa femme et était parti vivre avec sa famille en Guyane. Tous deux avaient un ami qui s’appelait Omar et qui faisait des études de cinéma. Aujourd’hui, celui-ci devenu régisseur général, était reconnu par toute la profession. Omar travaillait régulièrement avec les grandes productions Françaises. Actuellement, il tournait pour « Les films du personnage » et par l’intermédiaire de Zoltan, il avait embauché Zed comme figurant. Zed, faisait également un peu de figuration sur un long métrage qui s’appelait « La vie du détective ». Le long métrage était produit par « Bastille production ». Il était venu dire à Zoltan que le réalisateur avait besoin de deux cent cinquante figurants.- Zed ! Qu’elle surprise !- Zoltan ! Je ne reste pas ! Je passe juste dire bonjour ! Il faut que j’aille sur un tournage !- Génial ! Ils ont encore besoin d’autres figurants ?- Pleins ! Je crois qu’ils cherchent deux cent cinquante personnes !- Donnes-moi l’adresse de la prod !- Tu me donnes combien ?- Un coup de pied au cul ! Donnes !- T’as de la chance que je sois ton pote ! Allez ! Tiens ! Voilà l’adresse ! Bon ! Je dois y aller ! On s’appelle !Zoltan téléphona immédiatement à « Bastille production ». Il expliqua à la standardiste qu’il dirigeait l’agence « Bob Zoltan » et qu’il pourrait leur fournir les deux cent cinquante figurants dont ils avaient besoin. - Oui ! Allô ! Bonjour Madame ! Je suis le responsable de l’agence « Bob Zoltan » ! Pourrais-je parler à votre directeur de casting ?- Ne quittez pas ! Je vous le passe !- Allô ! J’écoute !- Bonjour Monsieur ! J’ai appris que vous cherchiez des figurants, pour votre film « La vie du détective » !- Vous êtes une agence ?- Tout à fait ! L’agence « Bob Zoltan » !- Désolé Monsieur ! Nous ne travaillons pas avec les agences artistiques ! Nous préférons payer directement les figurants !- Attendez ! Nous sommes une agence de conseil et de mise en relation ! Nous n’employons pas nos figurants ! C’est à vous de le faire ! De plus, nous ne demandons jamais de pourcentage sur leurs cachets !- Comment gagnez-vous votre vie, alors ?- Grâce à l’inscription de nos adhérents ! On leur demande simplement une cotisation à l’année !- Avez vous des photos de votre fichier ?- Oui ! Avec leur nom, leurs mensurations et leurs coordonnées !- J’aurais besoin également de quelques comédiens pour des rôles de silhouettes ! Des policiers ! Pourriez-vous me faire parvenir les photos de votre fichier ?- Bien entendu ! Donnez-moi votre nom !- Je suis Jérôme !- Et moi, Zoltan ! Je peux passer cet après-midi, si vous voulez !- Entendu ! A tout à l’heure !Zoltan possédait un fichier de comédien qu’il avait acquis lors de son passage chez Schubert et chez Pozzini. Deux cent photographies, qui se composaient essentiellement de comédiens et de figurants. Il disposait également d’une centaine de composits de mannequins « Free-lance». Il savait qu’il n’aurait aucun mal à satisfaire toutes les demandes de Jérôme. En outre, ce tournage lui permettrait de faire tourner toutes les personnes qui s’inscriraient à l’agence. Son fichier sous le bras, il s’apprêtait à quitter le bureau, mais au même moment, le téléphone se mit à sonner. C’était enfin le premier appel qui arrivait.- « Bob Zoltan », bonjour !- J’ai trouvé un prospectus sur le pare-brise de ma voiture !- Vous avez quel âge ?- Trente deux ans !- Vous êtes disponible en ce moment ?- Oui ! Oui ! Je suis disponible !- Qu’est ce que vous faites, dans la vie ?- Je suis Fonctionnaire de Police !- Ca vous intéresse vraiment, de faire de la figuration ?- C’est payé combien ?- Cinq cent quatre vingt francs bruts par jour ! Ca vous intéresse ?- Oui ! Qu’est ce que je dois faire ?- Il faudrait que vous passiez à l’agence !- Vous êtes ou ?- Nos locaux sont situés rue de la Paix ! Quand seriez vous disponibles ?- Je suis à côté, je viens tout de suite !Après lui avoir demandé son prénom, Zoltan lui expliqua en détail comment il fallait procéder pour accéder à son bureau. Puis il raccrocha le téléphone. Un quart d’heure après, son client était déjà arrivé au centre d’affaire. Martine lui avait servi un rafraîchissement et elle annonça à Zoltan que son rendez-vous était là. Denis étant d’origine Antillaise, Zoltan lui racontait d’abord ses expériences en Guadeloupe. Puis enchaînant sur le tournage, il lui expliqua les modalités d’inscription.- C’est quoi, exactement, ce tournage que vous faites ?- Ce n’est pas nous qui tournons ce film ! C’est une maison de production qui se trouve près de la place de la Bastille ! Le film s’appelle « La vie du détective » et d’ailleurs il y un peut-être rôle de silhouette pour vous !- Qu’est ce qu’un rôle de silhouette ?- C’est de la figuration en gros plan et vous allez sûrement sourire ! C’est une silhouette de Policier ! C’est payé mille deux cent Francs brut par jour !- Ca m’intéresse ! Que faut-il faire ?- D’abord, vous inscrire dans l’agence ! Ensuite, je vous mettrais en relation avec la maison de production !- Ecoutes, mon copain ! Tu vois ! Je te trouve sympa ! J’espère que tu sais ce que tu fais ! Je veux bien essayer ! Mais je te préviens ! Je suis Inspecteur à la Police criminelle et si ton agence est bidon, je la ferrais fermer ! OK ?- D’accord ! C’est vrai que beaucoup d’agences ne sont pas sérieuses ! Mais ici, ce n’est pas le genre de la maison ! Fais moi donc confiance et tu verras que je te ferais tourner !- Quand ça ?- Immédiatement ! Signes ce contrat et je t’accompagne moi-même à la prod ! Tu as du temps, cet après-midi ?- Je suis en vacances ! OK ! Je te fais confiance ! Mais attention, Je te donne ma parole ! Si tu m’arnaques ! Tu vas entendre parler du pays !Une fois le contrat signé, Denis alla retirer de l’argent au distributeur de billet qui se trouvait de l’autre côté de la rue. Sans discuter, il paya trois mille Francs pour s’inscrire à l’agence. Comme promis, Zoltan l’avait accompagné lui-même à « Bastille Production ». Il était certain que Denis serait engagé. Ainsi qu’il l’avait prévu, son protégé eut un petit rôle de policier. En quelques jours à peine, celui-ci avait réussit à rembourser l’argent qui avait versé. Il n’en revenait pas. Il tourna également sur beaucoup d’autres films. En tant que noir Antillais, Denis admirait beaucoup Michaël Jordan, le célèbre basketteur Américain. Comme ce dernier était à Paris, il avait demandé à Zoltan, sans trop y croire, s’il pouvait lui obtenir une invitation, pour le gala organisé en son l’honneur.- Tu sais que Jordan est à Paris et qu’il est à l’hôtel juste en face de l’agence ?- Oui, je sais ! Viens à la fenêtre ! Tu as vu la foule devant l’entrée ?- Tu sais ! Je ne t’en voudrais pas si tu me dis non, mais si tu pouvais m’avoir une place pour la soirée qui est organisée sur les champs, ça serait génial !- Attends ! J’appelle une copine sur son portable !- Allô ! J’écoute !- Olivia ! C’est Zoltan !- Zoltan ! Comment tu vas ?- Ca va bien ! Et toi ?- Super bien ! Sauf que j’ai plein de boulot en ce moment ! Je suis en pleine collection !- Tu as besoin de mannequins ?- Tu en as des jolies ?- Il faut que tu vois leurs composites !- Oui, je veux bien ! J’ai encore besoin d’une dizaine de filles ! Quand est-ce que tu peux me les montrer ?- Quand tu veux ! Dis-moi ! J’ai besoin que tu me rendes un petit service ! Tu as des places pour la soirée de Michaël Jordan ?- Ouiiii ! J’en ai reçue quelques-unes ! Tu en veux ?- Je veux bien, oui !- Alors passes les prendre ce soir chez-moi, ce soir vers huit heures ! Au fait ! Tu m’apportes aussi les composites de tes modèles ! Je compte sur toi !- Ca marches ! Tu es un amour ! Je passe chez toi à vingt heures ! A tout à l’heure ! Je t’embrasse !- Bisou !- Bon ! Et voilà le travail ! Je passe chez Olivia et je te retrouve après ! Alors ! Qu’en dis-tu Denis ?- Merde ! J’en reviens pas !- Allez ! Tu auras ta place à vingt et une heures ! Ou est-ce qu’on se retrouve ?- Place des Ternes, dans le dix-septième ! Ca te va ?- C’est bon ! A toute à l’heure !Après avoir fermé l’agence, Zoltan pris la direction de l’appartement d’Olivia. A vingt et une heures, Il retrouva Denis dans une brasserie de la Place des Ternes.- Ah ! Tu es là !- Tu as réussis ?- Tiens ! Olivia m’en a donné quatre ! Tu pourras même emmener ta femme et deux amis ! A toi la soirée !- Tu ne viens pas, toi ?- Non ! Ca ne me dit rien ! Allez ! Bonne soirée !- Merde ! Tu es vraiment fort, Zoltan ! Merci encore ! Je n’oublierais jamais ça !Denis ne savait pas encore que c’étaient des places réservées aux attachés de presse. Il avait été accueilli comme une star et il passa la soirée à la table de Michaël Jordan. Le lendemain, il ne pouvait s’empêcher d’aller raconter ça à Zoltan. Il sautillait partout dans l’agence.- Zoltan ! Tu ne m’as pas dit que c’était des places dans le carré « VIP » ! J’étais carrément à la table de Michaël Jordan ! Putain ! C’était génial ! On s’est échangés nos portables ! Il m’a même payé plusieurs cigares ! Des « Cohibas » ! Tiens ! Je t’en ai ramené deux ! Cette soirée, je m’en rappellerai toute ma vie ! Ca alors !- Normal ! Olivia est l’une des plus grandes attachées de presse de Paris !- Quand même ! Tu es génial ! Je roule pour toi Zoltan ! Ah ouais, vraiment ! Tu verras ! Je te revaudrais ça !- Je suis content que tu ne regrettes pas de t’être inscrit à l’agence !- Merde ! Je risque pas !Et c’était parti. Quinze jours plus tard, Bob retrouva le sourire car Zoltan avait déjà booké vingt cinq personnes. Les affaires reprenaient. Avec presque quatre vingt mille Francs, ils purent enfin ouvrir un compte dans une banque de banlieue. Bob se mit lui-même à booker. L’agence était bondée et grâce au précieux agenda de Zoltan, tous les adhérents partaient sur les tournages. Tout allait pour le mieux.Chapitre VIII. L’agression.Ce matin-là, en arrivant au bureau, Zoltan se serait passé de la désagréable surprise qui l’attendais. C’était la visite d’un représentant du ministère de l’économie et des finances. Un inspecteur de la brigade de la répression des fraudes. Madame Bohen-Solal.- Bonjour Madame, je vous en prie, asseyez-vous ! Quelle est la raison de votre visite ?- Nous avons reçu une plainte par courrier, d’une personne inscrite chez vous !- Pourquoi une plainte ?- Hem ! Pourrais-je voir la liste de vos fameux tournages ?- La voilà ! Comme vous le voyez, nous envoyons tous nos adhérents tourner sur le film « La vie du détective » ! D’ailleurs, il nous manque encore cent personnes ! Voyez vous-même ! Nous envoyons sur ce tournage, même les gens qui ne souhaitent pas s’inscrire dans notre agence ! Si la personne qui s’est plaint à vous ne tourne pas, c’est qu’elle fait vraiment tout pour ne pas aller à ce tournage !- Dites-moi ! Avez-vous une licence pour faire vos placements ?- Nous n’avons pas besoin de licence par ce que nous ne sommes pas une agence artistique ! Notre agence ne fait aucun placement et nous ne prenons aucun pourcentage sur le cachet des figurants ! Nous nous limitons à les mettre en relation avec les maisons de production ! Ce sont elles qui les emploient ! Nous sommes une société de prestation de services !- C’est du travail déguisé, alors !- Mais non ! Pas du tout ! Nous n’employons pas ces gens ! Nous les conseillons simplement sur le meilleur moyen de réussir et nous les présentons ensuite aux productions !- Mais ces gens n’ont pas besoin de vous, pour faire des tournages !- Les gens qui viennent nous voir ne savent pas comment s’y prendre pour tourner ! Ils ne savent même pas où se passent les tournages ! Nous ! On les aiguille ! Il est normal que l’on se fasse payer pour notre travail ! On ne force pas les personnes qui sont déjà dans le circuit à s’inscrire chez nous !- Et pourquoi leurs vendez-vous des photos ?- Par ce que c’est grâce aux photos, que les directeurs de casting peuvent sélectionner les figurants ! Vous savez ! On ne peut pas prendre chaque figurant par la main pour le présenter aux réalisateurs ! On leurs fournit les photos et ils font la sélection des gens qui les intéressent !- Très bien ! Merci Messieurs !- Madame Bohen-Solal, il n’y à rien de grave ?- Non, rassurez-vous ! C’est juste un contrôle de routine ! Vous recevrez un courrier de ma part pour les conclusions de mon enquête ! Ne vous inquiétez pas !- Merci beaucoup, Madame Bohen-Solal ! Au revoir !Zoltan raccompagnât le fonctionnaire. Il se rappelait qu’une semaine auparavant, il avait reçu une jeune femme d’origine Grecque. Celle-ci avait signée sans aucune difficulté le contrat d’inscription, mais elle refusa ensuite d’aller sur le tournage. Elle prétextait qu’elle ne pouvait pas abandonner son travail et qu’il y aurait bien d’autres films. C’était donc un montage. Mais de qui ? La concurrence ? Zoltan s’était remit au travail. D'autres nouveaux soucis l'attendaient. Le lendemain, il lui fallait libérer son appartement et il devrait dormir au bureau, le temps de se trouver autre logement. Il apporta son ordinateur à l'agence et deposa ses meubles et ses affaires chez des amis.La salle d’attente ne désemplissait pas. Grâce au tournage, les clients affluaient, se passant le mot de bouche à oreille. Afin de pouvoir répondre à la demande, dès le deuxième mois, la société du se doter d’un second bureau dans le centre d’affaire. Avec les gains, Zoltan avait loué un grand loft dans un immeuble ultramoderne du quinzième. Quatre fenêtres de l’appartement, avaient une vue sur la tour Eiffel. Chaque soir, aux environs de minuit, il pouvait voir de son canapé la vieille dame de fer, éteindre toutes les lumières de sa robe étincelante. Bob avait reprit le bail d’Alexandra à son nom. A présent, ils étaient tous les deux à l’abri et leur situation matérielle s’arrangeait enfin. Pourtant, un point de discorde se créa très rapidement entre les deux associés. Bob voulait qu’un une partie du chiffre d’affaire passe au noir, mais Zoltan y était farouchement opposé. Il était le gérant et il ne voulait pas de problèmes avec le fisc. Bob insistait affirmant que pour s’en sortir, le black était indispensable. Mais lors ce qu’ils reçurent un courrier de la répression des fraudes, le choc fut terrible. Madame Bohen-Solal avait convoquée Zoltan devant le Tribunal de grande instance. En tant que Gérant, il risquait jusqu'à cinq ans de prison, ainsi que jusqu'à deux cent cinquante mille Francs d’amende, pour publicité mensongère. Le monde entier s’était écroulé sous ses pieds. Zoltan était complètement abattu.- La sale garce ! Un contrôle de routine ! Je ne me suis pas méfié ! On vient juste d’ouvrir et elle ne nous laisse même pas le temps de faire nos preuves ! C’est à te dégoutter de payer des impôts ! Ne me parle plus jamais de faire du black !- Ne t’inquiètes pas, on prendra un avocat. Le procès est dans six mois seulement !- « L’URSSAF », « la TVA », « le GARP », « l’UPC », « l’UPS » ! Et j'en passe! C’est la folie ! L’état nous vole soixante quinze pour cent de nos bénéfices avant impôts et en plus, il ne nous laisse même pas tranquille !- Je te l’avais dit Zoltan ! On va avoir droit à la totale !- Mafia de merde !- Je vais te présenter Lydie, on va l’engager comme Bookeuse ! Tu pourras te reposer un peu et te consacrer à chercher des tournages !Lydie vivait avec un réalisateur. Celui-ci n’acceptait pas qu’elle travaille à l’agence. Elle se disputait constamment avec lui à ce propos. Il disait que c’était de l’arnaque de faire payer les comédiens, pour leurs trouver des tournages. Lydie n’était pas d’accord. Elle croyait en son travail. Après tout, en leur prélevant des pourcentages, les agences artistiques taxaient également les comédiens. Après peu de temps passé chez « Bob Zoltan », son couple battait de l’aile et elle se sépara de son ami. Il y eu Val, puis Margot et à présent, ils étaient déjà quatre à travailler à l’agence. Val qui travaillait auparavant pour Pascal Bareaud, était son assistante de laboratoire. Lorsque Bob lui proposa de travailler comme bookeuse à l’agence, elle accepta. Margot quand à elle était une informaticienne travaillant occasionnellement dans l’infographie. Elle avait été bookée par Zoltan, mais elle lui avait demandée ensuite si elle pouvait être elle-même bookeuse. Zoltan quand à lui, enchaînait les castings, il trouvait tournage sur tournage. Tout y passait, les longs métrages, les « sitcoms », les émissions de télé, les opérations d’hôtesses pour les salons, les photos de magazines. En fin de mois, Zoltan signait les chèques et payait les charges. Chaque vendredi, Il allait déposer l’argent sur le compte de la société. La veille d’un week-end, alors qu’il était arrivé en retard de cinq minutes, son banquier refusa de lui ouvrir la porte. Le lundi suivant, les chèques qu’il avait émis furent tous rejetés. A cause de cela, Zoltan s’était retrouvé interdit bancaire. Malgré tout, il pu tout de même combler le compte et ainsi lever son interdit, mais la banque ne voulait plus de lui. Elle fermait le compte de « Bob Zoltan ». Il se passait quelque chose ; quelqu’un avait donné des consignes, pour mettre des battons dans les roues de l’agence. Heureusement, grâce à une relation des patrons de Martine, l’agence obtint tout de même un autre compte place de l’Opéra, dans une grande banque Parisienne. Zoltan commençait à y voir plus clair, lors ce qu’une chaîne de télévision nationale, qui préparait une émission sur les agences de casting, l’invita à s’exprimer sur leur plateau. L’émission serait une face à face avec Madame Charrue-Sorviet. Cette mégère présidait un inquiétant bureau politique d’extrême gauche. Celui-ci prétendait représenter les sacro-saints droits des professionnels syndiqués du spectacle. Une copine de Zoltan lui avait raconté, que cette sinistre organisation faisait des procès, à tous les mannequins indépendants qui refusaient de se syndiquer chez eux. C’était du racket organisé ! Zoltan ne souhaitait pas s’exprimer sur le plateau, car il savait que cette chasse aux sorcières était politique. Bob, qui était pressé de passer à la télé, avait accepté l’invitation, mais il ne faisait pas le poids. Le débat tourna à son désavantage dans un piège grossier. L’animateur de l’émission avait reçu des consignes de sa direction. Bob se fit lyncher sur place. Dès le lendemain, à l’agence, une adhérente était déjà en train de faire un scandale. Elle affirmait que le photographe de l’agence l’avait fait boire pendant la séance de photo et qu’ensuite, il lui avait fait des propositions carrément douteuses. Interloqué, Zoltan demanda immédiatement des explications à Pascal Bareaud. Celui-ci expliqua d’abord que s’il avait proposé une coupe de champagne à sa cliente, c’était à l’occasion d’un cocktail organisé pour son anniversaire. Cette dernière, affirmait quand à elle, qu’il lui avait demandé de se déshabiller lors de la séance photo. Elle était furieuse. A présent, elle ne voulait plus rien savoir et elle exigeait tout simplement le remboursement de son contrat. Bareaud éleva le ton sur Zoltan. Il refusait de rembourser les photos de la cliente. Il menaça en outre l’agence de bloquer la livraison des prochains tirages. Dès le lendemain, Zoltan décida d’arrêter immédiatement sa collaboration avec lui. Il passa quelques coups de fils et après s’être entretenu brièvement avec plusieurs grands photographes, il engagea Marco Mornar, un spécialiste des photos de mode, qui était également journaliste et Photo Reporter de Guerre. Marco était né en France, mais son père était d’origine Croate. Il avait couvert la guerre de Bosnie pour le compte d’une grande agence de presse. Mais ayant perdu énormément de temps et d’argent avec les photos de guerre, il décida de se reconvertir dans la mode. Marco connaissait déjà Bob, car tout deux avaient grandis dans le quartier de l’arsenal, près de Bastille. Ils avaient fréquentés la même école. Deux mois plus tard, Zoltan apprit par Marco, que Bareaud passait des petites annonces dans des journaux gratuits Parisiens. Il organisait dans son studio, des séances payantes de masturbation devant des filles déshabillées. C’était vraiment un sale type. Finalement, c’est l’inspection du travail qui avait eut raison de Bareaud. Celui-ci avait installé une chambre noire dans sa cave ou il enfermait à clef des Pakistanais sans papiers. Il exploitait ces malheureux et les menaçait de les faire expulser s’ils se plaignaient à quelqu’un. Ils étaient terrorisés. Ils travaillaient douze heures par jour en développant des photos dans les vapeurs d’acide, pour trois mille francs par mois. C’est son propre voisin qui avait prévenu l’inspection du travail et Pascal Bareaud se retrouva derrière les barreaux.Chapitre IX. Le fou du roi.En fin de journée, Bob avait rendez-vous avec Didier, un ami de longue date. Didier était décorateur, antiquaire et aussi un peu espion à ses heures. Il connaissait tous les hauts Fonctionnaires de la police, des Douanes et même de la « DST ». Il était marié à Sissi, la propriétaire d'un théâtre, mais il ne vivait plus avec elle depuis quelques années. Il partageait son temps entre l’espace « Drouot », ou il revendait les tableaux qu’il dénichait pour des prix dérisoires et ses chantiers de rénovation d’intérieur. Didier était vraiment un personnage hors du commun. Il était petit, sec et semblait ne pas avoir d’âge. Personne à part Zoltan, ne le prenait au sérieux. Pas même Bob. Tout le monde l’aimait bien, mais personne ne pouvait le supporter plus d’une demi-heure. Tout le monde le prenait pour un mégalo mythomane. Zoltan avait mis du temps, pour cerner ce mystérieux personnage. Pour lui, Didier était un extra-terrestre. Il avait des avis sur tout et sur tout le monde. Sa personnalité était très envahissante, mais à la fois tellement sympathique. Il disait des choses que le commun des mortels ne pouvait pas comprendre et était capable de prévoir avec une incroyable précision, toute sorte d’événements invraisemblables sur lesquels jamais personne n’aurait osé parier un franc. Qui n’a pas connu Didier, ne peux pas croire qu’un tel être existe. Il connaissait vraiment tout le monde. Et les rares personnes qu’il ne connaissait pas, il était capable de lire en elles, comme dans un livre ouvert. Il y avait des sénateurs, des criminels, des artistes. Seuls les orgueilleux n’avait pas de respect pour lui. Didier avait une façon unique et bien a lui de les abandonner à leur complexe de supériorité. En les rabaissant aux yeux des rares éclairés, il faisait contraster encore plus leur médiocrité. Lors ce qu’il chantait, il avait la voix de Louis Amstrong. Il connaissait des pas de danse, que personne n’arrivait à reproduire. Mais sa qualité première était sans aucun doute sa force de caractère extraordinaire. Didier n’avait vraiment peur de personne, mais lors ce qu’il se fâchait, tout le monde avait peur de lui. Tout le monde, sauf Zoltan. Quand des personnes inamicales venaient parasiter le bon fonctionnement de l’agence, elles ne faisaient pas long feu devant lui. Seulement Bob et Zoltan savaient que dès sa naissance, Didier avait été abandonné à la « DASS » par ses parents. Il avait été élevé par l’assistance publique mais c’est à la mort de sa première femme, que sa vie avait vraiment basculée. Sa femme était morte du « SIDA » et Didier ne s’en était jamais vraiment remis. Ayant survécu à ce terrible drame, il était devenu cocaïnomane et à cause de la drogue, il avait perdu toutes ses dents. Il avait émergé de son chagrin, mais il gardait tout au fond de lui une mélancolie indéfinissable, dans laquelle il puisait sa force. C’est en raison de cette tristesse qu’il vivait à présent une vie de bohème. Un jour, Didier ramena Laurent à l’agence. Celui-ci était le régisseur du théâtre de Sissi, la seconde femme de Didier. Laurent quand à lui connaissait Tatiana, une jeune femme d’origine Serbe, étant la meilleure bookeuse d’une agence de casting concurrente. Le père de celle-ci venait de mourir du cancer et elle ne savait plus très bien où elle en était. Comme elle avait sans cesse des conflits avec son patron, Laurent demanda à Bob de l’embaucher. L’agence avait le vent en poupe et à présent, les bureaux étaient devenus trop petits. Zoltan du se trouver un assistant de casting. Il engagea Jules, un comédien qu’il avait booké un mois auparavant. Jules avait été formé dans une grande école de théâtre. Il avait suffisamment d’expérience pour conseiller les figurants de l’agence. A présent, il était urgent de s’agrandir. Mais le centre d’affaires n’avait plus de bureaux à leur louer et il ne leur restait plus qu’à déménager. Noël approchait. Bob avait trouvé des bureaux rue de Bretagne, tout près de la place de la République. Les locaux disposaient de cent quarante mètres carrés. A l’intérieur, il y avait suffisamment de place pour douze employés. Ils avaient réussis à mettre cent cinquante mille francs de côté et ils purent ainsi payer la garantie pour le bail de location. Zed et Didier, les amis de toujours, allaient repeindre les murs. Zoltan et Zed louèrent une camionnette et ils se chargèrent d’acheter le mobilier. Zoltan avait équipé la salle de réunion comme un véritable salon d’appartement. Il avait installé une bibliothèque, un canapé, des fauteuils, une énorme table basse, une chaîne stéréo, un téléviseur géant et un magnétoscope. Des tableaux ainsi que d’énormes plantes vertes décoraient chaque bureau de l’agence. Bob quand à lui, embaucha d’autre bookers, Manon, Tony et Laurence. Manon était une voyante cartomancienne. Elle avait sa rubrique de voyance, dans une émission de divertissement à grand succès. Finalement, un jour, l’émission eut moins d’audience et Manon s’était retrouvée au chômage. Depuis, celle-ci survivait grâce à quelques clients fidèles, ce qui lui permettait juste de payer son loyer. Val et Margot l’avaient rencontré dans un restaurant ou elle faisait de la voyance et elles l’avaient ramenée à l’agence. Laurence était également très motivée. Bien qu’elle n’eut jamais travaillée dans ce milieu auparavant, elle se débrouillait plutôt bien. Elle élevait son enfant toute seule, ce qui la poussait à réaliser un excellent chiffre d’affaire. Tony quand à lui, désirait devenir mannequin, mais aucune agence n’avait voulue l’accepter. Bob avait flairé son sens commercial et lui proposa de devenir booker. Après qu’ils eurent meublés et décorés les nouveaux locaux, ils purent enfin inaugurer la nouvelle agence. Jules fut chargé de téléphoner à tous les adhérents pour leur donner la nouvelle adresse. Afin de moderniser le département casting, Zoltan décida d’engager Polux, un informaticien qui allait mettre tout le fichier de l’agence sur internet. Celui-ci avait déjà créé un système semblable, pour le compte d’une maison de production. Désormais, chaque adhérent aurait sa photo et ses mensurations dans la base de donnée. Lors ce qu’un directeur de casting passait à l’agence pour recruter des candidats, il suffisait simplement à Zoltan de programmer la taille, le poids ou encore la couleur des yeux des candidats et la liste sélectionnée apparaîtrait instantanément. C’était la seule agence de Paris à posséder un tel système. Même les plus grandes agences de mannequins s’y étaient mises, mais aucune n’était réellement au point. Grâce ce système de fichier informatique, les sociétés de production pouvaient sélectionner tous leurs candidats sans se déplacer. A la fin du mois de janvier, l’agence était passée de cent cinquante mille Francs de chiffre d’affaire mensuel, à quatre cent quatre vingt mille ! Mais l’échéance du procès de Zoltan se rapprochait inévitablement. Malgré sa bonne volonté, les sommes astronomiques qu’il versait tout les deux mois au Trésor Public, ne suffirent pas à lui donner la paix. Madame Bohen-Solal avait réussi à convaincre douze personnes inscrites à l’agence, de se porter partie civile devant le tribunal. Maître Archibald, l’Avocat de Zoltan, avait proposé le remboursement des contrats en litige. Le tribunal préféra repousser le procès de six mois, afin de pouvoir le charger davantage.Chapitre X. Le ménage du printemps.En arrivant à l’agence, Zoltan aperçut Noël, un de ses copains qui était Lieutenant de Police aux Renseignements Généraux.- Noël ! Qu’est ce que tu fais là ?- Zoltan ! C’est toi « Bob Zoltan » !- Non ! C’est Bob et moi !- Quoi ! Tu parles du Bob qui allait au café des Philosophes ! Il est là aussi ?- Comment tu as su qu’on était là ?- Je ne le savais pas, c’est mon patron qui m’envoie en mission !- Qu’est ce que c’est que cette histoire ?- Rien ! C’est une agence de mannequin qui a demandée une enquête sur ton agence ! Mais comme maintenant, je sais que c’est toi le patron, ce n’est plus la même chose ! Je te propose un marché !- Lequel ?- Je veux savoir pourquoi cette agence a commandé cette enquête ! Ecoute ! Je voudrais rester ici quelques temps, pour apprendre les ficelles du métier et tout les termes techniques ! Ensuite, je pourrais infiltrer tes ennemis ! Comme ils ne se doutent pas qu’on se connaît, ils penseront que j’exécute ce qu’ils m’ont demandé ! Je suis sur qu’ils me cachent quelque chose, je veux savoir quoi !- Ce qu’ils redoutent, c’est que je leur prenne le marché ! Ils vont mettre tout leur poids pour essayer de me faire tomber !- On va bien voir !Noël rencontra de nombreux mannequins à l’agence. Celles-ci lui expliquèrent comment les scouts des grandes agences de mannequins, recrutent des filles dans les pays de l’est, pour ensuite les entasser parfois à six, dans de tout petits appartements. Comment certaines se retrouvaient dans la rue, leurs valises devant la porte de l’agence qui les employait. Après trois mois d’enquête, Noël ordonna la fermeture de deux agences de mannequins et il envoya leurs patrons en prison pour proxénétisme. C’était la guerre. Un bras de fer sans pitié ! Un espion de la concurrence avait réussit à s’introduire au sein de l’agence « Bob Zoltan ». Il réussit à saboter tout son système informatique. Le fichier des huit cent personnes inscrites à l’agence, s’était volatilisé. Le programme de la base de donnée avait été complètement effacé. Heureusement, Zoltan avait conservé tous les doubles des contrats signés dans des classeurs. Il les avait prudemment enfermé à clef dans son coffre. Le jour même, il fit immédiatement installer un système d’alarme qui était relié en permanence à une société de protection civile. Polux devait à nouveau tout programmer. Presque deux mois de travail lui furent nécessaires, pour refaire complètement la saisie du fichier. Par chance, Zoltan venait une fois de plus de décrocher un gros contrat. C’était un énorme casting pour le tournage d’un long métrage. Celui-ci était produit par « Patrice Schuman Production ». Le film s’intitulait « Comme un animal sauvage ». L’assistante du réalisateur se nommait Marie. Elle était venue voir Zoltan en désespoir de cause. Elle avait besoin en urgence d’un millier de figurants, mais la régie avait dépassé son budget pour boucler le tournage. Elle n’avait pas de quoi payer au tarif syndical. Marie avait tout d’abord contactée le circuit traditionnel, mais comme les comédiens avaient refusés de tourner pour le salaire qu’elle leurs proposait, cette dernière s’était rabattue sur le fichier de « Bob Zoltan ». La scène principale se passait dans une boite de nuit. Les figurants de l’agence étaient tous venus prêter main forte. Ils étaient payés deux cent vingt francs nets, pour une nuit de tournage. Ils devaient danser et faire la fête. En contrepartie, la production leur servirait à manger et à boire pendant toute la nuit. Tout le fichier de l’agence était venu. Une centaine d’entre eux avaient été embauchés une semaine supplémentaire. Afin de remercier Zoltan de lui avoir retiré cette épine du pied, Marie l’avait recommandé aux productions, avec lesquelles elle travaillait régulièrement. Le milieu du cinéma étant un tout petit village, Zoltan décrocha pratiquement tous les tournages qui se déroulaient à Paris. A présent, l’agence rapportait enfin de l’argent et Zoltan décida de se prendre une voiture.- Bob ! J’en ai marre, de prendre le taxi pour me déplacer ! Zed m’a présenté une copine qui loue des voitures à des prix complètements fous !- Ca coûte combien ?- Cinq mille francs par mois pour une BMW ou une Mercedes !- C’est raisonnable ! Qu’est ce qu’elle a d’autre, comme bagnoles ?- En ce moment je crois qu’elle à des Saab, des Mercedes et des BMW cabriolets !- On y va et on s’en prend une chacun !- Tu sais que demain, on est invités sur un tournage ?- Ah, bon ! Ou ça ?- Place de l’Etoile ! C’est un film qui se passe dans un restaurant, sur les toits de paris !- Ca dure combien de temps ?- Deux jours !- Qu’est ce qu’on a comme rôles ?- Nos propres rôles ! Et en plus, ils nous prennent dix figurants !- Allez ! On le fait !- Bon ! On va les chercher, ces bagnoles !La copine de Zed s’appelait Julie, Elle leur avait proposé un tarif longue durée. Bob s’était pris une Saab cabriolet. Zoltan préférait la BMW 528. A présent qu’ils commençaient réellement à récolter le fruit de leur travail, il était normal qu’avec tout l’argent qu’ils gagnaient, ils aient au moins une belle voiture. Le lendemain, ils se rendaient avec chacun la sienne au tournage. Celui-ci était prévu pour deux jours, tous les animateurs des plus grandes émissions de télévision étaient présents. Le soleil cognait très fort et il fallait rester immobile pendant des heures. La production avait même placée des caméras au sommet de l’arc de triomphe. Celles-ci faisaient un zoom jusqu’au restaurant qui se trouvait sur les toits de l’Avenue de la Grande Armée. Afin de synchroniser la scène, Les techniciens correspondaient entre eux avec des talkies-walkies, car ils étaient à plus de six cent mètres les uns des autres. Au moment de déjeuner, rien n’avait été prévu pour Bob et Zoltan. Ils étaient traités comme des parias. Zoltan fit un scandale.- Viens Bob ! On s’en va ! Tu as vu comment on nous traite, ici ! Nous avons notre dignité ! On n’a pas besoin de ça !Alors qu’ils s’apprêtaient à partir, toute la production se mit soudain aux petits soins pour eux et leur apporta une collation. Au deuxième jour, le tournage arrivait à sa fin. Une des figurantes de l’agence présente sur le plateau s’était lié d’amitié avec un comédien envoyé par le syndicat des professionnels du spectacle. Il lui raconta qu’en s’inscrivant chez « Bob Zoltan », elle s’était fait rouler et qu’il ne fallait pas payer pour faire de la figuration. Elle se mit à hurler en pleurant. C’était un piège grossier. Ils voulaient discréditer l’agence aux yeux de la production et cela failli en arriver aux mains. Zoltan expliqua à sa cliente que c’est grâce à lui qu’elle se trouvait sur ce tournage. Qu’avant de pouvoir être une comédienne professionnelle et bénéficier des annonces classées, elle devait d’abord cumuler cinq cent sept heures de tournages, pour obtenir son numéro de congé spectacle. Mais rien n’y faisait. Celle-ci faisait une crise d'hystérie devant la production.- Arnaqueurs ! Vous m’avez escroqués !- C’est qui, cette tarée ?- Ca doit être une taupe du syndicat qui s’est inscrite chez nous !- Elle veut nous griller avec la prod !- On s’en fout ! Allez, viens ! On se barre d’ici !Des taupes, il en eu beaucoup d’autres. Un matin, vers onze heures, une comédienne s’était inscrite sans grande difficulté chez « Bob Zoltan ». Alors que sur le coup de treize heures, Zoltan déjeunait tranquillement aux Templiers, le café se trouvant juste en bas de l’agence, des sirènes se mirent soudain à hurler de tous les côtés. Trois fourgons et deux voitures de police avaient bouclés le quartier. L’agence était braquée par un professeur de théâtre, qui se faisait passer pour le père de la comédienne inscrite dans la matinée. Le forcené en croyant s’adresser au responsable, avait violemment interpellé Noël dans le bureau de direction. Il le menaçait avec son revolver. Il voulait discréditer l’agence auprès de tous les clients installés dans la salle d’attente. Ces derniers avaient pris la fuite. En réalité, c’était un membre actif du syndicat, qui une fois de plus, avait imaginé un plan pour saboter l’agence. C’était encore un montage. Mais celui-ci était loin de s’imaginer, qu’il était en train de menacer de son arme un Lieutenant de Police des Renseignements Généraux.- Lèves tes mains, espèce d’enculé !- Attendez, Monsieur ! J’appelle tout de suite le responsable !- Bouges pas connard ! Les chèques ! Donnes-moi les chèques de ma fille !- Mais voyons ! De quels chèques parlez-vous, Monsieur ? Calmez-vous ! J’appelle le responsable !- Fais pas le con ! Sors la caisse et donnes-moi ces putains de chèques !- Mais Monsieur ! Nous ne sommes pas la banque ! Nous sommes l’agence « Bob Zoltan » ! Si vous voulez des cheques, la banque est juste en dessous ! Au 14 ! Rue de Bretagne !- Ta gueule, enfoiré ! Donnes-moi tout de suite les chèques !Feignant d’appeler le poste du directeur de l’agence, Noël avait composé le 17 et avait laissé le téléphone décroché. Les Policiers écoutant le dialogue à l’autre bout du fil, Noël espérait bien que ces derniers réagissent rapidement. Ils étaient arrivés sur les lieux en moins de cinq minutes. Lors ce que le braqueur entendit hurler les sirènes de la Police, il paniquât complètement. Noël en profita pour se jeter sur lui et il réussit à le désarmer. Ce dernier avait pris la fuite. Il se trouva braqué à son tour devant l’entrée de l’immeuble, par les inspecteurs de la « BAC ». Menotté sans ménagement, il fut embarqué dans une Renault « Nevada » blanche, afin d’être conduit directement à la « PJ ». Tout le quartier incrédule assistait à la scène. C’était un vrai film.- Zoltan ! Viens donc avec nous ! Tu vas voir comment on conduit un criminel au poste !Les inspecteurs étaient des collègues de Noël. Ils démarrèrent sur les chapeaux de roues, faisant fumer le moteur et hurler la sirène. La « Nevada » filait à plus de cent à l’heure en se frayant un chemin entre les couloirs de bus. Elle prenait les contresens et brûlait tout les feux rouges. Arrivés au poste de Police, l’interpellé fut interrogé immédiatement. Expliquant d’abord qu’il ne voulait que récupérer les chèques qu’avait signée sa fille, il s’avérait qu’en fait, il n’était pas le père de la comédienne, mais juste son prof de théâtre. Il fut placé immédiatement en garde à vue. Après ce braquage, Noël avait fourni à Zoltan un « biper » miniature, reliés directement à la « BAC ». Au moindre nouveau problème, il lui suffisait d’appuyer sur un petit bouton pour prévenir la brigade. N’aimant pas beaucoup Noël, Didier de son côté prit quelques distances. Depuis quelques temps on le voyait de moins en moins à l’agence. Afin de prendre de l’ampleur, Bob embaucha d’autres bookers. Il fit venir Carole, la sœur aînée de sa meilleure amie Celia, qu’il n’avait pas vu depuis deux ans. Celle-ci était partie travailler comme mannequin à Londres ou elle s'était mariée avec Slim, un agent britannique du MI 5. Etant la fille d’un haut fonctionnaire français, responsable des Douanes, Carole avait le sale caractère d’une enfant gâtée. Comme elle ne s’entendait plus du tout avec son mari, elle s'était séparée de lui et avait demandé le divorce. Souhaitant louer un appartement à Paris, il lui fallait absolument un nouveau travail. Dans la foulée, Bob avait également embauché Michèle, une ex animatrice de télévision, avec laquelle il entretenait secrètement des relations amoureuses. Carole se disputait avec Michèle la place de la meilleure bookeuse de l’agence. En un mois, toutes deux pulvérisèrent tous les records de chiffres d’affaires, réalisant deux cent quatre vingt quinze mille francs. Carole était terriblement séduite par la personnalité ténébreuse de Zoltan. Néanmoins trop orgueilleuse pour oser lui avouer ses sentiments, elle se réfugia dans l’alcool afin d’oublier définitivement son mari. Un soir en manque d’affection, elle proposa à Zoltan de venir coucher avec elle à l’hôtel. Celui-ci déclina prudemment son invitation. Bien que Carole était superbe, il ne voulait surtout pas mélanger le sexe et le travail; en tout cas, pas avec elle. Zoltan, qui eut l’occasion de rencontrer Slim venu spécialement de Londres pour l’anniversaire de Celia, n’avait pas du tout apprécié la manière dont ce dernier avait été rabaissé cruellement pendant toute la soirée. L’odieux comportement de sa femme complètement saoule qui se conduisait comme une traînée, avait choqué les invités lorsque sur le coup de minuit, elle s’était enfermé avec lui près d’une demi-heure dans la salle de bain. Tout le monde avait entendu leurs ébats. Ce soir-là, ils quittèrent ensemble la réception, mais dès le lendemain, elle continua sa procédure de divorce. Zoltan qui avait une réelle affection pour Carole, essaya tout de même de garder des relations amicales avec elle, mais celle-ci contrariée de ne pas avoir eu ce qu’elle voulait, se renferma dans son travail. Vexée, elle estimait avoir été repoussée par Zoltan et par esprit de revanche, elle décida de séduire Jules. A l’agence, tous les employés jasaient de cette relation équivoque, mais pour Zoltan, seul le formidable chiffre d’affaires réalisé par Carole chaque mois était important à ses yeux. Impassiblement, il continuait à rester agréable avec elle. D’ailleurs question filles, il n’avait que l’embarras du choix. Plus belles les unes que les autres, ses copines qui lui rendaient quotidiennement visite, ne manquaient pas de déstabiliser encore plus cette pauvre Carole manifestement désorientée par l’indifférence de Zoltan.Chapitre XI. Le palliatif.L’été approchant, Marco Mornar devait se rendre comme chaque année, au prestigieux festival de Cannes. Tous les ans, il allait photographier les célébrités, pour le compte de son agence de presse. Etant le photographe attitré de l'agence, Marco invita Zoltan à l’accompagner.- Où vas-tu dormir, à Cannes ?- J’ai trouvé un appartement pas cher ! Je dois louer une bagnole, pour y aller !- Vas dans le quinzième, chez ma copine Julie ! Elle tient une agence de location ! Elle te fera un prix !- Qu’est ce qu’elle a, comme voitures ?- Des BMW, des Mercedes !- Elle a des Porsche ?- Je ne sais pas ! Mais elle a des BMW séries sept ! Avec le « GPS » et la télé intégré !- Il me faut au moins ça ! J’ai intérêt d’en jeter à Cannes ! Je n’ai pas envie de passer pour un photographe de merde !Cannes, saison 1998, quatrième jour du festival.Marco avait appelé Zoltan pour prendre de ses nouvelles. Il insistait afin que ce dernier vienne absolument le rejoindre au festival. Tous les soirs il était invité à des soirées monumentales, tandis que tous les jours il photographiait les plus grandes stars internationales présentes à Cannes. Marco voulait également se tenir au courant des rendez-vous photos pris par les bookers de l'agence. Après le festival, il aurait fort à faire pour rattraper son retard.- Salut Zoltan ! Comment ça va, à Paris ?- Bien ! On bosse ! Et toi, comment c’est passé ton voyage ?- Super bien ! Il n’y avait personne sur l’autoroute et j’ai roulé tout le long avec les warnings, à deux cent quarante sur la file de gauche !- Le festival se déroule bien ?- Tout Hollywood est à Cannes ! Tu viens ?- Pas encore ! Je viendrai sûrement pour la fin du festival !- Tu as tort ! Tu verrais la fête, ici ! C’est la folie !- J’ai demandé aux bookers de décaler ta séance photo d’une semaine ! Tu vas avoir du monde, à ton retour !- Ca va ? Ils ne te font pas trop d’histoires ?- Si, un peu ! Tu sais bien qu’ils ont besoin de leurs photos pour démarrer les castings !- Tu n’as qu’à leurs dire que leur photographe couvre le festival de Cannes ! Ca va les épater !- Oui ! C’est bien ce que j’ai fait ! Bon ! Allez, on se tient au courant !Paris. Avant-dernier jour du festival de Cannes.Cette fois-ci, c’est Zoltan qui appela Marco.- Salut, Marco !- Qu’est ce que tu fous ? Tu viens ou quoi ?- Je ne sais pas, j’ai trop de boulot ! En plus ce soir, je dois aller à un tournage !- Je m’en fous de ton tournage ! Amènes-toi ! Demain, il y a une très grosse soirée pour la clôture du festival ! Je vais te présenter aux boites de prod ! Tu vas pouvoir te faire pleins de relations !- OK ! C’est bon ! Je serais là demain !Devant se rendre au Cirque d’hiver, Zoltan savait que la soirée finirait tard, car c’était le tournage en direct d’une émission de variété de grande audience. L’agence avait envoyé plusieurs candidats au prestigieux concours du plus beau mannequin. En tant que son responsable, il se devait de personnellement représenter ses poulains, sachant que dès le lendemain à la première heure, il lui faudrait prendre l’autoroute pour Cannes. Il téléphona immédiatement à sa copine Julie. Lui aussi, souhaitait descendre au festival avec une voiture qui sortait de l’ordinaire. Julie lui avait proposé une Mercedes SLK grise avec interieur en cuir rouge. Il fit l’échange avec sa BMW et il retourna ensuite à l’agence. Tous les bookers étaient sortis pour voir la voiture. Ils voulaient tous monter à l’intérieur. Bob était également descendu.- Elle est super ! Dis donc ! Tu me la passeras, de temps en temps !- Viens donc avec moi à Cannes ! Tu pourras la conduire aujourd’hui !- Non ! Quelqu’un doit rester à l’agence ! Tu vas sur le plateau, ce soir ?- Oui ! Je viens ! Au fait ! Peux-tu récupérer Val ? Manon veut absolument monter dans la « SLK » ! Il n’y a que deux places !- OK ! Je passerai la prendre chez elle ! A toute à l’heure !Zoltan retrouva Bob, celui-ci discutait avec Zed qui était venu aussi. Toute l’agence au complet se trouvait dans les coulisses, avec le staff de la production. L’émission se passait en direct. Devant près de cinq millions de téléspectateurs, Victor, qui était envoyé par l’agence, remporta le prix du meilleur mannequin homme. Sa victoire était une excellente publicité pour « Bob Zoltan ». A la fin de l’émission, ils étaient tous invités au cocktail de la production et ils finirent ensuite la fête au « Bus Palladium ». Vers deux heures du matin, Manon pria Zoltan de la raccompagner. Elle ne voulait pas chercher un taxi dans le quartier. Celui-ci en profita pour s’éclipser, pensant à la route qu’il aurait encore à faire le lendemain. L’immeuble dans lequel vivait Manon se trouvait dans le dix-septième, juste à côté de l’hôtel « Concorde ». Lors ce qu’ils arrivèrent devant, Manon proposa à Zoltan de monter avec elle, pour boire un verre à son appartement. Il sentait bien qu’elle lui faisait du rentre dedans.- Tu n’es pas fatiguée ?- Non, ça va ! Tu viens ?- Je dois être à Cannes, demain !- Tu ne vas pas dormir, alors !- Je crois que je n’aurais pas le temps !- Allez ! Amènes-toi ! On ne va pas rester là !Manon avait une chienne. Il fallait qu’elle la sorte un moment à l’extérieur, afin qu’elle puisse faire ses besoins.- Sers-moi un verre, pendant que je descends Sarah !- Tu veux boire un whisky ?- Avec du coca, s’il te plaît ! A tout de suite ! Je n’en ai pas pour longtemps !Dix minutes plus tard, elle remontait à son appartement. Elle alluma des bougies, puis elle se déshabilla complètement.- Tu veux venir prendre une douche avec moi ?- ! ! ! ! !- Allez ! Viens !Dans la pénombre, Zoltan observait le corps de Manon. Celle-ci avait les traits de Romy Schneider. Bien que toute petite, elle était parfaitement proportionnée. Elle n’avait aucun défaut. Zoltan ne voulait pas résister à sa proposition. Il s’était déshabillé et rentra dans la douche avec elle.- Au fait ! Tu ne m’as jamais racontée comment tu es devenue voyante !- Quand j’étais petite, je m’amusais avec un jeu de Tarot ! Je prédisais l’avenir à mes copines et je me suis rendue compte que je tombais juste à chaque fois !- Et plus tard, tu as décidée d’en faire ton métier !- Oui ! D’abord, j’ai travaillé à mon compte, mais j’ai eu rapidement des problèmes avec les impôts !- Toi aussi ?- Tu connais quelqu’un, toi, qui n’ai jamais eu de problèmes avec le fisc ?... Non, hein ? Je me suis retrouvée avec un redressement fiscal de cinq cent mille francs ! Ensuite, j’ai eu ce contrat à la télévision ! Cela m’a permis de m’en sortir ! J’ai remboursé mes dettes, mais il ne me reste plus rien ! Alors, j’ai débarqué à ton agence ! Voilà toute l’histoire !- Comment se fait-il que tu vives toute seule ? Tu es une très belle fille ! Tu devrais être avec quelqu’un !- Merci !... Je vivais avec quelqu’un ! Mais il était maladivement jaloux ! On se disputait tout temps et je ne le supportais plus ! Alors, je l’ai quitté ! Et toi ?- J’ai eu un problème semblable !- Tu crois que tu vas pouvoir assurer, pour aller à Cannes ?- Il va bien falloir !- J’ai quelque chose qui va t’aider ! Tiens ! Prends ça !- Tu prends de la coke ?- J’aime bien ! Ca m’aide à réfléchir !- En tout cas, ça réveille !A six heures du matin, Zoltan quitta Manon. Sa coke lui avait donné un coup de fouet, mais il n’envisageait quand même pas, de prendre tout seul la route pour Cannes. Il décida d’emmener Zed avec lui. Quittant le dix-septième, Il dirigea la « SLK » en direction de la Place d’Italie. Zed avait un petit studio à la butte aux cailles. Mais comme manifestement, celui-ci n’était toujours pas rentré du « Bus Palladium », Zoltan l’avait attendu patiemment devant chez lui dans sa voiture. Finalement, Zed rentra à sept heures trente du matin. Il zigzaguait dans la rue et il était complètement défoncé.- Putain ! Ca fait une heure que je t’attends ! Tu étais ou ?- Hey ! Hey ! Zoltan ! Qu’est ce que tu fais là ? Je te croyais parti avec Manon !- Magnes-toi ! Prends quelques affaires, on se barre à Cannes !- Quoi ! Maintenant ?- Oui ! Maintenant ! Allez, Dépêches !- Attends ! D’abord ! Je roule un pétard ! On ne peut pas partir comme ça ! J’ai touché du Libanais rouge ! Tu vas voir ! Tu vas m’en dire des nouvelles !- Ecoutes Zed ! On a une soirée à assurer ! Tu feras ton joint dans la voiture ! Allez ! On y va !- Oh, la, la ! Tu as mangé du chien, ou quoi ?- Presque !Zoltan conduisait la « SLK » à plus de deux cent à l’heure. Aux environs de midi, ils avaient déjà dépassé Lyon. Malheureusement, l’autoroute du soleil était complètement embouteillée par les vacanciers. Alors qu’il dépassait sur la file de gauche, un véhicule qui tractait une remorque, déboîta à vive allure. Le conducteur se trouvait complètement déséquilibré et sa remorque se mit à rebondir contre le rail de sécurité. Zoltan qui arrivait à cent quatre vingt à l’heure, ne pouvait pas piler à cette allure. Il rétrograda en quatrième vitesse, puis en troisième, faisant hurler le moteur de la Mercedes. Il réussit à éviter le chauffard de justesse, en déboîtant par la bande d’arrêt d’urgence. En regardant dans son rétroviseur, Zoltan constatait que le véhicule fou, avait provoqué derrière lui un énorme carambolage.- Putain ! Freine ! ! !- Merde ! On a failli se tuer !- ! ! ! ! !- Non mais, tu as vu ça ?- Bordel de merde ! Il est complètement malade ce type !- On aurait pu ne jamais voir Cannes !- Roule doucement, maintenant !Une centaine de kilomètres plus loin, la colonne ne circulait plus. Dehors, il faisait bien quarante degrés et le bitume de l’autoroute commençait déjà à fondre. Heureusement, la voiture étant climatisée, les vitres fermées, c’était beaucoup plus supportable. Zed roula un autre joint. Il avait envie de prendre l’air.- Merde ! On se traîne !- Si ça continue, on n’arrivera jamais à temps !- On décapote ?- Le soleil va nous cogner la tête !- On s’en fout ! On va bronzer un peu ! Allez ! On décapote !En moins de trente secondes, le toit de la fantastique Mercedes SLK, s’escamota automatiquement dans le coffre et le coupé devint alors un cabriolet.- Et voilà le travail !- Mercedes, c’est la classe !- Au fait ! Tu l’as louée combien, cette bagnole ?- Julie me l’a laissée à sept mille pour un mois complet !- Ca fait deux cent vingt-cinq francs par jour ! Ca va ! Elle t’a fait un bon prix ! Ailleurs, tu aurais payé trois fois cette somme !- Oui mais Bob à déjà pris une Saab et Marco une BMW 740 ! On est tout de même de bons clients ! A nous tous, on lui lâche vingt mille francs par mois !- C’est quand même l’agence de location la moins chère de Paris !Jusqu’à Avignon, la colonne roulait à trente à l’heure. A partir de là, Zed pris le volant. Après Aix en Provence, l’autoroute s’était finalement débouchée et ils arrivèrent à Cannes vers dix huit heures. Le centre ville était noir de monde. La SLK longeait l’immense foule de curieux. Pendant qu’ils traversaient la croisette, des Policiers retenaient les badauds éloignés de la voiture. Tout autour d’eux, les journalistes faisaient crépiter les flashs de leurs appareils photos.- Tu as vu ça ! On est des stars !- J’ai la dalle !- Ouais ! Moi aussi ! On va tout de suite trouver un restaurant !- On doit d’abord se garer ! Regarde-moi ça ! Il n’y a de la place nulle part !- Vas au « Sofitel » ! C’est juste avant le port !Après vingt minutes, Zed et Zoltan avaient enfin trouvé une place de parking. La voiture garée, ils s’installèrent à la terrasse de « l’Ok Beach », un restaurant en bord de plage. Ils avaient commandé deux entrecôtes Maître d’hôtel, qu’ils arrosèrent avec une bouteille de vin de bordeaux grand cru. La fatigue de la route, le repas, le vin et la chaleur, les avaient presque assommés.- Je suis mort !- Moi aussi, je tombe par terre !- Appelle Marco !- J’espère qu’il est là !- Je crois que je vais aller nulle part, ce soir !- Tais-toi ! Ca sonne ! Allô ! Marco ?- Oui ! Je suis à Cannes, je suis avec Zed !- Zed est avec toi ? Vous êtes où ? Je commençais à m’inquiéter !- On est à « l’Ok beach » ! Tu viens nous chercher ? On t’attend ici !Chapitre XII. L’insomnie.Un peu moins d’une demi-heure plus tard, Marco retrouva ses deux amis complètement endormis.- Salut les gars ! Mais vous dormez debout, ma parole ! Racontez-moi ! Comment c’est passé le voyage ?- On a failli ne jamais venir !- Qu’est ce qui c’est passé ? Vous avez eu un accident ?- Un carambolage !- Non ! Comment c’est arrivé ?- Une voiture avec une attache remorque nous a coupé la route !- Vous-vous êtes accrochés ?- Non, heureusement ! Zoltan a assuré ! Il a évité l’accident au dernier moment !- Vous êtes garés ou ?- On a trouvé une place devant le Sofitel !- Bon ! Allez ! On va chez-moi ! Je suis garé en double file ! Récupérez votre caisse et suivez-moi !Marco avait loué un studio meublé auprès d’un particulier. Celui-ci lui avait demandé quatre mille francs pour une dizaine de jours. Arrivés chez lui, Zoltan et Zed lui racontèrent les détails du voyage, puis ils s’écroulèrent sur le lit, morts de fatigue.- Hé-ho ! Les gars ! On ne dort pas, là ! On doit aller à la soirée !- C’est pas possible, Marco ! On ne tient plus debout ! Et on n’a même pas dormi la nuit dernière !- Hé ! Hé ! Mes petits gars ! Voilà, voilà ! J’ai un excellent remède contre la fatigue ! Vous allez voir !Marco sortit de sa poche, une boite en plastique qui servait à ranger ses pellicules photos. Elle était remplie de poudre blanche. A l’aide de sa carte de crédit, Il prépara trois lignes sur un petit miroir et il coupa au ciseau une demi paille.- Ici, personne ne dort pendant tout le festival ! Comment croyez-vous que l’on tienne le coup en travaillant le jour et en faisant la fête la nuit ? La coke fait partie du jeu, c’est même un outil de travail ! Goûtez-moi ça ! Vous allez m’en dire des nouvelles !- C’est instantané ! C’est comme si j’avais dormi quinze heures !- A toi Zed !- Ca va déjà mieux !- Hé ! Hé ! Pas mal, hein ? A moi, maintenant ! Allez ! J’en fais trois autres !- Je pète le feu !- Ca, c’est de la Thérapie !- Et c’est parti pour la fête !Marco avait rendez-vous avec le grand patron d’une télévision musicale. Il devait le retrouver dans un grand hôtel, réservé entièrement par sa chaîne pour la circonstance. Lors de la soirée, il devait retrouver également Mina, sa copine qui lui fournissait son produit. La soirée commença au restaurant de l’hôtel. A force de se poudrer le nez, plus personne n’avait faim. La cocaïne avait coupé l’appétit à tout le monde !- Mangez, les gars ! Il va falloir tenir toute la nuit !- Je n’ai pas faim !- Moi non plus ! On a mangé, en arrivant !- Tout à l’heure, on est invités au Sept ! La chaîne nous a réservé tout le carré « VIP » ! Zoltan ! Je vais te présenter Philomène ! C’est elle qui est chargée d’accueillir sur le stand de la chaîne, toutes les stars présentes au festival de Cannes !La nuit continuait dans la bonne humeur. Zoltan était défoncé. Il regardait le spectacle de travestis, en sirotant une coupe de champagne. Finalement, la fête se termina à six heures du matin et il avait fait le plein de cartes de visite. Dès son retour à Paris, il pourrait contacter ses nouvelles relations, afin de leur proposer les artistes de son agence. Les différentes émissions produites par la chaîne, permettraient à Zoltan de faire tourner l’intégralité de son fichier. Il n’était pas venu à Cannes pour s’amuser, mais après tout, pourquoi ne pas joindre l’utile à l’agréable. Quel métier, tout de même. Après être enfin rentrés chez Marco, Zed roula un joint. Celui-ci allait permettre à tout le monde de s’endormir. Mais à neuf heures, il fallait déjà se lever. Marco était obligé de libérer le studio avant midi. Il devait ranger ses affaires avant de rendre les clefs. Le festival était fini, mais Marco avait encore un dernier shooting à faire, avec une superstar du cinéma américain. Pendant ce temps, Zoltan, Zed et Mina partirent s’allonger sur la plage. Ils se seraient bien tous endormis une heure ou deux sur le sable, si Mina n’avait pas proposé une autre ligne.- Allez les garçons, on va s’en envoyer une dans la voiture !- Quand on rentrera à Paris, je vais dormir une semaine !- Et dire qu’on va prendre la route ce soir ! Trois heures de sommeil en trois jours et trois nuits !- Et deux milles kilomètres dans la gueule !- C’est la folie !- Sans la coco, on n’aurait jamais pu assurer !- Ca devrait être remboursé par la « sécu » !Ils déjeunèrent sur la terrasse d’un restaurant de la croisette et passèrent toute l’après-midi au bord de l’eau. Marco les avait rejoint vers dix huit heures. A présent, il était temps de partir. Deux amis de Marco et Mina désiraient faire le voyage avec eux. Après avoir récupéré leurs bagages, le convoi se mit en route. Le voyage se passa sans histoire, car l’autoroute était presque entièrement dégagée. Pendant tout le trajet, les deux voitures traçaient la route à deux cent à l’heure. Ils avaient roulé toute la nuit et ils arrivèrent à Paris à cinq heures du matin. Marco proposa au groupe d’aller prendre le petit déjeuner dans un café.- Bon ! Je prends un café et ensuite, je vais directement me coucher !- Moi aussi ! Je n’en peu plus !- Allez, allez ! On termine la réserve ! Je vous préviens ! Je ne ramène pas de coke chez moi ! Maintenant, c’est terminé ! Jusqu'à l’année prochaine ! Ha-ha-ha !- Et c’est reparti pour un tour !- Oh-la-la ! C’est plus la peine d’aller dormir, maintenant !- Venez ! On va voir Bob à l’agence !- D’accord ! Mais pas sans lunettes noires !Bob était arrivé aux Templiers à dix heures du matin. Comme tous les matins, il prenait son petit déjeuner avec Michèle. Voyant la dégaine délurée des joyeux compères, il ne put s’empêcher de leur en faire la remarque.- Non mais vous avez vu vos têtes ?- Ca va ! Ca fait trois jours qu’on ne dort pas ! On a fait combien de chiffre, les deux derniers jours ?- Cinquante six mille !- Pas mal ! Il y a combien de rendez-vous photos, pour Marco ?- Ca va être terrible ! Il doit rattraper un retard de quinze jours de travail ! Les clients commencent à s’impatienter !- Tu as dit à tout le monde qu’il couvrait le festival de Cannes ?- Oui ! Ne t’inquiètes pas ! Bon ! Allez ! Je monte ouvrir l’agence !Zed décida de rentrer directement chez lui. Zoltan discutait avec Marco à propos de la prochaine séance photo qu’il devrait faire.- A ce propos, Zoltan, ça serait bien que tu me fasses un petit cheque ! Mon banquier va péter les plombs si je ne dépose pas tout de suite quelque chose sur mon compte ! J’ai claqué pas mal de fric à Cannes et mon agence de presse ne me paiera que dans un mois !- Tu as besoin de combien ?- Fais-moi une avance de vingt mille !Une semaine plus tard, afin de ressouder les relations fraîchement acquises à Cannes, Zoltan organisa une soirée privée au « Bash ». Afin de les remercier, il invita donc tous les membres de la direction de la chaîne de télévision, qui l'avait si aimablement accueilli à Cannes. Il espérait bien à cette occasion signer un contrat de partenariat et faire ainsi travailler les adhérents de son agence. Zoltan réserva donc le carré « VIP », mettant gratuitement une vingtaine de bouteilles d'alcool, à la disposition des maisons de production, ainsi que pour ses propres employés, Margot, Val, Pollux, Manon, Tony, Lydie, Jules et Tatiana, évidemment tous présents. Les meilleurs amis de Bob, ceux de Zoltan, également invités dans le prestigieux carré, le reste de la boite fut mis exclusivement à la disposition des adhérents. Triés sur le volet, seul le précieux « flyer » imprimé par l'agence, permettait à ces derniers d'accéder gratuitement à cette grande soirée tant convoitée. Leurs propres consommations restant naturellement à leur charge. L’incontournable ami Didier était même venu à la soirée, accompagné d’un sénateur. Zed déboula au beau milieu de la fête.« VIP » : Very important person.( personalité très importante )« Flyer » : Carton d'invitation nécessaire pour l'accès à une soirée privée.- Zoltan ! Viens ! Suis moi dans les toilettes !- Qu’est ce qu’il y a ?- Mate un peu ça ! J’ai ramené de la coke !- Zed ! Stoppe-moi cette merde !- C’est pour rendre la monnaie à Marco !- Ecoute-moi bien ! Maintenant, ça suffit ! On s'est tapé un délire parce qu’on était fatigué, mais faut savoir s’arrêter ! Fini, Cannes !- OK ! C’est promis ! C'est la dernière, mais on ne va pas la jeter quand même !- A partir de ce soir, plus de coke dans l’agence ! Compris ?- Oui patron !- Allez ! Va chercher Marco !La soirée ayant été très réussie, Zoltan parvint à faire embaucher une centaine de figurants dans une nouvelle « sitcom ». Zed respecta sa parole et arrêta d’acheter de la coke, Marco continua à se droguer avec Mina et il devenait plus nerveux de jour en jour. Quelques temps après, Zoltan changea de voiture. Il abandonna la « SLK » à Bob et loua la BMW que Marco avait prise pour aller à Cannes. Bob, qui remplaçait sans cesse ses véhicules, essaya pratiquement tous les cabriolets disponibles sur le marché. « Sitcom » : Situation comedy ( Feuilleton télévisé, basé sur un noyau de personnages, évoluant dans des situations comiques ).- T’as vu ma nouvelle cabrio ? C’est une Alfa !- Je préfère les quatre portes !- Moi, je la trouve terrible !- Bob ! Tu sais quoi ! Je pense qu’on devrait renouveler l'expérience du « Bash » plus souvent ! On pourrait organiser de grands concours, qui permettraient aux adhérents de se faire enfin connaître ! Les maisons de production feraient office de jury !- C’est une idée géniale ! D’ailleurs à ce propos, il faut absolument que je te présente le patron d’une boite, qui se trouve place Clichy !- Ah, bon ! Tu crois que c’est bien, Pigalle ?- Pourquoi pas ? Sa boite ne marche pas, pourtant à l’intérieur, c’est top ! On devrait lui faire une proposition pour des soirées !- Et c'est parti pour un contrat de partenariat !- On remplit sa boite et en échange, il nous donne dix mille Francs par spectacle !- On peut faire une soirée par semaine ! Ca nous fait une belle somme à la fin du mois ! Au fait ! Comment il s’appelle ton gars ?- Michel Stisch !- Dis-lui de venir nous voir !Enfant du « Sentier », Michel était associé avec Gérard, son frère aîné, qui dans l'ombre, prenait réellement toutes les décisions importantes. Celui-ci rencontra Zoltan et signa, enthousiasmé par leur future collaboration, qui s'annonçait fructueuse. Grâce au fichier de « Bob Zoltan », la boite ne désemplissait pas. Comme convenu, chaque fin de soirée de samedi, était ponctuée par une remise d'enveloppe, indifféremment à Bob ou à Zoltan. Jules organisait les défilés et les divers spectacles, comblant les adhérents heureux de pouvoir s’exprimer, sur la scène d'une boite pleine à craquer. Joignant l'utile à l'agréable dans ce vivier inépuisable, les directeurs de casting recrutaient à peu de frais les talents de demain. Quand à Bob et Zoltan, ils récupéraient un supplément en cash. Malheureusement, leur collaboration s’arrêta très vite, car Michel avait trempé dans une affaire de voiture volée. Il fut incarcéré à la Santé. Sa boite se retrouvant sans gérant, le contrat fut rompu.Ayant pris l’habitude de sortir ensemble après leur journée de travail, les employés de l’agence se retrouvaient tous les soirs à l’« Annexe », une boite de nuit du quartier de Beaubourg. C’était l’époque de la coupe du monde de football. La France avait gagné la finale contre le Brésil. Paris était envahie par la foule. On n’avait jamais vu ça. C’était le délire total. Les Parisiens d’habitude si froids, s’embrassaient dans la rue. Des bandes de jeunes, venus de banlieue fêter la victoire des bleus à leur manière se dressaient face à la police. A coups de « cocktails Molotov », ils incendiaient les voitures du centre ville. Mais malgré ces quelques incidents sporadiques, la majorité des gens défilaient pourtant dans la bonne humeur. « Et un ! Et deux ! Et trois, zé-ro ! » Des concerts de klaxons jouaient toute la nuit. Les trottoirs étaient envahis par des millions de confettis multicolores. Tout le monde parlait à tout monde. Le peuple était content de la victoire de ses héros champions du monde. Au petit matin, les balayeurs de la ville de Paris, avaient fait disparaître toutes traces de la veille. La vie reprenait tranquillement son cours.Chapitre XIII. Le voleur.Depuis quelques temps, de nombreux vols se produisaient à l’agence. A plusieurs reprises, les espèces disparaissaient de la caisse. Bob lui-même, s’était fait voler deux billets de cinq cents francs dans son portefeuille. Tout le monde se mettait à soupçonner tout le monde. Cette ambiance malsaine devenait intolérable. Il fallait réagir. Mais comment démasquer le coupable ? Excédé, Zoltan appela Denis pour lui expliquer la situation.- Alors ! Tu n’as toujours pas réussi à trouver le coupable ?- Je n’arrive pas à l’attraper !- Le pire, c’est que le voleur peut être n’importe qui ! C’est quand même dingue cette histoire ! Tes bookers sont pourtant bien payés ! Je n’arrive pas à comprendre !- Tout ça ne peut plus durer !- Tu as des soupçons ?- Oui ! Mais je crois qu’il y à un deuxième voleur qui profite de la situation !- Qu’est ce que tu vas faire ? Il faut trouver une solution ! Sinon, ça va complètement te pourrir l’agence !- Peux-tu me ramener un peu de ce produit indélébile, que vous utilisez sur les billets de banque afin de démasquer les voleurs ?- Tu sais, Zoltan ! Je n’ai pas le droit de sortir ce produit, mais donne-moi un billet et je te l’enduirai dans mon labo !Zoltan sortit de sa poche un billet de deux cents francs. Quelques jours après, Denis rapporta le billet à Zoltan dans un petit sac en plastique.- Fais attention ! Utilise ces gants ! Sinon tu auras les doigts tout rouges pendant une semaine !- Merci Denis ! A nous deux, mon salaud !Zoltan s’enferma dans la salle de bain. Il mit les gants en cellophane que Denis avait apporté et sortant de son sachet plastique, le billet enduit de produit. Il le plaça dans une des poches de son veston. Le piège était tendu. Comme personne à l’agence n’osait plus se séparer de ses affaires, Zoltan organisa un stratagème pour ne pas éveiller les soupçons du voleur. Il allait faire semblant de lutter avec Bob, ce qui l’obligerait à quitter sa veste. Cette situation inédite pour les employés attira l’agence au complet dans la salle de réunion. Au bout de cinq minutes de chahut avec Bob, feignant d’oublier sa veste, Zoltan retourna dans le bureau de direction. Après quelques minutes, il ne restait plus qu’à vérifier si le billet avait disparu et à démasquer le coupable. Comme prévu, le billet n’était plus dans la veste. Zoltan convoqua l’agence au complet dans la salle de réunion. Il expliqua à tout le monde son stratagème. A cet instant, Noël s’était levé, cachant ses mains dans ses poches. Il sortit de l’agence, furieux de s’être fait prendre la main dans le sac et avec ses propres armes. Le voleur, c’était lui. Le lendemain, il eut le toupet de se présenter à l'agence, mais Marco et bob avaient appellé le commissariat et Noël fut arrêté sur le champ. Pendant que Bob faisait sa déposition, il entendit Noël se faire tabasser par ses propres collégues dans la pièce d'à côté. Une heure après il était tout de même libre, mais après cette humiliation, il ne revint jamais à l’agence. Noël était un bon flic, mais étant alcoolique, il avait sans cesse besoin d’argent pour entretenir son train de vie. Il vivait au dessus de ses moyens et ce n’est pas son salaire de fonctionnaire, qui lui aurait permis de payer ses notes de comptoirs faramineuses. Malgré cela, Zoltan n'en voulu pas à Noël. Il se fichait pas mal de l’argent disparu, mais il devait bien montrer à ses employés qu’il était toujours le patron de l’agence. Ce soir-là, afin de tourner la page, il invita toute l'équipe aux « Templiers ».- Ha ! Ha ! Ha ! On l’a bien eu !- Tu as vu sa tête, quand il est parti ?- Il était rouge de colère !- Mais que fait la Police ?- Ha ! Ha !A ce moment précis, Didier, que l'on ne voyait plus depuis quelques temps, déboula théâtralement au café. Il avait ce don bien à lui, d’apparaître quand personne ne l’attendait.- Salut Zoltan ! Qu’est ce qui se passe ici ?- Didier ! Ou étais-tu passé ?- J’avais du travail et puis je te l’ai dit, Zoltan, je n’aime pas croiser Noël !- Tu ne risques pas de le revoir ici !Zoltan expliqua à Didier ce qui s’était passé et il lui raconta comment avec l’aide de Denis, il avait attrapé le voleur.- Je l’aime bien, Denis ! Bon ! Allez ! Je paie ma bouteille de champagne ! J’ai fait une super affaire ! J’ai acheté un tableau datant du quinzième siècle ! Je suis en train de le faire expertiser à Drouot ! Je suis certain qu’il vaut plusieurs millions !- C’est un tableau de qui ?- De Heing’ !- Heing’ ou Ingres ?- Oui ! Ing-res ! Je sais ! J’ai fait refaire toutes mes dents et j’ai du mal à parler !- Fait voir ! Ouah ! T’es bien comme ça ! Ca te changes vraiment ! Regardez tous comme Didier est devenu beau gosse, maintenant !- Je suis un prince, moi !Zoltan remarquait que Marco allait de plus en plus mal. Psychologiquement accro à la coke, il avait de plus en plus besoin d’argent afin de s’en procurer. Dans la foulée, il décida de monter sa propre agence. L’excès de drogue, le rendait complètement paranoïaque et il avait perdu tout sens de la réalité. Comme il voulait éliminer toute concurrence, il décida qu’il était temps de trahir Zoltan. Il lui demanda une avance de trente mille francs, puis il bloqua la livraison des photos qu’il avait réalisées pour l’agence. Sachant que Zoltan avait son procès en Octobre, Marco voulait lui donner le coup de grâce en provoquant cinquante plaintes supplémentaires. Il n’avait qu’une idée: Couler « Bob Zoltan » pour l’éliminer de son chemin. Afin de participer aux tournages, les adhérents de l’agence avaient besoin de leurs photos. Zoltan fut obligé de trouver d’urgence un autre photographe et de payer une nouvelle séance photo pour la cinquantaine de clients lésés. Jules connaissait un photographe nommé Olivier Ballard. Zoltan l'engagea immédiatement, mais par malchance, celui-ci étant un ami de Marco, refusa après avoir perçu ses honnoraires, de livrer à l'agence les photos des clients. Ceci était très fâcheux, car sans leurs photos, les clients ne pouvaient toujours pas commencer les tournages et ainsi gagner de l'argent pour créditer leurs comptes. La majorité d'entre eux, poussée par Olivier et Marco, décida d'annuler leur contrat et de se faire rembourser. Les paiements des contrats se faisaient quasiment tous par chèques et beaucoups de clients avaient déjà fait opposition à l'encaissement de ceux-ci. Zoltan n'avait plus assez de tresorerie, ayant déjà payé deux fois pour des photos qui ne lui étaient toujours pas livrées. Il s'agissait d'une bagatelle de presque trois cent mille francs de remboursement. Il fallait payer les salaires ainsi que l'URSSAF et les autres diverses taxes. Bien entendu, la banque n'accordait aucun découvert à Zoltan, alors que paradoxalement, elle attendait dix jours avant l'encaissement des chèques sur le compte de la société. Ce fut un moment vraiment pénible. Zoltan engagea un bras de fer, car il n'avait d'autre solution que de refuser les annulations. Il y allait de la survie de « Bob Zoltan ». Pourtant, Marco avait réussi son coup. Disposant des coordonnées de la cinquantaine de clients, il envoya ces derniers auprès de Madame Bohen-Solal, l'inspecteur de la brigade de la répression des fraudes, qui ravie de ce coup de pouce inespéré, collecta ainsi cinquante plaintes supplémentaires contre Zoltan.Afin de ne plus jamais avoir ce genre de soucis, Zoltan loua son propre studio de photo. Celui-ci faisait soixante mètre carré et il se trouvait à deux pas de l’agence. Il engagea Bernard Archer, un photographe très sympathique, qui lui demandait deux fois moins d’argent pour le même travail. Fou de rage, Marco envoya trois gorilles pour intimider les employés de Zoltan, qui déposa une plainte en demandant la protection de la police. Marco fut convoqué au poste, mais il raconta lors de son audition, que Zoltan faisait partie de la mafia serbe de pigalle ! L’inspecteur de police qui était chargé du dossier, refusa de se mêler de cette histoire, estimant que c’était une affaire entre la mafia du journalisme et la mafia du casting. Il signifia à Zoltan qu’en vertu de son origine yougoslave, il était assez grand pour se débrouiller tout seul, ne donnant aucune suite à sa plainte. C’en était assez. Voilà que sur fond de guerre serbo-croate, une simple petite querelle commerciale se transformait en affaire politique. Zoltan était indigné par la réflexion de l’inspecteur. Il avait immédiatement réagi en engageant deux agents de sécurité. Il fallait protéger l’agence, car entre lui et Marco, c’était à présent la guerre totale. Il fallait calmer les mécontents, continuer de recevoir normalement tous les nouveaux clients, étouffer également les scandales dans la salle d’attente et rassurer les employés. Les médias choisirent ce moment, pour lancer une campagne de presse sans précédent contre l’agence. En tout, dix-sept émissions de télévision. Les journaux, les radios, tous avaient décrété la mise à mort. Pourtant, tous ces hypocrites continuaient à travailler régulièrement avec le fichier de Zoltan. Mais ils obéissaient aux directives du puissant syndicat des professionnels du spectacle, soutenu lui-même par le ministère de l’économie et des finances. Armés du bras inique de la justice, ils avaient la loi de leur côté. A l’agence, c’était un véritable cauchemar. Certains adhérents inspirés par cette puissante armada, voulaient profiter de cette situation pour extorquer à l’agence d'énormes dommages et intérêts. Le chiffre d’affaire devenait quasi inexistant. Jules, le directeur de casting de l’agence, annonça son départ à Zoltan.- Alors ! Tu pars ?- Oui ! Je monte ma boite de prod !- Bon ! Il va falloir que je te trouve un remplaçant, pour recevoir les adhérents !- Tu n’as qu’à me remplacer par Carole, elle se débrouille bien !- Je vais voir !- Tu sais ! Zoltan, on continuera à travailler ensemble ! Si tu veux, ma société peut te sous-traiter le service casting. ! C’est la même chose, sauf qu’au lieu de me donner un salaire, tu paieras des factures !- Pourquoi pas ! On verra !Chapitre XIV. La désertion.Au départ de Jules, Bob se mit à paniquer. Tous les jours, il se donnait en spectacle en venant à l’agence complètement saoûl. Il ne faisait plus son travail correctement. Zoltan ne pouvait plus supporter son attitude. Il avait eu une sérieuse explication avec lui. Bob craignait des ennuis avec la justice et il profita de cette dispute pour démissionner. Il avait abandonné les problèmes à Zoltan. Après tout, il n’était pas le gérant. Michèle, qui vivait avec Bob, lâcha l’agence également. Tous les rats quittaient le navire. Comme si toute cette pression ne suffisait pas, l’agence subissait un contrôle en profondeur par l’inspection du travail. Le fonctionnaire, une certaine Madame Martinez, ne lâchait plus Zoltan. A plusieurs reprises, elle le convoqua à son bureau. Lorsqu’il se présentait, celle-ci n’était jamais à son poste. Afin de prouver qu’il s’était bien rendu à la convocation, il demandait un document pour attester de sa présence. Comme la réceptionniste refusait de le lui donner, il fut obligé de faire venir un huissier pour faire constater le vice. Exaspéré, Zoltan demanda à Didier de faire intervenir son ami sénateur. Madame Martinez fut contrainte de lâcher prise. Mais ce fut le directeur de la poste, qui bloquait à présent le courrier de l’agence. Il avait même réussi à lui égarer deux courriers recommandés. Zoltan avait menacé le directeur de la Poste, de déposer une plainte auprès du procureur de la République, si celui-ci continuait à le chicaner. Ensuite, ce fut au tour de l’inspection départementale du travail, de venir tracasser l’agence. L’administration ne cessait pas ses attaques. Malgré ces agressions, Zoltan n’abandonna pas son navire. Avec ses quelques fidèles, il résista à la pression. Pour cent quarante mille francs, il s’était payé les services de Maître Blitzman, le plus grand ténor du barreau de Paris. Grâce à sa notoriété, cette fois-ci, c’est lui qui fit repousser le procès de huit mois. Une gande chaîne de télévision envoya une caméra cachée à l'agence. Le journaliste véreux provoqua un scandale dans la salle d'attente, hurlant, bousculant même Zoltan, qui avait immédiatement mis le forcené à la porte. Lors du montage de l'émission, on présenta Zoltan comme un escroc, le visage flou et avec la voix volontairement trafiquée de façon négative. Le présentateur expliquant sans vergogne comment le gérant d'une agence d'arnaque, en réalité un sale type, mettait un client mécontent dehors, omettait bien évidemment de montrer le début de la scène et de préciser que le client en question était en réalité un journaliste de l'émission. Zoltan décida courageusement d’affronter le public et alla s’expliquer à la télévision, en exigeant un droit de réponse sur la même chaîne. L’émission était regardée par six millions de téléspectateurs. Elle avait battu tous les records d’audience. Cette fois-ci, le syndicat des professionnels du spectacle n’envoya aucun représentant. Armé de ses dossiers et des preuves de sa bonne foi, Zoltan expliqua au public, pourquoi le « star system » ne voulait pas de nouvelles têtes dans le circuit. Il expliqua aussi pourquoi certaines personnes voulaient faire couler son agence. Cette agence qui mettait sur le marché, des gens indésirables dans le milieu du spectacle. Tous ces gens que Zoltan faisait travailler et qui prenaient les tournages aux braves comédiens syndiqués. Ces gens ordinaires qui acceptaient souvent des rôles moins bien rémunérés et qui cassaient la loi du marché. Le syndicat des professionnels du spectacle ne voulait pas d’eux et c’est pour ça qu’ils voulaient absolument couler « Bob Zoltan ». Afin de pimenter le débat, le présentateur de l'émission avait invité Olivier Ballard, qui se présentait comme ex-photographe de l'agence. Zoltan n'en fit qu'une bouchée en expliquant preuve à l'appui, que ce dernier était avant tout un menteur cherchant à se faire de la publicté, et qu'il n'avait jamais été le photographe de l'agence « Bob Zoltan ». Qu'il n'était en réalité qu'un vulgaire petit voleur minable, qui avait encaissé son argent pour un travail qu'il n'avait jamais exécuté, ceci mettant fin à sa période d'essai, l'affaire étant d'ailleurs saisie au tribunal de commerce. Grâce à cette émission, Zoltan avait réussit à retourner la situation. Il s’était fait un maximum de publicité. Les clients revenaient enfin à l’agence et les jeunes l’acclamaient dans la rue. Zoltan avait enfoncé le mur et créé une brèche qui n’allait plus se refermer.Cette après-midi là, Zoltan reçut la visite de Michèle. Elle venait lui annoncer qu’elle allait quitter Bob. Comme elle ne voulait pas le jeter à la rue sans argent, elle demanda à Zoltan de racheter les parts de Bob dans la société, afin lui permettre de prendre un appartement.- Zoltan ! Je ne m’entends plus avec Bob !- Qu’est ce qui se passe ? Vous-vous aimiez bien, pourtant ! C’est à cause de l’argent ?- C’est un ensemble de choses ! Mais c’est vrai que je ne veux plus l’entretenir !- Mais que veux tu que j’y fasse ! Tu sais que j’ai mes propres problèmes !- Rachète-lui ses parts, afin que je puisse le dégager de chez moi !- Ecoute, Michèle ! Je n’en ai pas fini avec Bob ! Il m’a laissé dans la merde et je ne ferai rien pour lui ! Je le connais bien ! Je suis sûr que c’est lui qui t’a demandé de venir me voir ! S’il a quelque chose à me demander, qu’il le fasse lui-même au lieu de se réfugier derrière les jupons de sa femme ! Quand à toi, si tu as besoin d’argent, viens travailler ! Je veux bien te reprendre comme bookeuse !Michèle se mit à pleurer. Elle avait honte de mentir à Zoltan ou plutôt honte d’avoir été démasquée. Battant le fer tant qu’il était chaud, Zoltan l’invita au restaurant.- Tu veux aller manger ou ?- Japonais !- Ca tombe bien ! Je connais un restaurant Japonais, qui prépare d’excellents sushis !Afin de contrer le plan de Bob. Zoltan passa toute l’après-midi avec Michèle, en la faisant boire du champagne. Il savait qu’au bout de quelques heures, Bob serait fou de jalousie et qu’il se mettrait à douter d’elle. Lorsque le portable de celle-ci se mit à sonner, Michèle était tellement gênée par la situation, qu’elle avait raccroché au nez de Bob. Celui-ci était furieux. Il la rappela mais elle débrancha son téléphone.- Il va te faire une scène, ce soir !- Je m’en fous ! Je me sens bien ici, avec toi !Zoltan avait cerné Michèle. En lui montrant qu’il avait compris son plan, il se doutait bien qu’elle réagirait de cette façon. Elle aimait le luxe, mais ne le trouvait plus auprès de Bob. En fin d’après-midi, Zoltan la déposa devant chez elle. Le champagne l’avait complètement saoulée. Michèle l’embrassa avant de quitter sa voiture. Bob, qui avait quitté l’agence depuis deux mois, criait famine. Il avait monté une autre société en s’obstinant dans son idée d'école de séduction. Criblé de dettes, il voulait vendre ses parts de l’agence. Pensant récupérer de l’argent frais, il avait d’abord tenté d’envoyer Michèle, mais son plan ayant minablement échoué, il se résigna à venir voir Zoltan lui-même. Celui-ci lui demanda de le suivre dans sa voiture. Il ne voulait pas de témoins pour ce qu’il avait à lui dire.- Bob, espèce de faux cul ! Minable ! Lâche ! Tu me laisses assumer seul les problèmes devant le tribunal et à présent, tu as le culot de me demander de te racheter tes parts ! Tu n’as vraiment aucun caractère, mon pauvre ami !- J’ai besoin d’argent ! Etpuis, cette agence est aussi à moi !- Alors assume tes responsabilités ! Ce n’est pas en te saoulant tous les jours, que tu risques d’améliorer la situation !- Je me suis saoulé par ce que j’ai eu peur de devoir également rendre des comptes ! Je ne veux pas aller en prison ! Je ne veux plus de mes parts ! Rachète-les moi !- Espèce de traître ! Tu en as bien profité, de l’agence ! La frime ! Les belles bagnoles ! Mais dès que tu sens le vent tourner, tu abandonnes ton associé ! Ne t’inquiètes pas, va ! Si je dois aller en prison, j’irai comme un Homme ! Je ne te chargerai pas ! Je dirai que au Juge que tu ne prenais aucune décision ! Quand j’y pense ! En temps de guerre, si j’avais été blessé sur le front, tu m’aurais laissé crever comme un chien sur le champ de bataille !- Je me rends bien compte que je suis minable !- Je t’observe depuis que tu es parti ! Je savais que tu viendrais me voir ! Tu veux de l’argent ! Très bien ! Comporte-toi en Homme ! Mérite cet argent ! Quelle qu’en soit l’issue finale, assume tes responsabilités ! Reviens travailler à l’agence ! Mais ne viens plus jamais au bureau saoul ! Montre à tout le monde que tu es autre chose qu'une petite lopette !Zoltan avait un rendez-vous avec son banquier, pour négocier un découvert. Il montra à Bob la situation du compte. Les clients revenaient mais l’agence avait pris beaucoup de retard. Afin de rééquilibrer ses comptes, elle devait sortir huit cent mille Francs dans un délai d’un mois. Devant cette situation critique, Bob décida de se racheter. Il ne voulait pas passer pour un lâche. Il promit à Zoltan de s’investir totalement et de remonter le chiffre d’affaire.- Tiens Bob ! Voilà dix mille francs pour te remettre à flot. Et maintenant, au travail ! Tu arrives demain matin à neuf heures ! Briefing général à neuf heures trente ! Compris ! Tu me remontes complètement le chiffre d’affaire ! C’est uniquement ça, ton boulot ! Et surtout, n’oublies jamais ! Tant qu’on restera soudés, on sera indestructibles !- Merci Zoltan !Zoltan annonça à ses employés que Bob était de retour à l’agence et qu’il reprenait du service. Désormais, il serait leur directeur commercial. Certains voyaient ce retour d’un très mauvais œil, mais Zoltan était le patron et ses ordres étaient clairs. Michèle était également revenue booker à l’agence. Tout rentrait dans l’ordre. Bob travaillait enfin sérieusement et tout le monde voyait qu’il souhaitait réellement se racheter. Auparavant, il avait un complexe car il voulait être le patron. A présent, il acceptait son rôle de directeur commercial et il se sentait bien dans sa peau. Il avait simplement cherché sa place dans l’agence. Tous les matins à neuf heures précises, il était à son poste et organisait la réunion de bookers. Pour montrer l’exemple, Zoltan arrivait à neuf heures moins le quart. A force de pression, de discipline et de travail, l’agence explosa son chiffre d’affaire. Toute cette mauvaise publicité, était avec le temps devenue positive. Qu’on parle de vous en bien ou en mal, finalement, l’important est qu’on en parle. Car tant qu'on parle de vous, au moins vous existez. Bob et Zoltan avaient organisé le concours du meilleur chiffre d’affaire. Chaque mois, ils offraient une prime de dix mille francs nets au meilleur booker.Chapitre XV. La renaissance.En un mois, l’agence fit neuf cent mille francs de chiffre d’affaire. Le mois suivant, un million deux cent mille. Le mois d’après, un million trois cent cinquante mille. Le mois d’après, un million deux cent quatre vingt mille. Peu à peu, Bob retrouva sa position, ainsi que le respect des employés. Cette nouvelle pression, poussa de nouveau Zoltan à prendre de la coke. Il dormait peu et travaillait beaucoup. Au début, il en prenait de temps en temps pour ne pas craquer. Puis avec les nuits blanches, de plus en plus. A présent, le compte en banque disposait d’un crédit de deux millions quatre cent cinquante mille francs. Il fallait payer le retard des charges sociales, ainsi que celui de la « TVA ». Alors, Zoltan payait. Mais lorsqu’il signait les chèques, son stylo tremblait. Les sommes qu’il inscrivait sur ces chèques étaient astronomiques. Six cent trente mille Francs. Rien que pour la « TVA ». Après avoir payé tout le monde, il ne restait plus que deux cent quarante mille francs sur le compte. Zoltan était tellement écoeuré, qu’il plaça son salaire et celui de Bob à cinquante mille francs net par mois. Il lui loua une BMW noire et il lui offrit également une montre en or, un manteau en cachemire, un smoking, cinq costumes, dix chemises et trois paires de chaussures Anglaises. Il voulait montrer à tout le monde, que celui-ci était de nouveau son associé à part entière. Malgré le confort matériel, Bob ne s’entendait plus du tout avec Michèle. Celle-ci le rabaissait sans arrêt. Elle était complètement fascinée par Zoltan et elle ne supportait plus d’être la Femme du numéro deux. Michèle devenait de plus en plus provocante. Elle s’habillait avec des robes transparentes. Elle ne mettait que rarement des culottes, allumait littéralement le feu à l’agence. Bob ne maîtrisait plus Michèle, qui n’hésitait plus à l’envoyer balader en public. Elle faisait sans arrêt des allusions sexuelles à Zoltan, qui avait du mal à contenir ses ardeurs.- Bob ! Peux-tu tenir ta femme, s’il te plaît !- Je ne comprends pas ce qu’il lui arrive !- Explique-lui que toi aussi, tu es le patron de « Bob Zoltan » !- Je m’en fous de toute façon ! J’ai déjà fait mes valises !- Bob ! Je ne suis pas un pédé ! Michèle me provoque sans arrêt ! Si ce n’était pas ta femme, ça fait longtemps que… !- Je sais Zoltan !- Qu’est ce que tu comptes faire ? Ce n’est pas bon pour notre image auprès des employés !- Ecoute ! Je la quitte ! Je ne supporte plus son comportement !- Laisse moi lui parler ce soir !- Fais ce que tu veux !- Dès que j’ai fini de discuter avec elle, je te la ramène !- Tu peux même la baiser ! A présent, je m’en fous royalement !En fin de journée, Zoltan demanda à Michèle de l’accompagner dans son bureau. Il n’y avait plus personne à l’agence et il pouvait lui parler tranquillement. Comme il savait que Michèle aimait la coke, il s’était procuré une dizaine de grammes. Désirant amadouer cette petite sauvageonne, il sortit le paquet sur le bureau et il prépara plusieurs lignes. Michèle ne se fit pas prier. Ils s’envoyèrent à deux presque six grammes.- Qu’est ce qui se passe avec Bob ?- J’en ai assez ! C’est un faible ! Moi, j’ai besoin de quelqu’un de fort ! Comme toi !- Mais enfin ! Tu aimes Bob !- Il n’a aucun caractère !- Ne dis pas ça ! C’est lui qui s’occupe du chiffre d’affaire et il le fait très bien !- Oui ! Mais les décisions, c’est toi qui les prends !- Bob est mon associé ! Je ne peux pas lui prendre sa femme !- Je me suis trompée, c’est toi que j’aurais du choisir !- Ecoute ! J’ai pris une décision ! Je vais te donner un poste de directeur de casting ! Tu en as assez de booker et ça te fera du bien ! Je te donne un salaire fixe de quinze mille francs nets par mois ! Mais tu te calmes, avec Bob !Michèle voulait ce poste de directeur de casting. Ce salaire allait lui permettre de s’affranchir de Bob. Comme elle était complètement défoncée, elle se leva subitement et se jeta dans les bras de Zoltan.- Zoltan ! Prends-moi ici, sur ton bureau !- Michèle ! Ce n’est pas pour te sauter, que je te donne ce poste ! Allez ! Arrête ! Ce n’est pas raisonnable ! Je ne peux pas faire ça à Bob !- Peux-être que tu as raison ! Je vais rentrer alors !- Je te raccompagne !Quand Michèle arriva chez elle, elle trouva l’appartement vide. Bob était sorti boire un verre et il ne rentra que vers trois heure du matin. Celle-ci l’attendait afin de s’expliquer avec lui, mais il lui annonça qu’il allait partir. A bloc, Michèle savait être très persuasive. La coke faisait son effet. Elle l’attira dans le lit et se tortillant contre lui, elle réussit à le calmer. Le lendemain, Zoltan demanda à Bob de le suivre dans sa voiture.- Bon ! Alors ? Raconte-moi ! Ca c’est bien passé avec Michèle ?- Ouais ! Je ne sais pas ce que tu lui as fait ! Mais hier soir, elle a carrément changé de comportement ! Elle s’est même excusée ! On a baisé toute la nuit !- Ha ! Ha ! Je lui ai dit que vous étiez faits l’un pour l’autre !- Et tu lui as donné un poste à quinze mille Francs par mois !- Je sais qu’elle fera du bon boulot ! J’espère seulement qu’à présent, vous allez arrêter de vous engueuler ! Avec vos deux salaires et ta voiture de fonction, vous allez vivre comme des pachas ! Bon ! Je voudrais te faire voir quelque chose !- C’est quoi ?- Tu vas voir ! J’ai trouvé des bureaux super bien placés ! On va pouvoir s’agrandir !- Ca, c’est une bonne nouvelle ! C’est vrai qu’on commençait sérieusement à manquer de place pour les bookers ! Dis-moi ! Ils se trouvent où, ces bureaux ?- Je vais te montrer !Le local se situait dans le quatorzième, près de Montparnasse. A présent, avec le studio photo, l’agence disposait de deux cent quatre vingt mètre carré de surface commerciale. Avec plus de trente personnes travaillant pour eux, Bob et Zoltan étaient devenus millionnaires. Ils étaient invités partout, mais Zoltan devenait de plus en plus solitaire. A part au café des Templiers, il n’acceptait plus d’aller nulle part. Alors, c’était le tout Paris, qui venait lui rendre visite. Il était devenu le roi de la ville. Il était jeune, il avait énormément d’argent, il conduisait l’une des meilleures limousines au monde et surtout, il était entouré des plus belles femmes de la terre. Pourtant, à une semaine de Noël, Zoltan reçu un courrier de sa banque. Son conseiller partait en province et la direction avait décidé de fermer le compte société de l’agence. Le directeur de la banque ne voulait pas donner de chéquier à Zoltan. Il avait pris cette décision, car selon lui, l’agence avait mauvaise presse et il lui faudrait chercher un autre établissement. Zoltan payait toujours les salaires de ses employés le quinze du mois. N’ayant plus que neuf chèques à sa disposition, il décida de faire alors un retrait en espèces. Le directeur refusa, prétextant qu’il lui faudrait encore huit jours ouvrables pour créditer son dépôt et que Zoltan ne devrait revenir qu’à ce moment là afin de prendre son solde de tout compte.- Enfin Monsieur ! Dans huit jours ouvrables, ce sera le lendemain de Noël ! Vous n’avez donc pas de cœur ! Je n’ai pas encore payé les salaires du mois dernier !- Vous n'aurez votre argent qu'après Noël et pas avant !- J’ai plus de deux cent cinquante mille francs sur mon compte ! Alors, donnez-moi au moins cinquante mille ! Je leur ferai un acompte en attendant !- Cet argent ne sera crédité que dans huit jours ! Certains chèques de vos clients seront peut-être rejetés !- Mais cela fait déjà plus d’un an que nous sommes clients chez vous !- Les nouvelles consignes sont d’attendre onze jours ouvrables ! En tenant compte de la date du dépôt, cela nous amène au lendemain de Noël !- Ces deux cent cinquante mille francs sont fractionnés en petites sommes ! Vous ne prenez vraiment aucun risque en me donnant cinquante mille francs maintenant ! Allons ! Cette somme ne représente que le cinquième de ce que j’ai sur le compte ! C’est impossible que ces chèques soient tous rejetés !- Je sais très bien compter ! N’oubliez pas que c’est mon métier ! Je veux bien vous donner vingt-cinq mille francs et pas un sou de plus !- ! ! ! ! ! ! ! !- Alors, Monsieur ! Voulez-vous cette somme ?- Vous ne me laissez pas le choix !- Alors, je vous prie de passer à la caisse ! J’ai du travail à faire !Zoltan retira donc vingt cinq mille Francs en espèces. Le Noël des employés allait être frugal. Bob qui n’avait pas l’habitude de s’énerver facilement, explosa de colère. Il fit un énorme scandale dans la banque et il souhaita au directeur de s’étouffer avec un os de dinde pour le réveillon.- Le sale con !- C’est pas ça qui va motiver les troupes !- Ils ne vont pas comprendre à l’agence ! Ce mois-ci, on a encore fait plus d’un million de chiffre d’affaire ! Qu’est ce qu’on va leur dire Zoltan ? Ils vont se démotiver !- Attends ! Je vais trouver une solution, laisse-moi réfléchir !Comme d’habitude, le quartier du sentier était encore embouteillé. Ils avaient mis presque une heure pour revenir de l’Opéra. Heureusement, Zoltan avait trouvé une idée. Celle-ci allait permettre à tout le monde, de passer tout de même de bonnes fêtes de Noël.- Bob ! Ecoute ! On se paye nos salaires cela fait cent mille ! On retire l’argent de nos comptes et avec les vingt cinq mille que la banque nous a donnés, cela fait cent vingt cinq mille ! On peut donner des acomptes à tout le monde et on récupère notre argent après Noël !- OK ! Mais on se garde dix mille chacun !Avec ses tout derniers chèques, Zoltan paya son photographe, les agents de sécurité, la note du café des « Templiers », ainsi que le salaire des trois meilleurs bookers. Il demanda à ces derniers de rester discret devant les autres, puis il organisa une réunion extraordinaire et expliqua que ce mois-ci, ils seraient payés le vingt six. Les autres employés eurent tous un acompte et finalement, tout le monde pu réveillonner normalement.- Zoltan ! Il faut tout de suite chercher une nouvelle banque !- Je me demande qui peut bien être derrière tout ça !- Il va falloir trouver très vite une solution ! On ne pourra pas tenir longtemps sans compte en banque !Fernande, la propriétaire des « Templiers » était rentrée de Corse. Comme Zoltan dépensait chez elle énormément d’argent, elle lui donna un petit coup de pouce. Elle lui présenta Lucile, qui travaillait avec des banques privées. Grâce à cette relation, Zoltan et Bob purent ouvrir un nouveau compte. Ils allèrent à leur ancienne banque récupérer leur solde de tout compte.- Bonjour Monsieur ! Nous venons chercher notre argent !- Voici ! Je me demande qui va accepter de vous ouvrir un nouveau compte ?- Ne vous inquiétez pas pour nous, on a déjà trouvé une autre banque !- Je suis surpris !- Au lieu d’être surpris, vous feriez mieux de nous dire qui est derrière tout ça !- J’ai reçu des consignes de très haut ! Mais je n’ai pas le droit de vous en parler !- Alors, bon vent !Grâce à Lucile, l’ouverture du nouveau compte s’était bien passée. Ils faisaient leurs dépôts et tout se déroulait normalement. Mais après un mois, les ennuis recommençaient. Malgré les sommes considérables qui étaient déposées, la nouvelle banque les expulsait également.- C’est pas possible !- Il faut immédiatement trouver le responsable de tout ça ! Il nous faut impérativement découvrir qui tire les ficelles !- C’est sûrement quelqu’un qui fait pression ! Mais qui-donc peut-il avoir autant de poids ?Chapitre XVI. La guerre froide.Encore une fois, Zoltan alla voir Fernande. Celle-ci appela immédiatement son amie Lucile.- Ecoute, Zoltan ! Je suis au courant ! Ce n’est pas grave ! Je t’ai dit que tu aurais ton compte ! Je t’ai déjà arrangé un rendez-vous avec le directeur d’une autre banque ! Tu as rendez-vous Jeudi matin à neuf heures !- Tu viendras avec moi ?Bien sur ! Ne t’inquiètes pas ! Tout va bien se passer !Cette nouvelle banque accepta de leur ouvrir un compte, mais celui-ci fut de nouveau fermé le mois suivant.- Cette fois-ci, je vais tuer quelqu’un !- Mais qu’est ce qui se passe ?Enervée, Fernande appela de nouveau Lucile, qui arriva immédiatement. S’étant renseignée, elle donna à Zoltan une explication effarante.- Zoltan ! Tu es d’origine Yougoslave ?- Oui ! Et alors !- J’ai entendu que « l’OTAN » va entrer en guerre contre la Serbie !- Qu’est ce que ça avoir avec moi ?- Actuellement, le bruit court que les banques françaises ont reçu du gouvernement, la consigne de fermer les comptes banquaires, des ressortissants Yougoslaves propriétaires de sociétés !- Mais, je suis de nationalité Française, moi ! Toute ma vie, j'ai vécu ici ! Ma famille vit en France ! Pourtant, à présent, je ne sais plus si je dois encore me considérer comme étant Français !- Tu sais Zoltan, moi aussi je trouve ça bien dégueulasse ! Surtout, ne t’inquiètes pas ! Je trouverai une solution !Finalement, c’est à deux pas de l’agence, qu'une banque accepta d’ouvrir un compte à Zoltan. La directrice était une vieille amie de Lucile. Elle lui garantit qu’elle ne se laisserait intimider par aucune pression de l’extérieur. Zoltan reçu un chéquier société, ainsi que deux cartes « Premier ».Ecoeuré, déprimé et pour le moins déboussolé par cette crise d'identité, Zoltan alla se changer les idées chez Zed. Il souhaitait faire un break.- Salut Zed ! Trouves moi de la coco, s'il te plait !- Mon voisin en a ! Attends-moi ici, je vais te la chercher ! T'en veux pour combien ?- Tiens ! Voilà deux milles balles ! Je veux quatre grammes !- Je reviens tout de suite !Zed n’avait qu’à traverser son palier pour trouver n’importe quelle drogue. Cinq minutes plus tard, il revenait déjà à son appartement.- Voilà ta poudre ! Payes ton rail !- Sers-toi !- Elle est bonne, cette coco ! C’est de la balle ! Qu’est ce qui t’a fait changer d’avis, je croyais que tu ne voulais plus toucher à ça !- J’en ai vraiement marre, là ! Avec toute cette pression, j’ai simplement besoin d’un remontant !Zoltan expliqua à Zed qui n’en croyait pas ses oreilles, ce qui c’était passé avec les banques. Le racisme dont il était victime lui avait fait beaucoup de peine. Aimant profondément la France, depuis toujours, il était persuadé au fond de lui d'être un vrai Français. Il était tombé de bien haut.Cette dernière illusion balayée, Zoltan contre-attaqua en rappelant son fichier de mannequins au grand complet; ceci afin d'innonder toutes les maisons de productions de Paris de ses modèles. Bien déterminé à mettre la pression maximale, il allait saigner à blanc toutes les agences de mannequins, en cassant les prix pratiqués sur le marché par ces dernières. Il invitait chaque jour une nouvelle copine à déjeuner; chacune d’elles lui présentant à son tour d’autres filles plus belles les unes que les autres. Les plus beaux mannequins venaient à présent visiter Zoltan et très rapidement, le café des Templiers devint l'un des endroits les plus branché de Paris. En professionnel expérimenté, Jean-Charles, un vieil aristocrate portant le titre de Conte et ami de la grande famille corse à qui appartenait le café, ayant depuis longtemps toute sa confiance, gérait admirablement le commerce. Malheureusement gravement malade car atteint d’un cancer, il devait régulièrement se rendre à ses séances de chimiothérapies. Afin de l’aider à tenir le café, la patronne s'était personnellement déplacée de Corse. Fernande se lia très vite d'amitié avec Zoltan, qui entretenait le prestige de l'agence en organisant chaque soir des fêtes mémorables. Des dizaines de bouteilles de champagne coulaient à flot. Pouvant toucher ainsi du doigt le monde magique du « show-biz », les adhérents, ravis d'approcher de près ce faste, s’inscrivaient toujours plus nombreux à l’agence. Avant l’arrivée de « Bob Zoltan » dans le quartier, le café, comme beaucoups d'autres commerces de la rue, marchait très mal. Celui-ci se trouvait placé entre une boutique de vêtements qui avait déjà férmée ses portes et une banque, que son directeur projetait secrêtement d’agrandir en rachetant à peu de frais « les Templiers » au bord de la faillite. Le banquier se voyait déjà faire la jonction avec le commerce vacant, mais grâce à la nombreuse clientèle de Zoltan, Jean-Charles avait magistrallement redressé la situation. Plus de deux cent cinquante mille Francs par mois rentraient à présent dans sa caisse, ceci seulement avec les clients venant de l’agence. Ce remue-menage ne manquait pas d’attirer la curiosité de tout le voisinage, augmentant encore plus le chiffre d’affaires de Fernande. Tous les bars du quartier courtisaient Zoltan. Mais il provoquait aussi beaucoup de jalousies et d’inimitiés. Surtout de la part du directeur de la banque, qui avait du mettre une croix sur ses projets d’agrandissement. Il était furieux, car depuis un an, c'était lui qui avait poussé à la faillite la boutique de vêtements. Le gérant de celle-ci, pour son malheur, avait ouvert son compte société chez lui et se voyait systèmatiquement refuser toute autorisation de découvert. Ne pouvant payer à temps ses charges, il subit une mise en liquidation en règle de l'« URSSAF ». Le plan machiavélique du banquier n'ayant donc servi à rien, ce fut la « FNAC » qui racheta finalement la boutique de vêtements. A ses débuts, Fernande avait elle aussi un compte chez lui, mais ne sentant pas le bonhomme, prudente, elle alla également ouvrir un compte dans la banque concurrente de ce dernier, se trouvant juste de l'autre côté de la rue, évitant ainsi le même piège dans lequel était tombé son infortuné voisin.A l'occasion des fêtes intarissables qu'il organisait, Zoltan mélangeait à son bon vouloir star et anonymes. Pas une seule maison de production n’échappait à l’attraction de l’agence. Zoltan avait le monopole absolu et il travaillait même avec des sociétés Italiennes, Anglaises et Américaines. Assenant un coup fatal à la plupart de ses concurrents, aucune agence de casting n’avait survécu. Les agences de mannequins elles-mêmes commençaient à perdre leurs plus gros clients. Jules, qui était parti travailler pour son propre compte, ne réussit pas à s’entendre avec son associé. Il proposa à Zoltan de revenir à l’agence et de rejoindre Michèle au poste de directeur de casting. Zoltan, connaissant le potentiel relationnel de Jules et ne souhaitant pas se faire un ennemi supplémentaire, accepta donc de le reprendre à son service. Par ailleurs, depuis l’ouverture de la seconde agence, il avait de moins en moins de temps. Il engagea Anita, un mannequin d’origine Serbe, au poste de responsable pour les relations extérieures. Anita était mariée à un écrivain Italo-belge, qui était également journaliste politique. Grâce à son mari, celle-ci connaissait des célébrités, des intellectuels, des ambassadeurs et des hommes politiques. Désormais, l’agence disposait d’une armada de directeurs de casting. Jules avait la lourde responsabilité du département cinéma et télévision, Michèle évoluait dans le département de la mode et Lydie était chargée de distribuer les castings aux adhérents dans la nouvelle agence. Depuis l’arrivée d’Anita, devenue nouvelle favorite de Zoltan, Carole se sentait complètement délaissée. Maladivement jalouse, peut-être par ce qu’Anita avait les mêmes origines que Zoltan, au fond, elle ne savait pas ce qu’elle voulait réellement. Tout en se refusant d’admettre qu’elle puisse être secrètement amoureuse de lui, elle refusait le fait de ne plus être le principal centre d’attraction de l'agence. Elle lui demanda de la licencier. Zoltan refusa, mais celle-ci ne venait carrément plus à son travail. Sans le prévenir, elle était partie quinze jours pour New York. Il n’avait plus le choix. A contrecœur, il fut obligé de licencier Carole, pour abandon de son poste de travail. Dévoré constamment par une ambition quasi obsessionnelle, Zoltan n’était jamais satisfait de l’agence. Il désirait faire grossir la société le plus possible. Il alla trouver Bob. Il souhaitait avoir une conversation avec lui.- Bob ! Viens, on va prendre un verre !- Attends j’ai un rendez-vous !- Donnes-le à un booker, allez viens !- Tu veux aller ou ?- Viens, on va discuter !- Bon, d’accord ! Qu’est ce qu’il y a ?- On en a fait, du chemin !- L’agence marche bien !- Tu vois ! Chacun de nous a trouvé sa place !- Oui ! J’aime bien le commercial ! Toi, tu as toujours préféré le casting !- Bob ! Sans le casting, tu ne pourrais pas booker les gens ! Il faut les faire tourner, c’est ça, le véritable nerf de la guerre ! Combien on a d’employés à présent ?- Trente ! Avec nous trente-deux !- Il faut encore moderniser notre système !- Comment ?- On va créer une école de théâtre !- C’est une bonne idée ! On va pouvoir attirer encore plus de monde !- Il nous faut un professeur pour la formation !- Jules pourrait faire ça ! Il a suivi des cours dans l’école la plus cotée de Paris !- Jules est trop précieux comme directeur de casting ! Il nous trouve des centaines de tournages par mois ! Non ! Il faut quelqu’un d’autre !- On pourrait demander à Laurent, il a travaillé pour la femme de Didier !- Oui, c’est un régisseur ! Il connaît bien le métier !- Il faut trouver un lieu pour dispenser les cours ?- Didier pourra peut-être s’arranger avec Sissi, pour qu’elle nous loue son théâtre de temps en temps !- Oui ! De toute façon, en ce moment, je crois qu’il est fermé ! Nos meilleurs élèves pourraient même jouer une pièce sur scène !- Et on récupérerait un pourcentage sur les entrées !- Génial !- Allez ! Ce soir, on invite Didier et Laurent au restaurant !Laurent accepta immédiatement de donner des cours pour l’agence, mais il était en mauvais termes avec Sissi. Didier refusa de s’en mêler.- Didier ! Il nous faut absolument ce théâtre ! Fais quelque chose !- Ecoutez, les gars ! Sissi ne veux plus voir Laurent et vous savez que je ne vis plus avec elle ! De toute façon, elle refusera de travailler avec vous !- Son théâtre ne marche pas bien, ça lui ferait gagner de l’argent !- Mais elle s’en fout, du fric ! Elle est pétée d’oseille ! En plus de ça, elle ne travaillera jamais avec une agence de casting !- Tu pourrais au moins essayer !- Ca ne sert à rien !Laurent eu une idée géniale. Il connaissait un café-théâtre qui pourrait faire l’affaire. Le patron accepterait de leur prêter la scène, en échange de la recette que lui apporteraient les nouveaux clients dans son café. Le lendemain, ils allèrent ensemble visiter les lieux et ils trouvèrent un compromis avec le propriétaire. Ce nouveau département allait leur donner encore plus de prestige. Après avoir lancés la nouvelle publicité ils avaient inscrits presque cinquante personnes au cours. Laurent prenait son travail à cœur. Il avait écrit une série de sketches courts, qu’il alternait avec plusieurs chansons Françaises traditionnelles. Grâce à ces cours de théâtre, les adhérents de l’agence purent obtenir quelques petits rôles supplémentaires auprès des maisons de productions. Laurent organisa un spectacle par semaine et chaque samedi, le café-théâtre était plein à craquer.Chapitre XVII. Les Hommes de l’ombre.De plus en plus de personnalités venaient à l’agence. Ce matin-là, Zoltan recevait la visite d’un multimilliardaire. Minos Rastapoulos. Un riche armateur Grec, qui était le propriétaire de plusieurs pétroliers et qui possédait également une banque privée. Il venait à l’agence pour rencontrer les principaux actionnaires d’une chaîne de télévision par satellite. Le contrat se chiffrait à plusieurs milliards de Francs, car il était question de racheter les droits de diffusion sur toute l’Europe de l’est. Si cette affaire se faisait, Zoltan prendrait plusieurs millions de Francs de commission pour l’agence. Le contrat prévoyait également, qu’il pourrait produire sur le réseau, sa propre émission de télévision. L’échéance de son procès se rapprochait et Zoltan voulait montrer au tribunal que son agence engageait elle-même ses adhérents. Il pensait ainsi se sortir d’affaire. L’ingénieur qui avait programmé le satellite, assistait également à la négociation de l’affaire. C’était un informaticien parfois embauché par l’état, pour casser les programmes informatiques étrangers. Inexorablement, le casting menait Zoltan vers les services secrets. La négociation dura toute la matinée et Zoltan invita ensuite tout le monde à déjeuner chez Rolande. Bob ne maîtrisait plus rien. Il préféra se réfugier dans son travail de directeur commercial. Toute la négociation de cette opération le dépassait complètement.- Zoltan ! Tu politises l’agence !- Comment penses-tu que je vais m’en sortir au procès ? Il faut que l’on devienne important, pour qu’on nous fiche la paix !- C’est quand, déjà ?- Dans trois mois !- Ca va marcher, ce contrat ?- On aura la réponse cette semaine ! Si cette affaire se déroule correctement, on pourra faire tourner tout notre fichier dans notre propre production !Peu de temps après, Bob avait booké Hector Duval. Celui-ci était le fils unique du Général en chef de l’armée, qui commandait le « SIRPA », le service d’information et de renseignement de presse de l’armée Française. Hector travaillait pour Balthazar Séraphin, un ami de son père, qui était lui-même un milliardaire, propriétaire d’une énorme usine de jouets. Hector avait réussit à convaincre celui-ci, de créer avec lui une société de production. Ils organisaient une soirée de lancement pour l’ouverture de celle-ci et ils invitèrent Zoltan à venir. Le gala se passait au Rond Point des Champs Elysées. Comme Hector était inscrit à l’agence, Zoltan lui donna un coup de pouce. Grâce à ses relations, il avait obtenu par un ami brasseur, cent bouteilles de champagnes gratuites pour sa soirée. Mais si Hector s’était inscrit à l’agence, c’était surtout pour espionner toutes les méthodes de travail de Zoltan. Il s’intéressait de près à l’énorme chiffre d’affaires réalisé par sa société. Il se demandait comment il était possible d’accomplir un tel exploit, ceci sans le moindre capital de départ et avec simplement une simple « SARL » à capital variable. Comment cette agence avait-elle bien pu rafler le marché du casting, au nez et à la barbe de tout le monde ? Beaucoup d’hommes d’affaires étaient très impressionnés par cette réussite fulgurante et la position de Zoltan suscitait pas mal de jalousies. Tous tentaient sans arrêt de débaucher son personnel, mais aucune de leurs sociétés ne possédait la même ambiance. Cette atmosphère très particulière et exclusive à l’agence « Bob Zoltan ». C’était comme une famille. Elle avait ses amitiés, ses amours, ses trahisons. Qui travaillait pour l’agence « Bob Zoltan », n’avait pas l’impression de travailler. D’ailleurs, après leur travail, les employés n’arrivaient pas à avoir une vie privée. Leur vie privée, c’était l’agence. Lors ce que certains d’entre eux ne suivaient plus le rythme, Zoltan les envoyait une semaine en vacances. A leur retour, ils étaient pressés de retourner à leur travail. Celui-ci remplissait totalement leur vie. Avec l’agence, ils se sentaient important. Minos Rastapoulos contacta Zoltan. Il n’avait pas fait l’affaire avec le satellite car le contrat cachait un piège. Les actionnaires de la chaîne de télévision n’en étaient plus les propriétaires légaux. La société était à présent en liquidation judiciaire. Pour sauver les emplois, c’était l’état qui avait mis la main sur la chaîne. Mais Zoltan n’abandonna pas ses projets de réalisation. Il proposa à une maison de production de réaliser un tournage permanent dans son agence. Une sorte de « reality-show », ou les bookers et les adhérents, seraient constamment filmés. Il se passait tellement de choses dans cette agence qu’il n’y avait pas besoin de scénario. L’idée lui fut volée, pour être reprise quelques temps après par les chaînes de télévisions. Décidant également de créer un département musical, il élabora un partenariat avec le propriétaire d’un studio d’enregistrement. En association avec ce dernier, il proposait désormais l’enregistrement de « masters » à des artistes débutants.Masters : Enregistrement sur une bande sonore originale, utilisé pour la duplication des disques.Leurs morceaux étaient mixés, gravés et livrés sur « CD ». L’agence était en partenariat avec plusieurs radios « FM ». Zoltan passa un accord avec elles et ils organisèrent ensemble le passage de ses meilleurs artistes sur les ondes. Il avait permis ainsi à nombre d’artistes de banlieue, de se sortir de l’ombre. De plus, la majorité des tournages de leurs « clips » musicaux, passait désormais par l’agence. Dino, le mari d’Anita fit son apparition. En tant qu’écrivain, il avait beaucoup de temps libre à sa disposition. Il recherchait la fréquentation de Zoltan, ceci afin de l’entraîner avec lui dans ses idéaux politiques; comme beaucoup d'autres, espérant profiter de la manne financière de l'agence. Ce matin, il était spécialement venu le voir pour lui demander un service.- Zoltan ! Puis-je utiliser ton fax ? J’ai un papier à envoyer !- C’est pour qui, ce fax ?- Cette semaine, le Pape « Jean-Paul II » projette de canoniser « Stepinac », un ancien Evèque Croate « Oustachi », qui fut collaborateur actif des Allemands nazis pendant la dernière guerre mondiale. Serviteur fidèle de la politique de l'église Catholique de Rome, qui à l'époque fermait sinistrement les yeux sur les agissements démonniaques d'« Hitler », sa grande rivalité religieuse avec les orthodoxes fut instigatrice de la déportation et du massacre de milliers de Serbes et de tziganes, dans les camps d'extermination « SS » ! Regarde ! J’ai fait un article dans « Libé » ! Je voudrais l’envoyer en Italie pour un grand journal, « Le courrier du soir » !- Donnes-moi ton article ! Je vais l’envoyer sans tarder sur du papier en tête de l'agence !- Merci beaucoup ! Que fait Anita, aujourd’hui ?- Elle organise un casting, pour une opération d’hôtesse !- Sais-tu que « l’OTAN » va entrer en guerre contre la Serbie ! Il va y avoir un sommet à Rambouillet, qui n'est que de la poudre aux yeux pour donner le change à l'opinion ! Tout est malheureusement déjà décidé d'avance et programé afin de donner l'illusion que si la guerre éclate, c'est uniquement à cause de la mauvaise volonté des Serbes- Je sais Dino ! Mais la guerre ne m’intéresse pas ! J’ai bien assez de mes problèmes avec l’agence !- Tu ne t’es jamais dit que si tu avais autant de problèmes, c’est que toi aussi tu es d’origine serbe ?- Je suis au courant de tout ça !- Tu sais que je suis journaliste ! J'ai constaté que beaucoup de sociétés tenues par des Serbes, font l’objet de contrôles et subissent des pressions !- Et alors ! Je suis Français, moi ! Du moins, je le croyais !- Tu vois bien ! Pour eux, ça ne compte pas ! Tu n’as pas eu des problèmes, avec ta banque ?- Bien sur que j’en ai eu ! Pourquoi tu me demandes ça ? Ou veux-tu en venir ?- L'imminence des bombardements sur la Yougoslavie, par la coalition militaire occidentale dont fait partie la France, fait craindre aux dirigants, que l’argent des sociétés appartenant aux Serbes, ne finisse par servir contre elle ! Je suis sans équivoque contre ces bombardements ! Quand la guerre commencera, je partirai sur le champ pour Belgrade !- L'occident n'à attendu que la mort de Tito pour destabiliser les Balkans ! De son vivant, jamais ils n'auraient osés s'attaquer à la Yougoslavie ! A présent que les Républiques se disputent le pouvoir, il est plus facile de diviser pour mieux régner ! Tu crois qu’Anita voudra retourner vivre là-bas ?- De toute façon, on ne s’entend plus très bien ! Tu sais ! Elle est invivable !- Ah, bon ?Pendant qu’il discutait avec Dino, Virginie, une des copines mannequins de Zoltan, arrivait au café. Elle venait lui rendre visite et lui proposer de sortir ce soir. Dino, qui était apparemment attiré par les jolies filles, la regarda avec insistance.- Salut, Vigie !- Salut, Zoltan ! Comment tu vas ?- Tutti va bene ! Virginie, Je te présente Dino ! Il est journaliste politique et c’est également un écrivain !- Ecrivain et philosophe ! Bonjour ! Vous êtes charmante, mademoiselle !- Merci ! Enchantée !- Tu as déjeuné, Vigie ?- Non ! Je pensais déjeuner avec toi ! Mais j’ai juste une heure, car après, j’ai un casting chez « Guerlain » !- Ne t’inquiètes pas ! Je te déposerai en voiture ! Tu restes avec nous Dino ?- Oui-Oui ! Je veux bien !- OK ! Jean-Charles ! Dis-nous ! Qu’est ce que tu as préparé aujourd’hui, pour déjeun......Oh ! Mais regardez qui arrives ! Sam ! Bella regazza ! Qu’est ce que tu fais la ?- Bonjour ! Zoltan ! Ca va ?- Quelle surprise ! Viens t’installer avec nous ! On va tous déjeuner ensemble ! Tu connais déjà Virginie ! Je voudrais également te présenter Dino ! Journaliste politique et heu...! Ecrivain et ... philosophe !- Bonjour mademoiselle ! Je suis ravi de faire votre connaissance !- Bonjour monsieur ! Salut Virginie ! Comment ça va toi ?- Je vais bien ! Tu es enfin de retour d’Afrique du sud ! On va pouvoir se faire une fête !- Je suis juste rentrée hier !- Comment c’est passé ton tournage ?- Très bien ! Je suis très contente ! C’était pour une nouvelle voiture !- Bon ! Maintenant qu'on a fait les présentations ! J’ai faim ! Jean-Charles ! Qu’est ce qu’il y a, comme plat du jour ?- Du bœuf bourguignon !- Ca vous va ? Alors, très bien ! Jean-Charles ! Quatre plats du jour ! Prenez donc un apéro ! Je monte un instant à l’agence, il faut que je voie ou en est Anita avec son casting ! Je fais tout de suite partir ton fax, Dino !- Merci Zoltan !Zoltan demanda discrètement à Jean-Charles, de lui préparer également un plat de saumon fumé. Il savait qu’Anita n’aurait pas le temps de descendre déjeuner.- Dis-moi ! Peux-tu faire monter ça pour Anita ?- Evidemment !- OK ! Tu mets ça sur mon compte !- Ca marche !Zoltan remonta à l’agence pour voir si tout se passait bien. Bob venait Juste de terminer un entretien.- On est à combien, Bob ?- Vingt-six mille ! La journée commence super !- Tu viens déjeuner ? Il y à Vigie et Sam qui sont en bas !- Virginie et Sam sont là ? Je descends les voir !- Vas-y ! Je te rejoins tout de suite !Zoltan se dirigea vers le bureau de casting. Une trentaine de jeunes filles s’étaient présentées pour le salon de l’automobile et Anita devait en sélectionner huit d’entre elles.- Comment se passe le casting, Anita ?- Très bien ! Tiens ! Regarde ! J’ai déjà sélectionné ces quatre hôtesses ! Qu’est ce que tu penses ?- Très bon choix ! Comme tu n’auras pas le temps de déjeuner en bas, je t’ai fait monter un plat !- Merci ! Mais il ne fallait pas te donner tant de mal pour moi !- Tss-tss ! Taratata ! Il faut que tu manges quelque chose ! Au fait ! J’ai ce fax à envoyer, pour ton mari !- Dino est là !- Il est en bas, au café !- Je n’aime pas qu’il traîne sur mon lieu de travail !- Il m’a dit qu’il allait partir vivre à Belgrade ! Qu’est ce que tu vas faire, toi ?- Il ira là-bas tout seul ! J’en ai assez de cette vie de bohème !- Bon ! OK ! Je te vois tout à l’heure !Anita aimait son travail à l’agence. Elle ne supportait plus les voyages et les conférences politiques de son mari. Elle voulait s’accomplir professionnellement et l’agence lui en donnait les moyens. Elle en avait assez que Dino se serve de ses origines, pour se faire accepter par la diaspora Serbe. Grâce à cela, il se faisait inviter à l’ambassade, au consulat, au centre culturel; mangeait gratuitement dans les restaurants serbes; se faisait prêter de l’argent qu’il ne remboursait jamais. Afin de s’attirer encore plus leur sympathie, il écrivait des livres à la gloire des Serbes. Ces derniers en avaient fait un véritable héros national, car actuellement, rare étaient les personnes à oser prendre leur défense. Dino organisa plusieurs manifestations de contestation contre la politique mondiale envers les Serbes. Anita aimait son pays, mais elle ne voulait pas se mêler à la politique. Cette divergence entre eux, était à l’origine du conflit qui les opposait. Zoltan retourna au café.- Bon ! Allez ! Bon appétit pour tout le monde !- Au fait, ou est ton casting, Vigie ?- Dans le seizième, Place Victor Hugo !- C’est pour quoi ?- Pour une crème de beauté !Sam avait tapée dans l’œil de Dino et celui-ci tenta de la séduire en lui parlant de ses livres. Mais n’étant pas une fille facile, cette dernière gardait ses distances. De plus, sachant que Dino était le mari Anita, elle le regardait avec mépris.- Et vous, mademoiselle ! Vous êtes simplement mannequin, ou vous avez d’autres activités ?- Je suis étudiante !- Qu’est ce que vous étudiez ?- La physique moléculaire !Zoltan était amusé, car il avait vu la tête de Dino à la réponse de Sam. Dino ne s’attendait pas à ce qu’une aussi belle jeune femme puisse avoir autant de culture générale. Prétextant vouloir l’inviter à une conférence, il lui demanda son numéro de téléphone.- Votre femme travaille à l’agence ?- Heu ! Hem ! Oui !- Demandez lui donc mon numéro ! Je le lui ai donné !- Heu ! Oui ! Bien sur !Sam était une fille intelligente et surtout, très traditionnelle. Elle était l’opposée de Virginie. Elle avait mouchée Dino et celui-ci s’était fait tout petit. Il ne lui adressa plus la parole de tout le repas.- Sam ! Tu nous accompagnes ? Je vais déposer Vigie à son casting !- Ca tombe bien ! Je dois aller chez moi !Sam était voisine avec Zoltan. Elle habitait dans le quinzième, dans une des tours du front de seine, juste à deux rues de chez lui.- Bob ! Je reviens tout de suite !- OK ! Moi, je remonte à l’agence !- Tu viens avec nous, Dino ?- Heu ! Oui-Oui ! Je viens !Ils montèrent tous les quatre dans la voiture de Zoltan. Après avoir d’abord déposé Virginie à son casting, la limousine contourna la Maison de la Radio et traversa ensuite la Seine. Zoltan arriva devant chez Sam.- Bon ! Te voilà chez toi ! Tu fais quoi ce soir ?- Je dois voir Rudy !- Salues-le de ma part !- Je le ferais ! Si tu veux, demain soir, on peut aller dîner au Parc !- OK ! On s’appelle ! Allez ! Ciao !- Bisou, Zoltan ! Au revoir monsieur !- Au revoir, Mademoiselle !Sam entra dans l’ascenseur de son immeuble. Elle habitait au dix-huitième étage. Quand elle se penchait sur son balcon, elle pouvait voir Paris dans son quasi intégralité.- Elle est terrible cette fille !- Oui ! Mais ce n’est pas le genre à parler avec des inconnus ! Sam est vraiment une fille bonne à marier !- Je dois passer à St Germain pour voir mon éditeur ! Tu veux venir avec moi ?- Non, je n’ai pas le temps ! J’ai du travail ! Je te dépose et je retourne à l’agence !La journée s’était bien terminée. Anita avait achevée son casting et Bob avait bouclé le chiffre du jour à quatre vingt quatorze mille Francs. Pour fêter ce nouveau record, Zoltan invita tous les employés de l’agence à venir prendre un verre. Une heure après, ils étaient tous partis car ils avaient à faire. Zoltan s’était retrouvé seul avec Jules.- Zoltan ! Viens, on va chez moi ! Je dois prendre quelque chose !- D’accord ! Mais pas trop longtemps !- Qu’est ce que tu fais ce soir ?- Je dois appeler Virginie ! On va peut-être sortir ! Et toi ?- Je me suis engueulé avec Séverine ! Elle est partie chez ses parents et je vais rester seul !- Tu n’as qu’à venir avec nous !Chapitre XVIII. Les affranchis.Jules habitait près de Beaubourg. Il vivait avec une jeune comédienne d’origine Italienne. Ils se disputaient sans arrêt et chaque fois, elle partait se consoler chez ses parents.- J’ai un petit truc à te faire goûter, là !- Hé bien ! Tu sniffes ?- Oh ! Occasionnellement !- Ne tombe pas dedans !- Je peux te dire que tout le monde sniffe, à l’agence !- En tout cas, pas devant moi !- Par ce que ce sont des hypocrites !- Vas-y ! Dis-moi qui sniffe ?- Tout le monde ! Je te jure !- Quoi ! Bob, il sniffe aussi ?- Bob, je ne sais pas ! En tout cas Michèle, c’est sur !- Comment tu le sais ?- Par ce qu’on a sniffé ensembles !- T’as sniffé avec Michèle ?- Oui ! Je te jure !- Qui d’autre ?- Ton pote Zed, il sniffe !- Ca ! C’est pas un scoop ! Qui d’autre ?- Mais tout le monde ! Val ! Margot ! Lydie ! Anita ! Tout le monde quoi !- Je tombe par terre ! Hé bien ! Vas-y ! Qu’est ce que tu attends ? Fais une ligne !- ! ! ! ! ! ! Tu ne fais pas la gueule ?- Tu sais ! Avec mes soucis, moi aussi, depuis quelques temps, j’en prends !- Je le sais !- Comment tu le sais ? !- C’est Zed qui me l’a dit !- Putain de merde ! Il peux pas fermer sa grande gueule, celui-là ?- Ne t’inquiètes pas ! Personne d’autre n’est au courant !- Qui te fournit ?- C’est Adji !- Bon ! Après tout, je m’en fous !Zoltan téléphona à Virginie. Après avoir fini son casting, elle était rentrée chez elle pour se changer. Elle sortait de la douche et attendait son appel.- Allô ! C’est Zoltan !- Zoltan ! Tu es ou ?- Chez Jules ! On se voit toujours, ce soir ?- Oui ! Je suis en pleine forme !- Bon ! Je réserve une table pour le dîner !- Laisses-moi le temps de me préparer !- OK ! On se retrouve à vingt deux heures au « Parc » ! Au fait ! Jules viens avec moi ! A tout à l’heure !- D’accord ! Je vais demander à Clohé de venir avec moi !Clohé vivait avec Virginie. Elles travaillaient toute les deux pour la même agence. Le début de soirée fut très agréable. Après avoir terminés le dîner, il rejoignirent l’arrière-salle, ou se trouvait la boite de nuit. Zoltan commanda deux bouteilles de champagne. Jules ne se sentait pas à l’aise.- Zoltan ! Je n’ai plus d’argent !- Et alors ! Je t’invite !- J’aimerais bien appeler Adj !- Tiens ! Si c’est simplement de l’argent que tu veux, considères ça comme une prime !- Dix mille balles ! Tu es généreux, ce soir !- Tu es content maintenant ?- Plutôt ! Attends ! Je l’appelle tout de suite !Une heure après, le fournisseur de Jules arriva au « Parc ». Il avait apporté la coke et repartit aussitôt. Son téléphone sonnait sans arrêt et il avait du pain sur la planche. Jules n’arrivait plus à se contrôler. Il était enivré avec autant d’espèces d’un seul coup entre ses mains. Cela représentait presque l’équivalent d’un mois de son salaire. Fou furieux, il avait acheté cinq grammes de coke et il allait sans arrêt aux toilettes. Jules était un flambeur et l’argent lui brûlait les doigts. Vers trois heures du matin, le « Parc » fermait déjà ses portes. Tous décidèrent d’aller au « VIP », qui se trouvait juste en face, sur les Champs élysées. Comme il n’y avait pas d’ambiance, Zoltan proposa de finir la soirée aux « Bains douches », mais Virginie et Clohé préférèrent rentrer. Elles avaient un casting tôt dans la matinée, alors Zoltan les déposa chez elles. Pendant qu’il se dirigeait vers le Boulevard de Sébastopol, Jules préparait encore deux rails sur l’acajou qui habillait le levier de vitesse de la voiture. Arrivés devant les « Bains », Zoltan appela le voiturier et il lui laissa les clefs de la BMW. Ils entrèrent dans la boite.- Suis-moi Zoltan ! J’ai parlé avec le barman ! Il nous a débloqué trois tables rien que pour nous dans le carré vip !A l’intérieur de la boite, Zoltan croisa Mina, la copine de Marco, qu’il avait connu à Cannes. Celle-ci semblait mal à l’aise de rester en sa compagnie.- Hé ! Salut, Zoltan ! Tu te rappelles de moi ?- Mina ! Quelle surprise ! Qu’est ce que tu fait là ?- Je suis de sortie !- Viens donc boire un verre avec nous !- Non ! Je te remercie ! Je dois y aller ! A la prochaine !- Ciao !A cinq heures du matin, Zoltan décida enfin de rentrer. Mais Jules tenait absolument à lui faire découvrir une boite, qui se trouvait près de chez lui. Après que le voiturier des « Bains douches » lui ait ramené sa BMW, Zoltan se dirigea vers le quartier de l’horloge. Le « DJ » de « l’after » passait exclusivement de la musique « techno house ». La majorité des clients était composés de toxicomanes en transe, saturés d’Ecstasy et autres drogues, pouvant rester pendant des heures sur la piste. Après avoir vidé quelques verres, Zoltan se décida à rentrer. Bien qu’ils n’auraient pas le temps de dormir, il leur faudrait au moins prendre une douche et changer de vêtement avant de retourner au travail. A peine avaient-ils quittés « le Saxo », que quatre géants noirs déboulèrent de nulle part en attaquant Zoltan. Deux d’entre eux le tenaient, tandis que le troisième le frappait. Il cognait. Cognait. Et cognait encore. A coups de poings. A coups de pieds. En quelques instants, Zoltan était assommé, à terre avec la tête complètement ensanglantée. Incapable de réagir. Fouillant délicatement les poches de son pantalon, le quatrième malfrat réussit à lui voler dix mille Francs. Zoltan avait encore une liasse de billets dans son manteau. Celle-ci également aurait pu être dérobée, si un des videurs de la boite de nuit n’était pas aussitôt arrivé en courant. C’était un champion de « Kick boxing ». Tout en leur assenant de violents coups de pieds, il envoya à terre les quatre crapules. Il cria à Zoltan de s’enfuir, pendant qu’il retenait ses agresseurs. Deux autres videurs de la boite, s’étaient également précipités sur les malfrats, permettant à Zoltan de regagner sa voiture. Jules qui était resté tétanisé, aida Zoltan à rentrer dans le véhicule.- Vite ! Démarre ! On est suivi !Un des membres de la bande courait après eux. Zoltan appuya à fond sur l’accélérateur et il réussit à le semer. Le sang aspergeait tout l’intérieur de la voiture. Le cuir, le pare-brise, le tableau de bord.- Je vais me nettoyer à l’agence ! Merde ! Tu étais ou ?- Tu as vu combien ils étaient ! Ils faisaient au moins cent vingt kilos chacun ! Je ne suis pas épais ! Je n’aurai rien pu faire ! A part prendre des coups avec toi ! Et puis ! Ca s’est passé tellement vite !- Les bâtards !- Est-ce qu’ils t’ont volés quelque chose ?- Ils m’ont tiré dix mille balles !- Merde ! C’est con !- Je m’en fous du fric ! Tu as vu ma tête ?Lors ce qu’ils arrivèrent aux Templiers, il était déjà six heures du matin. Jean-Charles, qui avait déjà ouvert le café, se fit un signe de croix en voyant Zoltan.- Jésus, Marie, Joseph ! Tu t’es fait agresser !- Sers moi vite un cognac, s’il te plaît ! J’ai besoin de me désinfecter la bouche !- Bon Dieu ! Qu’est ce qui t’es arrivé ?- Jules va te raconter ! Pouah ! Ca pique ! Je vais tout de suite chez moi pour nettoyer tout ce sang !Zoltan ne pouvait pas rester ainsi et il retourna chez lui dans le quinzième. Il prit d’abord un long bain, puis il changea de vêtements. Son costume et son manteau étaient bons à jeter. Tout le sang avait déjà coagulé. Il se regarda dans la glace. Il était défiguré. Sa tête avait doublée de volume. Il en aurait au moins pour dix jours avant de retrouver un visage normal. Après s’être fait un bon café, Zoltan prit son téléphone et il appela ses agents de sécurité.- Allô ! Nordin ! Je dois te voir ! Appelles Luc immédiatement ! J’ai eu un gros problème ! Je t’expliquerais tout à l’heure ! On se voit à midi ! En bas de l’agence !Lors ce qu’ils virent la tête de Zoltan, Nordin et Luc jurèrent de retrouver les responsables.- T’as pas porté plainte, j’espère ?- Non ! De toute façon, la dernière fois, avec Marco, les flics m’ont bien dit que pour eux, je faisais partie de la mafia de Pigalle et que je suis assez grand pour me débrouiller tout seul !- T’as bien fait ! Quand on va les choper, ça va leur faire drôle ! Bon ! Ces mecs-là, il bossent sûrement dans une boite de sécu ! Nordin, tu te renseignes de ton côté et moi du mien ! Zoltan ! Décris les moi !- Quatre noirs ! La trentaine ! Trois d’entre eux font un mètre quatre vingt dix et le dernier au moins deux mètres dix ! Ca ne devrait pas être trop dur de les retrouver !- Allez ! T’inquiètes pas ! On va les choper, ces fumiers ! Ils t’ont tirés du fric ?- Dix mille balles ! Je me rappelle d’un détail ! Quand j’était aux Bains, J’ai croisé Mina ! La copine de Marco ! Elle est Black ! Peut-être qu’il y a un lien !- On va aussi chercher de ce côté-là !Les agents de sécurité de Zoltan s’étaient renseignés. Ils avaient découverts que la bande travaillait pour une grosse boite de sécurité en banlieue. Ces gorilles étaient très organisés et très dangereux. D’après Luc, il n’était pas sage d’envisager des représailles. Leur patron était un gros caïd qui trempait dans le trafic de drogue et il valait mieux laisser tomber, car tout cela ne finirait jamais. Mais Didier, apprenant que Zoltan avait été attaqué en sortant de boite de nuit, se devait de remettre les pendules à l’heure. Personne ne pouvait en toute impunité s’attaquer ainsi à l’un de ses amis, sans risquer immédiatement d’en subir les conséquences directes. Il arriva aux Templiers avec Serge, un ami Israélite. Ce dernier était un caïd en semi-liberté, qui travaillait occasionnellement pour les redoutables services secrets Israéliens. Serge commandait toute la Mafia de la région Parisienne. Il avait donné des ordres clairs et une semaine après, son équipe retrouva les quatre gorilles noirs. Ils furent enlevés et tous tabassés dans les catacombes à coups de battes de base-ball. Tous les quatre finirent chacun une balle dans le genou. Et avec Serge, il n’était pas question de représailles de la part de leur employeur. Celui-ci fut même obligé de rembourser avec les intérêts, tout l’argent que ses gorilles avaient dérobés à Zoltan. Humilié, il était furieux après ses employés et ces derniers n’étaient pas encore au bout de leur peine. Zoltan offrit à Serge en cadeau l’argent restitué. La police était au courant du règlement de compte. Elle connaissait depuis longtemps les agissements des quatre malfrats. Mais comme les victimes ne voulaient jamais déposer de plainte par peur des représailles, elle n’avait jamais pu coincer la bande. Alors, lors ce qu’elle apprit ce qu’il était arrivé dans les catacombes, elle classa l’affaire. Elle était trop heureuse de ce dénouement. Qui vivait par le glaive, périssait par le glaive. Hector Duval, le fils du Général, était également un ami de Serge. Dans le milieu du renseignement, tout le monde connaît tout le monde, mais c’est au-dessus des lois que naviguaient les affranchis. Zoltan avait basculé malgré lui dans ce monde parallèle. A partir de ce jour, le milieu Parisien le regardait différemment. Avec beaucoup de crainte et de respect. Quelques temps plus tard, au hasard d’une soirée, étant sorti avec Hector et quelques proches, dans un cabaret de St Michel. A l’entrée, il croisa un des videurs noirs qui l’avait agressé. Celui-ci boitait. En reconnaissant Zoltan, il fut tétanisé par la peur. Il croyait voir le diable en personne. Il resta terrorisé, dégoulinant de sueur pendant tout le temps que Zoltan passa dans le cabaret. Tout en discutant avec ses amis, Zoltan le regardait droit dans les yeux. Il se rappelait de la manière dont il avait été tabassé. Avec le temps, son visage retrouva son apparence normale, mais cette ordure boiterait tout le reste de sa vie.Chapitre XIX. Le procès.L’échéance du procès de l’agence se rapprochait inexorablement. Le jour J, assisté de son avocat Maître Blitzman, auquel il remit toutes les preuves de sa bonne foi, Zoltan se présenta dépité devant la cour. Bob et Didier l’avaient accompagnés. Avant lui, on jugeait des terroristes et il ne comprenait pas pourquoi il se retrouvait là. Le procès commença en milieu d’après-midi. Zoltan ne fut pas surpris de constater que le syndicat des professionnels du spectacle avait envoyé trois de ses meilleurs avocats. Ceux-ci étaient soutenus par une association laïque, qui avait également portée plainte contre lui. Avec la liste de clients que Marco Mornar avait remis au Procureur, le Parquet était partit à la pêche aux plaintes et il accusa Zoltan de publicité mensongère. Ils suggérèrent aux parties civiles de demander des dommages et intérêts. Tous ces braves gens à qui Marco Mornar avait bloqué les photos, étaient présents. Pourtant, bien que Zoltan leur avait tous fait refaire complètement leur book, chacun d’entre eux lui réclamait tout de même le remboursement de leur contrat, ainsi que vingt mille francs de dommages et intérêts. Bulletins de salaires à l’appui, Zoltan prouva que toutes ces personnes avaient participés à de nombreux tournages. Il démontra que son agence avait effectuée toutes les prestations proposées par son contrat. Mais rien n’y faisait. Le tribunal leur donnait quand même raison. Un des avocats des plaignants, reprocha même à Zoltan, d’avoir pu se payer les services du grand Maître Blitzman. Ce dernier, bien qu’outré par cette réflexion de goujat, débuta sa plaidoirie.- Monsieur le Président ! Sur les quatre mille francs que lui rapporte chaque contrat, mon client verse vingt et un pour cent de « TVA », il lui reste donc trois mille deux cent Francs ! Il doit payer mille francs pour le Photographe, il lui reste donc deux mille deux cent Francs ! Il doit payer également mille deux cent francs, charges salariales comprises, pour la commission du commercial, il lui reste donc mille francs ! Il doit payer enfin ses loyers, son électricité, son téléphone, sa publicité, son comptable et ses impôts ! Nous avons ici la preuve que mon client paye toutes ses obligations ! Comment voulez-vous qu’il paie vingt cinq mille francs à chacune des parties civiles ? Ce n’est pas juste ! Vous reprochez à mon client de faire de la publicité mensongère, mais il n’existe pas de publicité qui ne soit pas mensongère ! Toute publicité par essence, est mensongère ! Nous avons ici la preuve incontestable, que mon client a honoré toutes les clauses proposées par son contrat ! Il n’a donc jamais cherché à tromper les parties civiles ! C’est pourquoi je demande pour lui le non-lieu !Malgré sa notoriété, Maître Blitzman, n’avait pas réussit à faire disculper son client. Zoltan fut condamné à douze mois de prison avec sursis. Il devait payer vingt cinq mille francs à chacune des parties civiles. Quatre vingt mille francs pour le syndicat des professionnels du spectacle, quatre vingt mille francs pour l’association familiale et cent vingt mille francs d’amende au bénéfice du Trésor Public. Au total, Zoltan devait payer un million cinq cent vingt mille francs. Le Parquet fut tout de même obligé de reconnaître qu’il n’y avait pas eu d’escroquerie. Cela évita au moins à Zoltan une peine de prison ferme. Mais sa condamnation pour publicité mensongère ne lui évita pas l’amende. Le Parquet voulait sa tête à tout prix. Il jouait avec les mots. La publicité disait « Bob Zoltan » recherche des figurants pour des tournages ». Ne pouvant pas accuser Zoltan d’escroquerie, car l’agence proposait réellement des tournages, il lui reprocha d’utiliser le mot « recherche », ce qui pour lui, assimilait l’annonce à une offre d’emploi. « Bob Zoltan » faisait bien tourner ses figurants, mais en mettant ceux-ci en relation avec les nombreuses sociétés de productions. Cela dit, si l’agence avait employé elle-même ces personnes, le parquet aurait reproché à Zoltan de ne pas avoir de licence. Dans tous les cas, il aurait tort. Il sortit du palais de grande instance, écoeuré par cette parodie de justice. Il monta dans sa voiture et se dirigea vers l’agence. Arrivé aux Templiers, Il alla dans les toilettes et s’envoya une ligne. Puis deux. Puis trois. Après être remonté dans la salle, il s’envoya un whisky coca. Puis deux. Puis trois. Il savait bien que le Tribunal ne lui ferait pas de cadeaux, mais là, c’était trop. A son tour, Bob arriva au café. Il s’installa à la table de Zoltan en essayant de lui remonter le moral. Il lui raconta qu’en sortant de la salle d’audience, il avait été molesté par les parties civiles.- Tout à l’heure, avec Didier, on a failli se faire lyncher, quand on est sortis du Tribunal ! C’est les flics qui nous ont séparés ! Ecoutes ! Tu n’as pas pris de prison ferme ! On fait plus d’un million par mois ! On remboursera !- Tais toi donc et prends un verre !- Je vais prendre la même chose que toi !- S’il te plaît, Rolande ! Sers nous deux autre whisky cocas !Après avoir bu son verre, Bob était remonté à l’agence. Michèle arriva à son tour. Elle avait remarquée un peu de poudre blanche sur le nez de Zoltan.- Tu as pris de la coke ?- Pourquoi tu me demandes ça ?- Par ce que j’en voudrais bien un peu, s’il te plait !- Après tout ! Si tu y tiens ! Prends le sachet discrètement, sers-toi et rapportes-moi le reste ! OK ?- Essuies ton nez ! Il y en a un peu dessous !- Ah ! Merci !Après avoir fait un passage dans les toilettes, Michèle rejoignit Zoltan.- Tiens ! Voilà ton sachet ! Tu ne dis rien à Bob, surtout !- Michèle ! Tu fais ce que tu veux de ta vie ! Ca ne me regarde pas !A partir de ce jour, Michèle s’attacha de plus en plus à Zoltan. Il lui donnait gratuitement de la coke et c’était devenu une complicité entre eux. Tout le monde était persuadé qu’elle était sa maîtresse. S’il l’avait voulu, Zoltan aurait pu coucher cent fois avec Michèle. Mais il n’aurait jamais fait ça à Bob. Ses relations avec Michèle se limitaient à la défonce. L’indifférence de Zoltan d’avoir des rapports sexuels avec celle-ci, attisait encore plus son l’attirance envers lui. Michèle convoitait ce qu’elle ne pouvait avoir. Pendant ce temps, l’actualité devenait de plus en plus brûlante. La Serbie avait envoyée son armée pour chasser les séparatistes du Kosovo. Des colonnes entières de réfugiés se massaient déjà à la frontière Albanaise et les Etats-Unis menacèrent les Serbes de représailles. La France proposa un sommet de la dernière chance à Rambouillet. Sans autorisation de la préfecture, Dino avait organisé une manifestation pro Serbe devant l’ambassade Américaine. Mais il se mit à l’écart dès l’arrivée des « CRS ». Ce lâcheur avait déjà rejoint le Boulevard St Germain et il couru se réfugier au café « Le Flores ». Bob et Michèle, qui passaient par hasard Place de la Concorde, s’étaient retrouvés coincés dans leur voiture au beau milieu des gaz lacrymogènes. Anita était là aussi. Elle avait accompagnée son mari, mais elle était restée prudemment au « Crillon ». Tout en buvant tranquillement son thé, elle appela Zoltan sur son portable.- Qu’est ce que tu fais ?- Je me promène en voiture ! Je suis rue de Rivoli !- Ne passe pas par la Concorde ! Il y a une manifestation qui dégénère !- Je vais faire le tour par l’Opéra et je vais revenir par le Faubourg St Honoré ! Tu es ou ?- Je suis dans le salon du « Crillon » !- Surtout, ne sors pas ! Tu te ferais tabasser par les « CRS » !- Non ! Je ne suis pas folle ! Je reste là !- Si j’arrive à passer, je viens te voir !Tout le quartier était resté bouclé deux heures. Les « CRS » avaient reçus l’ordre de charger la foule et la manifestation s’était achevée par un passage à tabac général. Lors ce que le quartier fut enfin ouvert à la circulation, Anita monta dans un taxi qui se trouvait devant le « Crillon » et elle pu enfin retourner chez elle. Dino resta une partie de la soirée au « Café Flores ». La nuit tombée, il avait prit la direction de son domicile et traversa les ruelles sombres du quartier de l’Odéon. Sortis de nulle part, trois Albanais l’avaient suivi depuis la manifestation et s’étaient jetés sur lui tout en le frappant sauvagement. Il était déjà dans un sale état, lors ce que l’un d’entre eux sortit un couteau de sa poche. A ce moment critique, Dino fut sauvé in extremis par un groupe de touristes Japonais, qui arrivaient par hasard dans la ruelle. Ceux-ci provoquèrent immédiatement la fuite des agresseurs. Dino rentra chez lui en titubant. En voyant dans quel état était son mari, Anita s’imagina d’abord qu’il avait été chargé par les CRS. Mais au récit de Dino, elle comprit qu’il serait de plus en plus dangereux de sortir avec lui en public.Chapitre XX. Le complot.Dino insistait lourdement pour que sa femme l’accompagne au meeting qu’il organisait au sommet de Rambouillet. Ne sachant plus quoi faire, Anita demanda conseil à Zoltan. Celui-ci lui interdit formellement d’y aller. Il ne voulait pas qu’à cause des activités politiques de son mari, Anita attire à l’agence tous les espions présents à Paris.- Sais-tu que Dino m’a rapporté une colombe, à la maison ?- Qu’est ce qu’il veut en faire ?- Il voudrait que je la lâche à la fin du meeting qu’il organise avec ses amis !- Anita ! Je ne le sens pas, ce meeting !- De quoi as-tu peur ?- Je n’ai peur de rien ! Simplement, dans l’histoire, à chaque fois qu’il y a eu une guerre contre la Serbie, cela a commencé par un attentat ! Je n’ai pas envie de venir ramasser les morceaux de mon employée !- Tu penses qu’il pourrait y avoir un problème ?- Ca sent l’attentat à plein nez !- A propos ! Tu ne sais pas qu’hier soir, Dino est rentré à la maison la figure en sang ?- Il s’est fait casser la gueule à la manif par les « CRS »?- Non ! A l’Odéon ! Par trois Albanais !- Ah ! Tu vois ! Je te l’avait dis ! Paris grouille d’espions en ce moment ! Même l’agence en est remplie !- De quoi tu parles, Zoltan ?- Depuis quelques temps, il y a des nouvelles têtes aux Templiers ! Ca parle le Serbo-croate dans tous les coins !- Oui ! C’est vrai ! Moi aussi j’ai remarqué ! Ca doit sûrement être des espions envoyés par l’ambassade !- Tu penses ?- En tout cas, c’est bien dans leur style !- Au fait ! Pourquoi Dino insiste t’il tant pour que tu ailles à son meeting ?- Il est le président du comité de soutien aux Serbes ! Comme je suis sa femme, le comité veut que je fasse un discours et qu’ensuite, je lâche une colombe pour la paix !- Ecoutes Anita ! Tu peux rester ici tant que tu veux ! Tu as un travail intéressant ! Je te donne un bon salaire ! Tu ne manques de rien ! Mais il faut que tu choisisses ! Si tu vas à ce meeting, je préfère que tu démissionnes tout de suite ! Pour moi ! Tu n’as rien à faire là-bas ! Tu travailles dans la mode et non pas dans la Politique ! Ces salauds n’ont qu’à envoyer leurs propres femmes pour jeter leur maudite colombe ! Tu imagines bien que les manifestants seront filmés par tous les services de contre-espionnage ! Et que s’ils te voient là-bas, ces braves gens vont ensuite débarquer ici !- Tu as raison ! De toute façon, je ne souhaite pas aller là-bas !Pendant qu’elle déjeunaient avec Zoltan, Anita reçut un coup de téléphone de Milan, un de ses amis proches. Ce dernier lui demandait de venir chez lui ce soir même. Il voulait absolument lui parler de quelque chose. D’après lui une chose extrêmement importante. Anita savait bien, que Milan était fou amoureux d’elle. Mais à cause de Dino, il n’avait jamais osé lui faire d’avance. Cette invitation quelque peu cavalière l’avait mise en colère et elle n’avait pas du tout l’intention de se rendre chez lui. Elle, qui considérait Milan comme son frère, avait confiée un jour qu’elle ne s’entendait plus avec Dino. Mais ce n’était franchement pas son genre d’aller le soir chez un homme. Après tout, Dino était encore son mari, qui de surcroît travaillait avec Milan.- Qu’est ce qui se passe ?- Le salaud ! Je ne croyais pas ça de lui !- Quoi ? Qu’est ce qu’il y a ?- C’est Milan ! Il veut que je vienne chez lui ce soir ! Je l’ai envoyé balader !- Il t’a fait des avances ?- Je ne sais pas ! Il est bizarre ! Il veut me dire quelque chose d’important !- C’est lui, qui est toujours fourré avec Dino ?- Oui ! Ils ont organisés ensemble le Meeting à Rambouillet !- Encore ce meeting ! Qui sera avec eux ?- Le consul ! L’ambassade !- Eh ! bien ! Rien que du beau monde ! C’est Milan, qui voulait que tu jettes la colombe ?- Au début, il en faisait partie ! Et maintenant, au téléphone, il me dit de ne pas y aller ! Il dit qu’il à des choses à me révéler !- Tout cela ne me dit vraiment rien qui vaille ! Les politiciens Serbes savent que Rambouillet n’est qu’une farce ! Les bombardements sont déjà programmés ! Leur seule issue est de faire un attentat en faisant porter le chapeau aux Albanais !Zoltan avait immédiatement confié à Didier sa suspicion à propos d’un éventuel attentat, lors du meeting Serbe. D'emblée, Didier contacta la « DST » et le meeting fut déplacé au Trocadéro. Deux jours après, Zoltan apprit par Anita que son ami Milan était mort. Foudroyé par une crise cardiaque. Anita, était bouleversée. Elle s’en voulait d’être restée en mauvais termes avec Milan. N’acceptant pas cette version pour sa mort, elle alla trouver la brigade criminelle afin de leur expliquer que Milan était un jeune homme en pleine forme. Pour elle, il était clair que sa mort n’était pas naturelle. Perplexe, le commissaire dépêcha de New York un médecin spécialiste de la Police criminelle. Celui-ci autopsia le cadavre et découvrit que la victime était morte étouffée ! Méthode « KGB ». C’était un meurtre. Mais pourquoi ? Zoltan se rappela que peu de temps avant sa mort, Milan avait insisté pour voir absolument Anita. Il voulait absolument la prévenir de quelque chose. Mais de quoi ? Il n’y avait qu’une solution. Milan était secrètement amoureux d’Anita. Comme il faisait partie de l’entourage de Dino, il était tenu au courant de tous leurs projets. Lors du meeting, Anita devait faire un discours pour la paix et lâcher une colombe. Les services secrets Serbes savaient qu’elle était sur le point de se séparer de son mari. Cette situation n’arrangeait pas du tout, leurs affaires politiques. En supposant qu’un attentat était prévu, aurait-il eu un meilleur signal que ce lâcher de colombe ? Y avait-il une meilleure cible que la Femme du journaliste politique, écrivain et philosophe le plus célèbre de Yougoslavie ? L’assassinat de la compagne Serbe de l’ami de la Serbie, aurait provoqué l’indignation de tout le peuple. Dans le passé, deux guerres mondiales commencèrent à cause d’un attentat. Pointés du doigt, les Albanais auraient été accusés d’avoir tué la colombe de la paix. Cela aurait certainement eu de graves conséquences sur la suite des événements et peut-être même provoqué des divergences entre les alliés. Milan aimait Anita. Il était au courant du plan et il avait voulu la prévenir afin de la sauver d'une mort certaine. Comme Anita n’était pas venue au meeting, qui de plus fut déplacé au Trocadéro, les services secrets Serbes en auraient déduits que Milan avait vendu la mèche et ils l’éliminèrent.Le café des Templiers était devenu le rendez-vous des barbouzes et nouveau carrefour de l’espionnage. Fernande et Jean-Charles n’en revenaient pas. Les Renseignements Généraux avaient même loués un appartement de l’autre côté de la rue. Ils photographiaient toutes les allées et venues, aussi bien dans le café que dans l’agence. Serge et son équipe veillaient au respect des règles de bonne conduite. Zoltan engagea deux agents de sécurité supplémentaires. L’accès à l’agence était surveillé de près. Afin de remettre les idées en place à tout le monde, Hector invita Zoltan et Anita à visiter le « SIRPA », le service d’informations, de renseignements et de presse de l'armée, commandée par son père. Le général Duval avait donné des consignes strictes à ses hommes afin de les laisser passer. Hector avait loué la même limousine que Zoltan. Les deux BMW « 728 » étaient immatriculées à Munich. La raison en était simple, car la société de location appartenait à une société Allemande. Les deux voitures se dirigeaient vers l’école Militaire. En apercevant les immatriculations Allemandes, les occupants des Mercedes noires qui les suivaient, ne devaient plus comprendre grand-chose. Ils comprirent encore moins, lors ce qu’ils virent les deux BMW passer la porte d’entrée du « SIRPA ». A l’ambassade Yougoslave, c’était la panique. Le consul, qui était convoqué par la brigade criminelle dans le cadre de l’enquête sur le meurtre de Milan, refusa tout simplement de s’y rendre, en brandissant frénétiquement l’immunité diplomatique. Furieux, il avait immédiatement envoyé ses hommes de main espionner l’agence. Ceux-ci étaient même munis de montres caméra. Hector avait demandé à son père, d’envoyer des agents en civil pour protéger l’agence. Il savait que les barbouzes du consul, étaient également équipés d’une arme redoutable, capable de tuer de façon différée. La victime était irradiée par des rayons mortels, puis elle mourait d’un cancer fulgurant. Il suffisait au tueur de pointer cet engin sur sa cible, pour que cette dernière décède quelques semaines après. Cette arme terrible pouvait avoir l’apparence d’un appareil photo, d’un caméscope ou d’un simple ordinateur portable. Ces exécutions avaient souvent lieux dans des endroits publics, comme par exemple dans des cafés. Ils plaçaient l’appareil sur la table voisine de la victime, le tueur n’avait plus qu’à tourner l’engin dans sa direction et le temps d’exécuter sa basse besogne, il pouvait tranquillement prendre un verre sans même être soupçonné un seul instant. Quelques minutes d’irradiation et c’était la fin assurée. Dino était également convoqué à une audition par la brigade criminelle. M. Melchior, le divisionnaire chargé d’enquêter sur la mort de Milan, se demandait quel était exactement son rôle dans cette affaire. Bien que Dino donna sa parole de veiller sur Anita, il prit l’avion pour Belgrade en claquant la porte du domicile conjugal.Chapitre XXI. Le contrat.Anita était désemparée. Elle téléphona à Zoltan qui était venu immédiatement la chercher. Il l’attendait devant chez elle dans sa voiture, en regardant l’écran incrusté dans le tableau de bord. Des badauds ébahis reluquaient à travers la vitre de la BMW. Le temps qu’Anita descende de chez elle, la nouvelle était tombé. C’était un Flash spécial. Le sommet de la dernière chance était un échec total. Les belligérants n’avaient signés aucun traité de paix et les combats devenaient plus violents que jamais. A présent, « L’Otan » donnait un ultimatum à la Serbie afin qu’elle évacue ses troupes du Kosovo. Anita finit par descendre.- Dino est parti !- Il est parti où ?- Pour Belgrade !- Non ! Je ne comprends vraiment pas son comportement ! « L’Otan » va entrer en guerre contre la Yougoslavie et lui, il te laisse ici toute seule avec votre fils !- Il m’a dit de vivre ma vie ! Il dit que l’occident est devenu facho et qu’il préfère aller vivre avec les Serbes !- Et pour Milan ! Tu as des nouvelles ?- J’ai reçu plusieurs coups de fils de certaines personnes, qui me reprochent d’avoir racontée que sa mort n’était pas accidentelle !- Il va falloir se méfier, à présent !- Qu’ils aillent tous au diable !Les Serbes n’avaient pas respectés l’ultimatum. C’était la guerre. Les pays membres de « l’Otan » commençaient leurs raids aériens sur la Yougoslavie. Des dizaines de milliers de bombes se déversaient quotidiennement sur tout le pays. Val, Didier et Zoltan, consolaient Anita, qui s’inquiétait énormément pour toute sa famille. Afin de lui permettre de joindre ses parents, chaque nuit, ils attendaient ensemble à l’agence pour téléphoner, car il était quasiment impossible d’avoir la communication pendant la journée. Zoltan et Anita ne se quitaient plus. Craignant des représailles contre elle, pas un instant, il ne voulait la laisser seule. Nuit et jour, il faisait surveiller Anita. Ses agents de sécurité étaient armés et prêts à tirer au moindre problème. Ils étaient très mobiles, car ils se déplaçaient avec de puissantes motos. Fernande, qui avait les oreilles partout, avait flairée quelque chose de louche.- Zoltan ! Il faut que tu parles à Serge !- Qu’est ce qui se passe encore ?- Tu sais que je suis Corse ! J’ai l’habitude des truands ! Il y a un tueur, qui est là pour toi !- Ou-çà ?- Au café !- Et alors ?- Tais-toi ! Je sais ce que je dis ! Tu sais ! J’ai cinquante deux ans ! J’en ai vu, des choses dans ma vie ! Je veux que tu m’écoutes ! Je te demande d’aller voir Serge ! Tout de suite !Prenant toujours Fernande au sérieux, Zoltan eu immédiatement une discussion avec Serge et Didier. Car si Fernande disait qu’il fallait parler à Serge, alors il fallait vraiment le faire.- Serge ! Dis-moi ! C’est quoi, cette histoire de porte flingue ?- Toi, tu ne bouges pas et surtout, tu ne dis rien ! Je vais voir ce qu’il te veut, cet espèce de corbeau de malheur ! Je veux savoir qui te l'envoie et pourquoi ! Didier ! Tu restes avec Zoltan pendant que je règle le problème ! Il a intérêt à m’expliquer ce qu’il fout ici, celui-là, sinon ça va chauffer !Serge connaissait très bien le tueur. Après s’être entretenu avec lui, il téléphona au commanditaire. Tout le café l’avait entendu hurler.- Didier ! Qu’est ce qu’il est en train de faire ?- Tu le laisses faire ! Il sait ce qu’il fait ! Tu étais encore jeune, lors des grandes fusillades ! C’était dans les années soixante dix ! A l’époque, le frère de Serge a été tué lors des règlements de comptes ! Mais Serge les a mis au pas ! Tu aurais vu ça ! Ca canardait de tous les côtés ! Depuis, il est respecté et craint de toute la mafia ! Ils n’ont pas intérêt à déconner avec lui ! Maintenant, Il va donner des consignes ! Ton agence est intouchab’ !- Intouchable !- Oui ! intoucha-ble ! Tu sais que j’ai du mal à parler avec mes nouvelles dents !Serge avait menacé le commenditaire du tueur. Si jamais quoi que ce soit arrivait à l’agence, tous les responsables se feraient éliminer sur le champs en représailles.- Voilà ! C’est réglé ! Ce fumier devait te faire la peau le jour de ton aniversaire !- Qui a envoyé ce type ?- Zoltan ! Tu laisses tomber ! Je te dis que c’est réglé !Une semaine après cet incident, alors qu’Anita et Zoltan déjeunaient chez Fernande, Val arriva aux Templiers accompagnée d’un certain Philibert Doportugnac.- Zoltan ! Je voudrais absolument te présenter Monsieur Doportugnac !- Cher ami ! Je suis enchanté de faire votre connaissance !- Moi de même ! Je vous en prie, prenez donc place !Philibert Doportugnac était vraiment un personnage hors norme. Officiellement, il était expert en psychiatrie. Il travaillait pour le Parquet et donnait son avis aux juges sur les grands criminels. Zoltan qui se posait des questions sur la raison de sa présence, avait demandé les conseils avisés de Didier.- Didier ! Peux-tu me dire qui est ce Monsieur ?- Je connais Philibert depuis quinze ans ! Je vais me renseigner sur la raison de sa visite !- Qui est-il ?- C’est un haut fonctionnaire du contre-espionnage ! Surtout, tu gardes ça pour toi !- Hé ! Bien ! Cette fois, j’ai décroché le gros lot !- Je vais rapidement savoir ce qu’il te veut !A Paris, l’atmosphère était pesante. Les milliers d'avions militaires de « l’Otan » survolaient la capitale, en direction des Balkans. Les Parisiens pouvaient déjà sentir l’odeur de la guerre. Tous les jours, les actualités faisaient état des dégâts que provoquaient les bombardements sur la Yougoslavie. A Belgrade, l’ambassade de Chine, la seule encore restée ouverte, avait été complètement détruite par un missile. Il eu de nombreuses victimes. Cette nouvelle attaque provoqua la fureur des Chinois, qui menacèrent tous les occidentaux d’une guerre nucléaire mondiale. Les militaires Russes exprimaient également leur colère. Ils promirent de soutenir militairement les Serbes, si les alliés ne stoppaient pas leurs bombardements sur Belgrade. Les pays de « l’Otan » furent obligés de s’excuser auprès des Chinois de cette « erreur » d’objectif, laissant délibérément courir le bruit que l’ambassade de Chine hébergeait délibérément un poste de commandement militaire Serbe dans le sous-sol de sa cave. Les diplomates Américains quand à eux multiplièrent les aides financières à la Russie, espérant ainsi calmer leur ardeur nationaliste. Comme si de rien n’était, la population Serbe se réunissait dès qu’elle en avait l’occasion, aux terrasses des cafés. Chaque jour pourtant, elle devait payer davantage un lourd tribut, à cause de la politique de ses dirigeants.- Anita ! Viens avec moi ! On va regarder les infos dans ma bagnole !- Je viens tout de suite ! Souhaitant venir aussi, Jules demanda la permission à Zoltan de venir écouter les informations. Comme il n’était pas rentré chez lui de la nuit, vétu des mêmes vêtements que la veille. C’était terrible. La BMW était envahie par l’odeur nauséabonde de ses chaussettes, obligeant Zoltan à laisser les quatre fenêtres ouvertes. Anita avait jetée un regard complice à Zoltan, puis elle lui lâcha quelques mots en Serbo-croate. Elle n’était pas habituée à ce genre d’amabilités.- Kako ga nije sramota ! Dali nije makar mogo oprati te smrdljive carape ! ( Comment n'a-t'il pas honte ! N'aurait-il pas pu au moins laver ces chaussettes puantes ! )- Otvoricu prozore ! Pusti ga ! Nije bitno ! ( Je vais ouvrir les fenêtres ! Laisses-le ! C’est pas grave ! )Sur l’écran, on pouvait voir les images d’un avion furtif Américain, abattu par la « DCA » Yougoslave. Le reportage montrait ensuite deux Serbes hilares, tenant une pancarte sur laquelle était inscrit avec l’humour noir typiquement Balkanique: « Désolé, on n’avait pas vu que c’était un avion invisible ! ». Tous les ponts de la ville de Belgrade étaient couverts de monde, car sur ceux-ci étaient organisés quotidiennement des concerts de rock. Afin de protéger ces derniers des bombardements de l'« OTAN », les Belgradois faisaient volontairement office de boucliers humains, portant sur eux par provocation désespérée, des cibles en cartons, sous lesquelles était écrit « Target ».- Il n’y a pas à dire ! Ils ont quand même le sens de l’humour !- Ils sont courageux, de rester dehors !- Tu sais ! C’est pour protéger les ponts des bombardements !- Tout ça va mal finir !- Et dire que tes parents sont là-bas ! Sous les bombes !- Bon ! Allez ! Le journal est fini ! On retourne à l’agence !Chapitre XXII. La cérémonie.Zoltan avait décidé d’organiser une grande soirée. Il avait chargé Anita de s’occuper de la réception des invités. Philibert était venu rendre visite à Zoltan et il lui demandait de lui expliquer son parcours.- Philibert ! Je sais très bien que tu n’es pas ici par hasard !- Tu n’es pas vrai, comme type !- Je n’ai rien à te cacher ! Je ne suis pas un criminel ! J’ai simplement essayé de m’en sortir dans la vie !- Pourquoi es-tu l’ami de Serge ? Tu sais que c’est un bandit !- Pas plus que les autres ! Il faut bien que je me place quelque part ! J’ai toujours été correct, mais la Justice ne l’est pas avec moi ! Je déclare tout ! Je paie mes taxes ! Je ne trafique pas et pourtant, depuis le premier jour que j’ai ouvert cette société, l’Etat me met des battons dans les roues ! La Police me traite comme un criminel !- Certains Juges ! Pas la Police ! J’ai regardé ton fichier ! Il est plutôt positif ! Le patron des « RG » dit que tu es un gentil garçon ! Avec juste les dents un peu longues !- C’est ça ! En attendant, ce sont les Juges qui commandent à la police ! Quand il faut servir le pays, je suis toujours là ! Mais en échange, on ne me laisse même pas travailler en paix ! Tout ce temps que je perds à régler les tracasseries, pourrait être consacré à l’agence ! Je suis même obligé d’assurer ma protection tout seul ! Alors ! Ne me dit pas que Serge est un voyou ! Il m’a sauvé la mise plusieurs fois ! Pour moi, il vaut beaucoup mieux que certains !- C’est un parrain de la Mafia !- Par ce que tu t’imagines que les méthodes de l’Etat ne sont pas des méthodes mafieuses ? Laisses-moi rire ! Tu sais ! Je suis fatigué de tout ça ! Je veux bien t’écouter ! Tu pourrais être mon père ! Je suis prêt à coopérer ! Mais j’ai besoin que l’Etat me lâche un peu ! Je commence à fatiguer !Bob se méfiait de Doportugnac. D’ailleurs toute l’agence s’en méfiait ! Didier s’était renseigné auprès de ses amis et il pu faire un rapport à Zoltan !- J’ai la réponse pour Philibert ! Il n’est pas contre toi ! Tu peux lui faire confiance ! Il veut vraiment t’aider !- Qu’est ce qu’il attend de moi !- Tu ferais mieux de lui demander toi-même !Zoltan avait présenté Serge à Philibert. Au début, ils se regardaient comme chiens et chats. Serge qui devait dormir tous les soirs en prison, ne supportait pas ce qui se rapprochait de près ou de loin de la Police. Un après-midi, Philibert recevait son neveu aux « Templiers ». Ce dernier, qui travaillait à la brigade antigang, fut reconnut par Serge, car avant lui-même participé à son arrestation. Serge était furieux. Zoltan calma la situation en lui expliquant que s’il promettait de prendre sa retraite, Philibert pourrait l’aider auprès du Juge pour obtenir sa libération conditionnelle. Puis, en très peu de temps, tous deux devinrent inséparables. Ils passaient leurs journées ensembles et ils avaient beaucoup de choses à se raconter. Zoltan avait réussit le pari de réconcilier les irréconciliables. Cette situation insolite amusait beaucoup Didier. Il pouffait de rire en voyant ces deux compères, opposés durant toute leurs vies, qui se retrouvaient en fin de carrière autour de la même table. Ils trinquaient ensembles comme de vieux collégiens.- Pinces-moi, je rêve !- C’est quand même mieux comme ça ! Tu ne trouves pas ?- Zoltan ! Tu es complètement malade ! Il n’y a que toi qui soit capab’ de faire une chose pareille !- Capable !- Oui ! Oui ! Je sais ! Capab-le ! Arrête de m’emmerder avec mes dents !Pour organiser sa grande soirée d’agence, Zoltan avait loué un célèbre restaurant cabaret de Montmartre. Six superbes hôtesses étaient embauchées pour accueillir les invités. Anita avait fait la sélection de celle-ci. Elle fit venir un orchestre professionnel de musique Tsigane. Cent vingt personnes étaient prévues au couvert. Les patrons des plus grosses chaînes de cinéma viendraient à la soirée. Il y aurait également les représentants des télévisions nationales, des attachés de presse, des stylistes, des journalistes, des réalisateurs. Les patrons des plus luxueuses boutiques de vêtement à Paris, des sénateurs, des hommes politiques, le chef de la police, celui des services secrets et même un membre de l’illustre famille royale de Belgique. Zoltan finançait entièrement la soirée. Il avait déjà convenu avec le propriétaire des lieux que la soirée lui coûterait quatre vingt dix mille Francs. Un cocktail serait servi en début de soirée. Il précéderait le repas composé d’un menu complet arrosé de vin rouge et de vin blanc. Le dessert serait accompagné avec du champagne. Un budget de vingt mille Francs était prévu seulement pour l’orchestre. La soirée serait totalement couverte par deux photographes de presse et leurs photos allaient être diffusées dans des magazines « people ». Au grand désespoir de Zoltan, seul Serge ne viendrait pas, car il devait retourner dormir en prison. Philibert lui avait proposé d’intervenir auprès du juge pour qu’il le laisse venir, mais Serge ne tenait pas à croiser certaines personnalités présentes à cette soirée.- Bon ! Anita ! Ce soir, j’invite l’équipe de l’agence à dîner au cabaret pour repérer les lieux ! Tu contactes les hôtesses ! Il faut que tout soit parfait pour la grande soirée ! Bob ! Tu préviens Michèle ! Jules ! Toi, tu t’occupes des bookers ! Val ! Tu téléphones à Bernard ! Tu lui dis que j’invite aussi sa maquilleuse ! Ce soir, on fait un dîner entre nous ! Didier ! Tu viens aussi?- Oui, je veux bien !- Bon ! Alors à tout à l’heure !Le cabaret était situé au sommet de Montmartre. On rentrait par une terrasse invisible de la rue, pour atterrir directement dans la salle du bar. En continuant tout droit, on arrivait dans un jardin d’hiver rempli de fleurs et de plantes. Tandis qu’en prenant à droite on se retrouvait dans la salle du restaurant. Les murs étaient soutenus par des voûtes de pierres apparentes. Le décor était un mélange de luxe et de kitsch des années soixante dix. Au centre de la salle, se trouvait une piste de danse. L’ensemble était illuminé par des centaines de petites lumières, qui brillaient comme des étoiles et qui clignotaient dans la pénombre.- Alors ! Dites-moi ! Comment trouvez-vous l’endroit ?- Vraiment sympa !- En début de soirée, un cocktail sera organisé dans le jardin d’hiver !- Les musiciens seront au centre de la salle ! J’ai prévu cinq agents de sécurité à l’entrée ! Ils auront deux tables dans la salle du bar pour pouvoir également dîner ! Le cabaret est entièrement réservé et je ne pense pas qu’il y aura de problème majeur !- Ca va être grandiose !- La soirée aura lieu Jeudi prochain ! Mais ce soir, je vous invite tous dîner à une répétition ! Je compte sur vous tous ! Pendant la soirée, vous devez avoir une tenue impeccable !Puis jeudi arriva et la soirée commença dans la bonne humeur ! Les convives étaient tous présents ! La musique tzigane mettait de l’ambiance et l’alcool aidant, les invités de l’agence étaient emportés par le rythme slave ! Michèle qui avait besoin d’un remontant alla voir Zoltan !- Tu as la solution ?- Oui mais il faut faire attention ! Il y a des gens à la soirée qui risquent de ne pas apprécier ! Viens, on descend !Ils s’enfermèrent tous les deux dans les toilettes. Zoltan prépara deux lignes, dans le petit cendrier vissé sur le distributeur de papier.- Je me sens déjà mieux !- Allez ! On remonte ! Sinon, ils vont remarquer notre absence ! Nettoies ton nez ! Il y a plein de coke dessus !- Ha ! Ha ! Ha !Bob et Anita avaient remarqués le manège de Michèle et Zoltan. Celui-ci leur raconta qu’ils avaient simplement été fumer un joint. Michèle, qui était complètement défoncée, ne supportait pas les questions de Bob.- Quoi ? Qu’est ce qu’il y a ? Je fais ce que je veux ! Toi aussi tu te défonces, avec ton lexomil de merde ! Tu ne vas quand même pas m’emmerder pour un petit joint ? Maintenant, tu me lâches ! OK ?Bob ne dit rien et laissa Michèle tranquille durant toute la soirée. Carole, venue aussi à la soirée, s’était saoulée. Elle supportait mal de ne plus faire partie de l’agence. Elle était toujours amoureuse de Zoltan, mais beaucoup trop orgueilleuse pour l’accepter. Voyant qu’Anita était désormais la préférée de Zoltan, elle resta seule toute la soirée, cuvant sa bouteille de vin. Michèle, quant à elle, passa la soirée avec les producteurs d’une émission de télévision en vogue. Vers une heure du matin, le responsable des lieux alla s'entretenir avec Zoltan.- Zoltan ! Tes invités me demandent encore à boire ! Cela ne fait plus partie du forfait ! Qu’est ce que je fais ?- Tu les sers ! Tu me feras la note en fin de soirée !Zoltan voulait que cette soirée soit inoubliable dans l’esprit des invités. Ils purent donc boire à volonté. Les musiciens jouaient des airs Yougoslaves composés par Goran Bregovic, le compositeur fétiche d’Emir Kusturica. La musique était de plus en plus rapide. L’alcool aidant, tous les invités se lâchèrent complètement en fin de soirée. Ils n’étaient pas habitués à ce genre de musique, mais ils finirent tous par danser autour des musiciens. Zoltan signa un chèque de soixante mille Francs, afin de payer les boissons supplémentaires. Il proposa de finir la soirée au « VIP ». Bob préféra rentrer, car il désirait arriver tôt à l’agence. Michèle l’accompagna. Vers cinq heures du matin Zoltan demanda à Anita d’aller dormir chez Val. Il ne voulait pas la laisser rentrer chez elle, toute seule. Lui, retourna à l’agence avec Didier.- Zoltan ! Qu’est ce que tu est en train de faire ?- Je prépare deux lignes ! Tu ne vas pas être fâché ?- Ca fait longtemps que je n’ai pas pris de coke !- Vas-y ! A toi l’honneur !- Dis donc ! Elle est bonne, ta coke ! Ca m’a complètement ouvert l’esprit !- Allume la télé, s’il te plaît ! Je voudrais voir les infos !Chapitre XXIII. Le bouquet final.Les bombardements sur Belgrade étaient de plus en plus violents. L’immeuble de la Radiotélévision Yougoslave venait d’être complètement détruit. Les ponts, les écoles, les hôpitaux, les usines de médicaments, tombaient à leur tour. La tension montait, provoquant le malaise de la communauté internationale. A neuf heures du matin, ils descendirent aux Templiers pour boire un café. Un quart d’heure après, Bob arrivait avec Michèle. Ce matin, il ne s’attendait pas à trouver Zoltan. Mais celui-ci ne relâchait pas la pression. Quoi qu’il arrive, il était toujours au travail avant Bob.- Bob ! Tu as réussi à te lever ?- Oui ! Il faut bien montrer l’exemple !- Il va y avoir du retard ce matin !- On sera là pour assurer !- Tu as vu le carton, cette nuit sur Belgrade ?- Oui ! J’ai vu ça ! Je me demande quand tout ça va s’arrêter ?- De toute façons, ça ne peut pas être pire que ça !- On a beaucoup de rendez-vous ce matin ?- Moi, j’ai deux retours !- Bon ! Allez ! Je monte ouvrir l’agence !Il y eu quelques retards, mais à onze heures, tout le monde était là. Toute la journée, Zoltan reçut des messages de félicitations et des remerciements pour cette merveilleuse soirée. Anita était très inquiète pour sa famille. Elle ne dormait pratiquement plus et elle avait perdue du poids. Zoltan, qui restait auprès d’elle, prenait de plus en plus de coke pour pouvoir tenir le rythme. Didier ne les quittait pas, il passait pratiquement chaque nuit à l’agence, discutant avec eux devant la télévision. Chaque matin, vers huit heures, Zoltan accompagnait Anita chez elle, afin qu’elle puisse prendre une douche et se changer.Balthazar Séraphin et Hector venaient d’ouvrir le « Bi café ». Ils avaient invité Zoltan, pour pendre la crémaillère. Zoltan était venu avec Anita, Serge et Didier. Minos Rastapoulos fut également présent. Il expliquait au groupe qu’il venait de faire une très mauvaise affaire et qu’il était pratiquement ruiné. Vers une heure du matin, Rastapoulos voulut rentrer chez lui mais Zoltan lui proposa un dernier verre.- Non ! Ca suffit ! Je rentre chez moi !- Allez ! Reste encore un peu, Minos ! Tu es mieux ici, avec nous !- Bon ! Je reste encore dix minutes, mais c’est la dernière tournée, j’ai eu ma dose, aujourd’hui !A cet instant précis, une déflagration fit trembler les vitres du « Bi café ». C’était la voiture de Rastapoulos qui avait explosé violemment. Ils sortirent tous immédiatement pour voir ce qu’il s’était passé.- On a voulu me tuer ! Quelqu’un a voulu me tuer !- Merde ! Si tu n’étais pas resté avec nous, à présent, tu serais mort !Rastapoulos était victime d’un attentat. Tout tremblant, il jurait de faire payer ça au coupable. Hector lui prêta sa voiture afin qu’il puisse rentrer chez lui. Sa « XM » était complètement détruite. Il ne restait plus d’elle qu’une masse noire, complètement carbonisée. Rastapoulos étant rentré chez lui, le reste du groupe alla boire un dernier verre au « Douze », à l’Odéon. « Le Douze » était un de ces endroits branchés, fréquentés par les stars de la jet-set. On pouvait y rencontrer des vedettes de cinéma, de variété ou des animateurs de télévision en vogue. Comme il était impossible de se garer dans le quartier, un voiturier était chargé d’exécuter cette tâche.- Es-tu déjà venu ici, Zoltan ?- Non ! C’est la première fois ! C’est plutôt sympa !- Minos a eu vraiment beaucoup de bol, ce soir !- Il a failli y rester !- Venez ! On va manger quelque chose ! On a une table dans l’arrière salle ! Allez Gérard ! Caviar et champagne pour tout le monde !A cinq heures du matin, Zoltan, Anita et Didier retournèrent ensemble à l’agence. Ils avaient allumés la radio pour écouter les dernières informations. « L’Otan » avait bombardé à population. Le journal de France-info était suivi par une chanson très triste de « Björk ». L'ambiance à l'agence devint suréaliste. Anita se mit à pleurer. Zoltan alluma la télévision qui relatait déjà largement l'événement.- Cette fois-ci, ils exagèrent ! Toute la population va être contaminée !- Je suis sure qu’ils ont bombardé cette usine exprès, pour camoufler les bombes chimiques qu’ils ont eux-même envoyé !- La guerre, c’est dégueulasse !- Anita ! Appelles tout de suite ta mère ! J’espère qu’elle se porte bien !Au bout d’une demi-heure, Anita réussit à obtenir la liaison avec Belgrade. Sa mère lui expliquait que l’air était soudain devenu brûlant. Ils étaient obligés de se mettre des mouchoirs mouillés sur le visage afin de pouvoir respirer. Zoltan alla dans les toilettes et s’envoya un gramme entier de coke. Cela l’aidait à tenir le coup car il n’avait encore pas dormi de toute la nuit. Au petit matin, il reçu un appel de Doportugnac.- Où es-tu ?- Je suis à l’agence ! Pourquoi ?- J’ai contacté Serge ! Je veux te voir chez moi dans trente minutes !- Mais tu habites dans le seizième ! J’ai besoin de plus d’une demi-heure !- Tu as intérêt à y être !Zoltan confia Anita à Didier. Il démarra sa BMW sur les chapeaux de roue et fonça chez Doportugnac. Mais que lui voulait-il ?- Entres ! Tu veux un Whisky ?- Philibert ! Il est sept heures du matin ! Qu’est ce qui t’arrive, merde ?- Prends un whisky ! Tu vas en avoir besoin ! Ah ! Voilà Serge ! Attends-moi là ! Je vais lui ouvrir !- Tu es tombé sur la tête ou quoi ? J’espère pour toi que c’est vraiment important ! Salut Zoltan ! Je vois que ce maniaque t’a fait venir aussi ! Qu’est ce qui se passe, ici ?- Je n’en sais rien, moi !- Eh bien vous allez le savoir tout de suite ! Figurez-vous que cette nuit, j’ai reçu un rapport du chef de la Police d’Aubervilliers ! Celui-ci relate que hier soir, à vingt et une heure exactement, dans un bar Yougoslave de la Courneuve, une fusillade a subitement éclatée entre deux bandes rivales ! Tout le café a été saccagé ! Le patron de l’établissement a dit au commissaire, qu’il avait entendu le nom de « Bob Zoltan » ! Vous n’auriez pas quelque chose à avoir avec cela, par hasard ?- Hier soir ? On était au « Bi café » ! Chez Hector !- Oui ! Ca aussi, je le sais ! Et là ! Egalement ! Comme par hasard, il y a eu aussi une explosion !- Oui, mais on a rien avoir la dedans nous !- Evidement ! On vous donnerait le bon Dieu sans confession ! Et toi Serge ! Tu n’es au courant de rien, bien-sur ?- Ecoutes, Philibert ! C’est vrai ! C’est mon équipe qui a réglé leur compte aux Yougos ! Mais c’est par ce que j’ai appris qu’ils préparaient un mauvais coup contre Zoltan ! Tu ne voulais quand même pas que je les laisse faire ?- Et toi Zoltan ! Bien sur, Tu n’étais non plus au courant de rien ?- ! ! ! ! ! ! !- Bon ! Je déchire le dossier et je fais classer l’affaire ! Règlement de compte entre barbouzes ! Mais je ne veux plus voir de fusillades dans les lieux publics ! J’espère que c’est compris ?- Oui Philibert !- ! ! ! ! ! ! !Chapitre XXIV. Le réseau.Philibert les ayant renvoyés à leurs affaires, Serge et Zoltan reprenaient respectivement leurs occupations.- Zoltan ! Tu me déposes chez Fernande ? Je suis venu en taxi !- Je suis garé en bas de la rue !- Quel phénomène, celui-là ! Je vois qu’il est vraiment au courant de tout !- Pourquoi tu ne m’as rien dit, hier soir ?- De toute façon, tu n’as pas mis longtemps à le savoir !- Dis-moi ! Ils se sont vraiment fait massacrer, hier soir ?- Et comment ! Après ça, ces ordures vont savoir qu’ils ne font pas ce qu’ils veulent à Paris ! Ils nous prennent vraiment pour des baltringues ou quoi ? Ils s’imaginent qu’on n’est pas au niveau !- Tu crois qu’ils vont se calmer ?- S’ils veulent du rab, mon équipe est à leur disposition !Volontairement, Serge n’avait pas prévenu Zoltan de ce qui s’était passé la veille. Il voulait tester les prétendues capacités de renseignements de Philibert. Celui-ci n’avait pas traîné. Il avait ordonné à ses services d’être tenu au courant sur le champs, de tout ce qui concernait de prés ou de loin Zoltan. Et pour montrer à Serge à quel point il était bien renseigné, c’est à la première heure qu’il l’avait convoqué avec Zoltan à son bureau. Serge, qui travaillait à l’occasion avec les services secrets Israéliens, avait à sa disposition les renseignements les plus fiables au monde. Depuis l’assassinat de Milan, il savait très bien que ceux qui organisèrent son élimination, n’en resteraient pas là, demandant alors à ses amis de mettre ce beau monde sur écoute. Dans le passé, les agents Israéliens utilisaient régulièrement le langage cyrillique pour coder leur propre fréquence. Il leur fut facile de repérer les appels des barbouzes Serbes et de prévenir Serge à la moindre manigance. Celui-ci n’avait plus qu’à envoyer son équipe pour nettoyer.Depuis son procès, Zoltan avait donné des consignes strictes pour changer le texte de la publicité de « Bob Zoltan ». Il avait été condamné à douze mois de prison avec sursis et ne tenait pas à avoir contre lui, une nouvelle plainte pour publicité mensongère. Il s’était entouré d’un luxe de précaution et il avait même rajouté sur la nouvelle publicité que les prestations de l’agence étaient payantes. Sur des fiches réservées à cet effet, il faisait inscrire par ses bookers, le lieu exact ou le client recevait la publicité. Il décidait lui-même des lieux de distribution et il pouvait ainsi comparer l’efficacité du travail de chacun. Depuis une semaine, des clients venaient à l’agence en possession de son ancienne publicité. Zoltan vérifia dans quel quartier ils l’avaient reçue et il s’aperçut qu’il n’avait jamais envoyé de distributeurs à cet endroit. Il n’y avait qu’une seule explication. Le Tribunal voulait faire tomber son sursis et le faire condamner pour récidive. Le syndicat avait fait imprimer l’ancienne publicité de Zoltan et il avait chargé ses sbires de la distribuer dans Paris. Il ne restait plus qu’à ordonner à la police de faire constater la chose et ainsi convoquer Zoltan de nouveau au Tribunal. La majorité de la population ne se doute pas des actions crapuleuses de certains magistrats. Il est vrai que les juges et les procureurs ne risquent pas d’aller en prison. Puisque ce que ce sont eux qui envoient les gens en prison. Quand un Homme dispose de l’impunité totale, il est difficile pour lui de rester intègre et de ne pas abuser de son pouvoir. Heureusement, tous les Magistrats ne sont pas des crapules. Il y en a aussi qui sont honnêtes. On entend régulièrement dans les journaux télévisés, que certains d’entre eux sont mouillés dans des sombres affaires de corruptions. Bien entendu, un Magistrat n’accusera jamais un confrère. A présent, Zoltan envisageait sérieusement de démissionner de sa gérance. Il en avait assez de toute cette pourriture.La guerre était finie, Le président Milosevic avait signé le plan de paix proposé par « l’ONU ». Le Kosovo resterait Serbe, mais les Albanais jouiraient tout de même d’une certaine autonomie. « L’Otan » cessa enfin les bombardements sur la Yougoslavie et le monde pu relâcher sa respiration. Pendant ce temps, à Belgrade, Dino s’affichait ouvertement avec une chanteuse de variétés populaire. Les parents d’Anita ne comprenaient pas pourquoi il n’était pas auprès de leur fille. Alors lors ce que Dino fut invité dans une émission de variété et qu'on lui posait des questions sur Anita, ainsi que sur cette chanteuse avec laquelle on le voyait souvent, il déclara qu’il était divorcé d’Anita et qu’il avait l’intention de se remarier avec sa nouvelle amie. Les parents d’Anita qui regardaient évidement l’émission en direct, furent outrés de cet affront. Ils téléphonèrent immédiatement à leur fille qui à cette nouvelle perdit connaissance. Dès le lendemain, Anita entamait une procédure de divorce auprès de son Avocat. A plusieurs reprises, elle fit constater par huissier que son mari avait abandonné le domicile conjugal, donnant à son avocat, les coupures de presse ou l’on voyait Dino embrasser sa maîtresse dans des endroits publics. Remettant également une cassette vidéo que lui avaient envoyés ses parents de Serbie, ou était enregistrés la déclaration de Dino lors de l’émission. Celui-ci avait franchi la limite de non-retour et il avait définitivement perdu Anita. A présent, elle pu enfin librement jeter son dévolu sur Zoltan. Cette finalité était de toute façon inévitable.Chapitre XXV. La trahison.Michèle était plus jalouse que jamais. Elle n’était pas satisfaite de ses relations avec Bob. Comprenant qu’elle n’avait aucune chance avec Zoltan, elle décida de se venger en créant la discorde entre les deux associés. En premier lieu, elle raconta à Bob, que Zoltan la harcelait sans arrêt pour coucher avec elle. Elle prétendait qu’il lui demandait de quitter Bob et venir ouvrir avec lui une agence à Londres. Son cerveau malade avait imaginé un plan infaillible pour mettre la main sur l’agence. Elle avait écrit une lettre au procureur, dans laquelle expliquait que son patron lui vendait de la drogue. Qu’il la forçait à coucher avec lui. Qu’elle avait très peur, car c’était un dangereux criminel. Bob était furieux. Il s’était saoulé avant d'aller voir Zoltan. Il le menaça de remettre au Parquet la lettre de Michèle, si Zoltan ne lui cédait pas la gestion ainsi que ses parts de la société. Il hurlait dans l’agence. Puis il hurlait dans le café. Zoltan avait déjà assez d’ennuis avec la justice, pour se permettre ce genre de problème. Il signa les documents que Bob avait préparés et il lui remit son jeu de clefs de l’agence. Anita, qui observait depuis longtemps le manège de Michèle, accompagna Zoltan. Si Zoltan s’en allait, elle n’avait pas non plus l’intention de rester à l’agence. Elle monta avec lui dans sa voiture. Tandis que Jules était venu dire au revoir à Zoltan, Bob lui ordonna de retourner à son travail.- Jules ! Tu remontes à l’agence, sinon tu dégages aussi !- J’ai le droit de dire au revoir à un ami ! Philibert Doportugnac toujours accompagné de Serge avait observé la scène et invita Zoltan à venir le rejoindre à son bureau. Tout cela était inadmissible. Bob voulait le contrôle de l’agence mais il était hors de question de le laisser faire.- Zoltan ! Voici ce que tu vas faire ! Je sais très bien que tu prends de la coke ! Mais j’ai bien observé le manège de Michèle ! Si Bob envoyait sa lettre au Parquet, le juge ordonnerait une analyse de ton sang et tu risquerais des gros ennuis ! Alors ! Tu vas le prendre à revers ! Tu vas écrire toi aussi une lettre à Bob que tu lui enverra par l'intermédiaire de ton huissier ! Tu expliqueras dans cette lettre qu’avec tes problèmes, tu as pris de la drogue, que tu est souffrant et psychologiquement très fragile ! Dans cette lettre, tu écriras également que je suis ton médecin psychiatre et que je t’ai envoyé dans une clinique spécialisée afin de te faire désintoxiquer ! Qu’il a lâchement profité de ton état de santé pour te déposséder de ta propriété et que si tu est incapable de gérer actuellement la société « Bob Zoltan », lui l’est tout également ! Que s’il refuse de te rendre tes parts, ainsi que la gérance de ta société, tu feras ordonner une expertise psychiatrique ! Car sachant que lui-même prend du lexomil, une drogue dont il est fortement dépendant, tu lui refuses le droit de gérer l’agence et surtout de te juger ! Après ça, il ne pourra toujours essayer de te faire chanter avec son histoire bidon !- Nous, on a bien vu, que c’est Michèle qui t’allumait ! Tu vas récupérer ta société, mais maintenant, je t’ordonne d’arrêter de te coker, avec ta merde là !- Sinon, on te laisse tomber ! D’accord ?- OK !- Tu peux bien fumer un petit joint de temps en temps, mais qu’on ne te voit plus reprendre de la coke !- Je ne sais pas si j’ai vraiment envie de continuer de gérer cette agence !- Alors, on trouvera un autre gérant ! Mais en tout cas, il est hors de question que Bob te vole tes actions de l’agence !Le lendemain matin, à la première heure, Zoltan alla chercher Anita chez elle.- Bon ! Il est grand temps de remettre les pendules à l’heure !- Qu’est ce que tu vas faire ?- Tout d’abord, on va aller voir mon huissier !Dès l’ouverture de l’agence, l’huissier de justice remit la lettre de Zoltan à Bob. Ainsi, son règne éphémère n’aurait duré que le temps d’un week-end !Une demie heure après, Zoltan reprenait possession de ses quartiers, provoquant la stupéfaction de ses détracteurs, mais également l’hilarité de ses partisans. Jules, qui avait reçu la veille des menaces de licenciement, par ce qu’il disait au revoir à Zoltan, s’en donna à cœur joie.- J’ai failli attendre !- Alors ? Je n’ai pas été trop long ?- Si ! Un peu ! Ha ! Ha ! Ha ! Il y en a qui vont avoir une surprise !- Qu’est ce qu’ils ont dit, quand je suis parti ?- Qu’ils préféraient que ça soit Bob qui dirige l’agence !- Ca fait plaisir de voir qu’il y a des gens à qui j’ai manqué !Après ce putsch raté, Zoltan organisa immédiatement une réunion extraordinaire de tous les employés. Il n’épargna pas à Bob l’humiliation de la restitution des clefs de l’agence. Ceci devait être fait devant tout le monde. Bob devait également lui remettre les papiers signés sous le chantage. Zoltan licencia sur le champ Michèle pour faute lourde. Il annonça ensuite qu’après cette triste affaire, il n’avait plus envie diriger l’agence et qu’il nommerait un nouveau gérant.- J’ai appris que certains d’entre vous n’aimaient pas ma façon de diriger ! Que vous préfériez avoir Bob comme gérant ! Eh bien ! Sachez que je me moque complètement de votre avis ! D’ailleurs, vous n’êtes pas là pour avoir un avis ! Cette agence est à moi ! C’est moi qui l’ai créé ! Et j’en fais ce que je veux ! Comme je veux ! Ceux qui ne sont pas content, je ne les retiens pas ! La porte est grande ouverte ! Demain, je fais venir le nouveau gérant ! Celui que moi, j’ai choisi ! Et vous verrez ! Il est beaucoup moins gentil que moi ! Fini, les orgies offertes par l’agence ! Les règles de conduite vont changer ! Dorénavant, j’interdis de fumer dans les bureaux ! Croyez-moi ! Vous allez regretter le bon vieux temps ! A présent que vous savez qui est le maître ici, retournez travailler !En disant ces mots, Zoltan pétrifia les yeux hypocrites. Un malaise général s’empara de l’agence.- Ah ! Vous faites moins les malins, aujourd’hui ! Jules, descends avec moi ! Anita,Val, vous venez aussi !- C’est quoi, cette histoire de nouveau gérant ?- Cette agence ne m’intéresse plus ! Pourquoi devrais-je me créer de nouveaux problèmes ? Pour des employés qui n’ont même pas la reconnaissance du ventre !- Qui va être le gérant ?Un polytechnicien spécialiste dans les redressements de société !- Eh, bien ! Ca va être gai ! Et toi, qu’est ce que tu vas faire ?- Prendre du repos bien mérité !Anita prit Zoltan à part. Elle voulait rester près de lui et ne désirait plus travailler à l’agence si celui-ci partait.- Zoltan ! Si tu ne travailles plus à l’agence, moi non plus, je ne reste pas !- Alors ! Il vaut mieux que je te licencie ! Comme cadre, tu auras droit à d’importantes indemnités !- Qu’est ce qu’on va faire ?- Prendre d’abord des vacances !Roger Follet, le nouveau gérant, était un ami de Philibert. Il travaillait occasionnellement pour celui-ci. Zoltan voulant éviter de se retrouver à nouveau devant le Tribunal, se disait que ses ennemis n’oseraient pas s’en prendre à un ami de Doportugnac et qu’ils cesseraient d’attaquer l’agence. Il voulait se faire oublier, car il avait douze mois de prison en sursis sur les épaules. Alors, il passa le pouvoir à Follet.Chapitre XXVI. La destruction.Zoltan avait un problème urgent à régler. Après le jugement de son procès, les parties civiles venaient toutes à la porte de son appartement. Elles lui réclamaient les dommages et intérêts qu’elles avaient obtenus par le délibéré. Il lui fallait déménager au plus vite. Anita lui proposa de déposer ses meubles chez elle. Zoltan devait également rendre des comptes au juge des applications des peines. Une certaine Madame Pritt, un pit-bull bon chic bon genre. Comme il devait impérativement justifier d’une adresse auprès du tribunal, Anita lui procura un certificat d’hébergement. Zoltan se rendit donc à la première convocation du juge, mais malgré sa courtoisie envers elle, celle-ci se montrait très désagréable. Elle le traita comme un criminel de la pire espèce. Zoltan qui était habillé impeccablement, portait un parfum de chez « Guerlain ». Lors ce qu’il rentra dans le bureau du juge, celle-ci lui demanda en allant ouvrir sa fenêtre, si c’était lui qui sentait si mauvais. Elle lui donna ensuite une liste de gens à contacter, en lui ordonnant de payer les parties civiles à raison de quarante mille Francs par mois. Comme Zoltan avait été condamné par le Tribunal à payer au total, près d’un million cinq cent mille Francs, autant dire qu’il passerait sa vie à rembourser. Il tenta d’expliquer à Madame Pritt qu’il n’était plus gérant de la société « Bob Zoltan ». Qu’à présent, il ne touchait plus de salaire et qu’il avait même été obligé de quitter son appartement faute de ne plus pouvoir en payer le loyer. Il avait bien une promesse d’embauche comme directeur de casting, mais son salaire ne lui permettrait jamais de donner autant d’argent tous les mois. Et il lui fallait bien continuer à vivre. Le juge ne voulait rien savoir. Elle dit à Zoltan qu’il n’avait qu’à demander à son amie ou à ses parents de l’aider. Zoltan préféra ne pas relever et il sortit de son bureau. Anita l’attendait à l’extérieur.- Ca c’est bien passé ?- Allez ! Viens ! On se barre d’ici !Juin 1999. Deux mois étaient passés depuis que Zoltan avait cédé sa gérance à Roger Follet. Malgré la gestion rigoureuse de ce dernier, l’URSSAF avait envoyé un liquidateur judiciaire pour démanteler « Bob Zoltan ». C’était la fin de l’agence. En dépit de son énorme chiffre d’affaire et malgré les sommes astronomiques versées à Bercy, le réseau occulte qui voulait la perte du système « Bob Zoltan », préférait détruire cette société et ainsi envoyer au tapis vingt-cinq personnes. C’était sordide. Tout ce que Zoltan avait acheté pour l’agence était pillé. Le liquidateur judiciaire avait saisi le compte de la société. Plus de deux millions de francs, le fichier, les meubles, le matériel informatique, absolument tout. Zoltan avait été obligé de rendre sa BMW à la société de location. Avec Anita, il retourna voir Fernande aux Templiers. Celle-ci était écoeurée.- C’est une honte de voir ça !- Que veux-tu faire contre la Mafia d’état, Fernande ?- Ce sont des crapules ! Ils ne t’ont jamais laissé tranquille ! La France est vraiment devenue un pays de merde ! Qu’est ce que je vous offre ?- Oh ! Sers-moi un Whisky coca !- Et toi, Anita ?- Je vais prendre un coca sans glace avec citron !Philibert arrivait au café des Templiers. Zoltan lui demanda pourquoi il n’avait rien fait pour empêcher la fermeture de l’agence.- Ecoutes Zoltan ! J’ai appris que tu t’étais accroché sérieusement avec un Franc-maçon influent ! Il a fait jouer de son réseau d’influence pour te détruire à tout prix !- Qu’est ce que c’est que cette histoire, à présent ?- C’est la vérité ! Tu sais que je suis Franc-maçon moi-même ! Je sais ce que certains d’entre nous sont capables de faire !- Donc si je te suis ; le juge, le procureur, le syndicat et tous les autres sont des Francs-maçons ! Hé bien ! C’est du propre !- Qu’est ce que tu veux que je te dise ? C’est la vie !- C’est pas très légal tout ça !- Il y aura une enquête et des sanctions vont être prises !- Ca me fait une belle jambe ! En attendant, c’est moi qui suis condamné ! Quel pays de merde !- Trouves toi un travail et ça va se tasser !- Qu’est ce qui va se tasser ? Le juge des applications des peines, me traite comme un bandit de grands chemins ! Cette garce me demande de lui verser quarante mille Francs par mois et toi, tu dis que ça va se tasser ! Je dois payer au total un million cinq ! Autant dire que ma vie est foutue !- Mais non ! Tu paieras cinq cent Francs par mois ! Allez ! Je vais parler à cette juge !- Quand je pense à cette ordure de Bob ! Il en a bien profité de l’agence ! Au fait ! Où est-il, cet enfoiré ?Je crois qu’il a monté une société avec Hector !- Il ne perd pas le nord, celui-là ! Pourquoi il n’a pas de problèmes avec la justice, lui ? Il était pourtant mon associé ! Il prenait également des décisions ! Je sais très bien pourquoi, moi ! Monsieur fait partie d’une vieille famille Française ! Son père, Monsieur de Morley est peut-être Franc-maçon lui aussi !- Il n’est pas dit qu’il n’aura pas d’ennuis également ! Bob était gérant de fait !- En attendant, ce n’est pas à sa porte que viennent les Huissiers !Zoltan n’était pas au bout de ses peines. Ses ennemis avaient déposés une nouvelle plainte contre lui. Pour récidive pendant la période de son sursis. Ils s’étaient servis pour leur accusation de l’ancienne publicité de l’agence, qu’ils avaient eux-mêmes fait imprimer et distribuer. Pour ne pas être harcelé au quotidien, après son déménagement, Zoltan n’avait pas fait suivre son courrier à la poste. Il voulait éviter que les Huissiers des parties civiles ne débarquent chez Anita. Le Parquet qui était bien renseigné, avait bien envoyé une convocation pour le nouveau procès; mais à son ancienne adresse. Ne sachant pas qu’il était convoqué, Zoltan ne s’était pas présenté au procès. Il fut condamné par défaut pour récidive, à quinze mois de prison ferme. Le juge des applications des peines se serait bien gardé de prévenir Zoltan. Tous étaient de mèche. Philibert, qui apprit qu’un mandat de recherche était lancé contre Zoltan, lui téléphona afin de le prévenir.- Zoltan ! Tu as un mandat de recherche contre toi !- C’est nouveau ! Encore une surprise !- Tu devrais le prendre au sérieux ! Tu as été condamné par défaut à quinze mois de prison ferme !- Peux-tu m’expliquer ? Comment se fait-il que je n’aie reçu aucune convocation ?- Ils ont du t’envoyer la convocation à ton ancienne adresse !- Ils connaissent très bien ma nouvelle adresse ! Je leur ai remis le certificat d’hébergement d’Anita !- C’est un coup de vice ! Tu vas aller tout de suite voir Maître Couru ! C’est le futur Bâtonnier de Paris ! Lui seul peut te sortir de ce merdier. Je lui téléphone tout de suite !Chapitre XXVII. L’enfer.Maître Couru se débrouilla pour faire immédiatement lever le mandat de recherche. Zoltan devait se présenter lui-même devant le Parquet, afin de faire opposition à la décision du Tribunal et demander un nouveau jugement. Comme Maître Couru avait établi la preuve que le Parquet avait bien la nouvelle adresse de Zoltan, il avait reçu la garantie du juge que son client pourrait se présenter libre à son nouveau procès. Zoltan embrassa Anita.- Bon ! Allez ! J’y vais !- A tout à l’heure !- On verra ! Je ne leur fais pas confiance !- Mais non ! Tu verras ! Tout va bien se passer !Lors ce que Zoltan se présenta pour faire opposition, le juge le fit arrêter pour le placer en détention préventive. Il fut conduit à la prison de la Santé. Le juge des applications des peines n’avait pas respecté sa parole. Enchaîné, humilié, Zoltan devait ensuite se déshabiller complètement devant tous les gardiens. On lui ordonna de s’accroupir, les bras tendus vers l’avant et de tousser, afin de vérifier qu’il n’avait rien caché dans son anus. Tout était fait pour détruire la personnalité. Il passa sa première nuit en prison dans un cachot avec un toxicomane. Un gardien lui apporta un bout de pain moisi avec un morceau de fromage. Zlotan le donna au toxicomane puis s’allongea sur son matelas. C’était sa première nuit en prison. Il ferma les yeux en maudissant la France et son système. Le lendemain, après la visite médicale, il fut conduit devant le directeur qui le plaça en cellule avec deux garçons plutôt sympathiques. Zoltan avait de la chance dans son malheur. David et Gabriel connaissaient Serge. Ils partagèrent leur nourriture et leurs cigarettes avec Zoltan. En prison tout s’achète. L’eau, l’huile, le riz, le sel, le sucre, les timbres, les rasoirs, le savon. Tout est corrompu. La nourriture servie par le mess est tellement infecte, qu’il est impossible de la manger. L’eau du robinet est plombée. Autant dire que sans argent, les prisonniers tombent malades très rapidement. Pourtant à l’intérieur, certains détenus avaient même des portables. Par l’intermédiaire de leur famille, David et Gabriel avaient soudoyés les gardiens, afin que ceux-ci leur laissent construire un mur d’intimité autour des toilettes de leur cellule. A l’époque, ne pas avoir à faire ses besoins devant ses codétenus, était un vrai luxe en prison. David racontait que grâce aux bakchichs, les occupants des quartiers « VIP » disposaient carrément de leur propre ordinateur, installé avec Internet dans leur cellule individuelle. Zoltan avait un peu d’argent, mais il fallait attendre une semaine pour se faire livrer. Il passa ses journées devant la télévision que louait David. De temps à autre, il sortait en promenade. Dehors, on ne pouvait même pas trouver une brindille d’herbe. Après une longue semaine, Zoltan fut déféré au Parquet. Pendant le transport, il fut obligé de se mettre nu trois fois de plus, pour attendre près de quatre heures dans une cellule d’isolement. Arrivé dans la salle d’audience, il fut placé dans une cage comme le pire des terroristes. Anita, Philibert, Serge et Hector étaient venus le soutenir. Les parties civiles jubilaient de le voir ainsi enchaîné. A l’arrivée de la cour, Zoltan fut sidéré de voir le juge et le procureur, qui l’avaient déjà condamnés lors de son premier procès. C’était un terrible vice de procédure. Avec la complicité du même procureur haineux, ce même juge, qui à présent revêtait le costume de « juge des libertés » déciderait immanquablement de sa remise en prison. Ce n’était pas le hasard qui le plaçait encore sur son chemin un an plus tard, mais bien l’infâme calcul d’un montage honteux organisé par une sombre magouille judiciaire. Zoltan regardait leurs sourires cyniques et jubilatoires. Maître Couru demanda la libération de son client, mais celle-ci fut évidement refusé puisque tout était cousu sur mesure. Il retournerait à la Santé et y resterait trois mois jusqu’au prochain jugement. Le cauchemar ! Après avoir passé encore quatre heures en cellule d’isolement, il fut à nouveau déshabillé deux fois de plus, puis ramené en prison. Le lendemain, Zoltan reçut la visite de son Avocat. Celui-ci lui annonça qu’il avait fait immédiatement une demande de libération auprès la chambre d’accusation. Il faudrait tout de même attendre deux semaines en prison sans broncher, mais cette fois, ce serait bien un juge indépendant qui prendrait la décision de sa libération. Trois jours avant d’être déféré à la chambre d’accusation, Maître Couru retourna voir Zoltan.- Etes-vous tombé sur la tête ?- Qu’est ce qui se passe encore ?- Vous m’avez envoyé un courrier pour que je me dessaisisse de votre défense ! Vous m’expliquez que vous n’avez plus confiance en moi et que vous demandez un avocat d’office !- Je ne vous ai jamais envoyé ce courrier !- Il vient de la prison de la Santé !- Ecoutez, Maître ! Je vous dis que je ne vous ai jamais écrit cette lettre ! Vous n’avez qu’à comparer mon écriture, si vous ne me croyez pas !- Alors les gens qui sont contre vous sont très puissants !- Philibert m’a dit que c’était un complot organisé par certains Francs-maçons !- C’est bien possible ! Eux seuls sont assez puissants pour pouvoir contrôler autant de monde ! Vous avez reconnus le juge ?C’est le même qui m’a jugé la première fois !- Je vais vous sortir de là ! Faites-moi confiance ! Je vais faire un scandale !Trois jours après, Zoltan fut présenté devant un nouveau juge. Cette fois-ci, c’était une femme. La décision fut prise à huit clos et Zoltan fut enfin libéré. Pourtant, le mal était fait. Il du tout de même retourner à la prison pour rendre son paquetage. Il dit au revoir à ses deux camarades de cellule, mais c’est seulement à une heure du matin, qu’il pu sortir de la Santé. Les gardiens l’avaient retenu au maximum, soit disant à cause d’une histoire de travaux à l’entrée de la prison. Zoltan s’en fichait complètement. Il avait récupéré son portable et son argent. Une fois sorti, il arrêta un taxi. Anita l’attendait chez elle. Elle avait perdu dix kilos. Philibert téléphona à Zoltan pour prendre de ses nouvelles.- Alors ! Ca va mieux ?- Non ! Ca ne va pas du tout !- Il va falloir que tu te calmes et que tu trouves un travail ! Maître Couru t’a fait sortir de prison, mais il va quand même falloir que tu repasses devant ce juge ! Rien n’est encore réglé !- Oui ! Comme ça il va pouvoir m’y remettre, en prison !- Tu vas t’en sortir, va ! Tu as un bon avocat !- Philibert ! Je vais repasser pour la troisième fois devant le même juge ! Je ne crois pas qu’il va me faire une faveur !- Allez ! Calmes-toi ! Tu feras appel ! Ne t’inquiètes pas ! A chaque jour suffit sa peine ! On se voit quand tu veux !Puis ce fut à Serge de le féliciter de sa libération. Mais Zoltan était furieux. Il n’arrivait pas à se calmer. Il alla voir Zed et il lui demanda de lui trouver du produit.- Tiens ! Voilà ta coke !- Merci ! Tu en veux ?- Non ! J’ai mieux que ça ! Regarde ! C’est du Brown !- De l’héro ! Merde ! Tu déconnes !- Tu veux goûter ?- Je déteste les piqûres !- Mais non ! Je la fume ! Attends ! Tu vas voir !A l’aide d’un crayon et une feuille d’aluminium, Zed avait roulé un petit tube. Il avait ensuite pris une autre feuille d’aluminium et déposa un peu d’héroïne dessus. Puis il chauffa la feuille par en dessous avec son briquet et la poudre se transforma en caramel. Il pencha la feuille en réchauffant doucement la grosse goutte qui descendait petit à petit, tout en aspirant la fumée acide à l’aide du petit tube.- Il faut garder la fumée le plus longtemps possible ! Tu vois ! Le secret est de ne pas trop chauffer ! Sinon, tu crames la schnouff !- Ca fait quoi, comme effet ?- Tu vas voir ! On appelle ça « chasser le dragon » !Ils aspiraient dans le tube chacun leur tour. La goutte faisait des allers retours sur la feuille d’aluminium. Lors ce qu’elle fut entièrement consommée, ils se retrouvèrent tout les deux complètement sonnés. L’héroïne endormait Zoltan et il s’envoya deux autres lignes de coke par dessus.- Je préfère quand même la coco !- C’est pas pareil !Zoltan était fâché contre le monde et il en voulait à la terre entière. Au bout d’un mois, il se trouva quand même un travail dans une société de sondage. Le jour fatal du jugement, il se présenta au Tribunal toujours assisté par Maître Couru, qui argua au président que celui-ci jugeait à nouveau son client et ce pour les mêmes faits. La peine de quinze mois fermes fut bien sur confirmée. Pour la troisième fois donc, Zoltan se retrouvait devant le même juge et celui-ci le massacrait à nouveau. Furieux, Maître Couru menaça la cour d’en référer au conseil de l’ordre. Il obtint que le jugement ne soit pas exécutoire, laissant à Zoltan la possibilité de faire appel en liberté. Zoltan fit immédiatement appel mais il était fatigué de cette affaire. Aucun Avocat de Paris n’aurait obtenu mieux que Maître Couru. Zoltan était en liberté mais il allait encore une fois devoir repasser en jugement.- Vos ennemis sont coriaces !- Je n’en peux plus ! Ca fait deux ans que ça dure !- Pourquoi ne partez vous pas vivre à l’étranger ?- ! ! ! ! ! !- De toute façon, si vous êtes condamné, la justice française ne demandera pas de mandat d’extradition contre vous ! Il vous suffira de vous tenir peinard dans un autre pays pendant cinq ans et ensuite il y aura prescription !Partir à l’étranger. Maître Couru avait peux être raison. En France, on ne le laisserait sans doute jamais en paix. De toute façon, même si on le laissait libre, il devrait payer toute sa vie durant. Il ne pourrait plus jamais avoir le même niveau de vie. Alors pourquoi rester en France ? Zoltan était écoeuré. Il était fatigué d’être Français. Toutes les personnes qui notamment l’entouraient à l’agence, l’avaient abandonnés à la fermeture de sa société. Mais ce que personne ne savait et ce que personne n’aurait jamais pu savoir, c’est qu’avant de céder sa gérance, Zoltan avait ouvert un compte au Luxembourg. Juste un peu avant la trahison de Bob, il y avait placé de l’argent en cas de gros ennuis et avait également créé une société anonyme, attendant patiemment le moment d’être activée. C’en était assez; du casting, de la France, des espions et de tout le reste.Chapitre XXVIII. Le paradis.- Anita ! On se barre !- On va où ?- C’est une surprise ! Prends tes affaires de toilette et quelques vêtements de rechange !Après avoir longuement téléphoné à Pascal, son ami avocat d’affaires au Luxembourg, Zoltan réserva deux billets d’avion pour Luxembourg ville.Le voyage se passa sans histoires. Arrivés à destination, ils quittèrent l’aéroport pour monter dans la limousine que Pascal avait envoyée à leur rencontre. Le chauffeur les emmena au bureau de la société fiduciaire. Ensuite, Zoltan loua immédiatement une BMW 528 grise métallisée.- Alors, Anita ! Elle te plaît notre nouvelle voiture ?- Elle va bien avec la couleur de ma robe !- Allons prendre un verre quelque part ! Ce soir, on dîne au restaurant avec Pascal et sa femme !- Où va-t-on dormir, cette nuit ?- Chez-lui, bien sur ! Tu vas voir sa villa !- Tu l’as connu comment, ce mec ? Tu ne m’en as jamais parlé !- C’est une longue histoire ! Tu sais ! Pascal a connu les mêmes galères que moi en France ! Alors, il me comprend mieux que quiconque ! C’est mon joker secret !Après s’être rafraîchis, Zoltan et Anita visitèrent les boutiques du centre ville.- Quand même ! Tu as bien caché ton jeu !- Tu sais ! Je n’ai plus envie de retourner en France !- Je te comprends !- Je vais prendre un appartement ici ! Veux-tu venir vivre ici avec moi !- Qu’est ce que je vais faire de mon appartement ?- Tu n’as qu’à le libérer !- Et je vais faire quoi, ici ?- Et bien, on refera notre vie ici !- Je ne sais pas ! Je vais réfléchir !
Edité par TIMEBUSTER
MARIO KEKIC 2002